Un stratège géopolitique analyse les impacts de la guerre entre Israël et le Hamas sur l’Iran, la Russie et la Chine

Le conflit survient à un moment unique pour les intérêts iraniens, russes et chinois dans la région et pourrait avoir un impact important sur leurs ambitions plus larges au Moyen-Orient

Par Ryan Morgan & Steve Lance
21 octobre 2023 10:41 Mis à jour: 21 octobre 2023 10:41

Alors que les combats entre Israël et le Hamas s’inscrivent dans le cadre d’un conflit de longue date entre les peuples israélien et palestinien, l’analyste de politique étrangère Thomas F. Lynch III estime que ce nouvel épisode du conflit survient à un moment unique pour les intérêts iraniens, russes et chinois dans la région et qu’il pourrait avoir un impact considérable sur leurs ambitions plus larges au Moyen-Orient.

Vétéran de l’armée américaine depuis 28 ans, M. Lynch a occupé divers postes de commandement et d’état-major en tant qu’officier de blindés et de cavalerie et en tant qu’analyste politico-militaire en uniforme pour les chefs d’état-major interarmées de l’armée américaine. Il travaille aujourd’hui en tant qu’éminent chercheur au Centre de recherche stratégique de l’Université de défense nationale (NDU : National Defense University) à Washington.

S’exprimant jeudi dans le « Capitol Report » de NTD News, M. Lynch a estimé qu’un élément clé qui distingue la bataille en cours d’Israël des conflits passés est le travail récent de normalisation des relations israéliennes avec d’autres nations de la région, par les accords d’Abraham. Selon lui, ces efforts de normalisation des relations israéliennes avec d’autres nations du Moyen-Orient sont en conflit direct avec l’objectif majeur de l’Iran de saper la légitimité d’Israël et d’affirmer sa propre influence en tant que puissance régionale.

« Le grand prix des accords d’Abraham est et a été d’amener les Saoudiens à une relation plus normalisée avec les Israéliens. Et cela, nous le savons puisque l’Iran l’écrit. C’est une proposition très sombre pour l’Iran, car si les Saoudiens et les Israéliens pouvaient trouver un arrangement sur le plan de la sécurité, ils seraient alors unis, au lieu d’être quelque peu fragmentés face à l’Iran et à l’influence iranienne. »

M. Lynch a souligné que son analyse ne représentait pas nécessairement le point de vue du gouvernement américain, du ministère américain de la défense ou de la NDU.

M. Lynch a estimé que l’Iran a cherché à déstabiliser ses concurrents au Moyen-Orient en fomentant des conflits par l’intermédiaire de divers mandataires, comme le Hamas à Gaza, le Hezbollah au Liban, les rebelles houthis au Yémen (également connus sous le nom d’Ansar allah), et diverses factions musulmanes sunnites en Irak et en Syrie. Les États-Unis ont désigné le Hamas et le Hezbollah comme des organisations terroristes étrangères. L’administration du président Donald Trump avait également désigné les Houthis comme une organisation terroriste étrangère au cours des derniers jours de son mandat, mais le président Joe Biden est revenu sur cette désignation.

Alors que les gouvernements américain et israélien n’ont pas encore identifié de preuves spécifiques démontrant que l’Iran a ordonné ou soutenu les attaques du Hamas du 7 octobre qui ont déclenché cette nouvelle série de combats, M. Lynch a estimé que l’Iran a probablement cherché à utiliser ses mandataires pour nuire à la réputation d’Israël aux yeux de ses partenaires potentiels des accords d’Abraham.

« L’Iran a probablement vu ce qui était écrit sur le mur et a essayé de s’assurer que l’une de ses organisations terroristes perturbatrices, le Hamas, produise quelque chose de grand et de spectaculaire pour, en quelque sorte, jeter du sable dans l’engrenage des accords d’Abraham et empêcher Israël de s’entendre avec certains de ses ennemis, rendant ainsi les anciens ennemis d’Israël davantage alliés contre l’Iran. »

La Russie veut influencer toutes les parties

Au-delà du conflit actuel entre Israël et le Hamas, considéré comme un conflit par procuration avec l’Iran, M. Lynch a indiqué que la Russie et la Chine pourraient également voir leurs objectifs politiques au Moyen-Orient affectés par le conflit.

M. Lynch a rappelé que les intérêts de la Russie dans la région sont « quelque peu désordonnés », la Russie cherchant à maintenir des relations positives à la fois avec l’Iran et avec Israël.

La Russie et l’Iran ont été actifs en Syrie ces dernières années et ont soutenu le président syrien Bachar Al-Assad dans la guerre civile syrienne en cours. L’armée américaine soupçonne l’Iran d’avoir également fourni des drones et du personnel militaire pour soutenir l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

« Les Russes souhaitent également entretenir des relations diplomatiques avec ces organisations terroristes, estimant qu’ils peuvent jouer un rôle de médiateur et de modérateur, mais aussi garder un œil sur ce qu’ils veulent vraiment dans la région, à savoir une réduction de l’influence des États-Unis. Ils sont donc alignés sur les Iraniens et indirectement sur les Chinois, qui aimeraient également voir l’influence des États-Unis se réduire dans le monde entier. »

Selon M. Lynch, le ministre russe des affaires étrangères, Sergei Lavrov, a notamment tenté de positionner la Russie en tant que médiateur dans le conflit entre Israël et le Hamas, « mais personne n’a pris cette initiative au sérieux parce que, vous le savez, la Russie a ses propres problèmes avec l’Ukraine ». Selon M. Lynch, si la Russie se présente comme une force de médiation, elle préférerait probablement que la crise se poursuive afin de détourner l’attention des États-Unis et d’autres pays occidentaux de leur soutien à l’Ukraine.

« La Russie espère également tirer profit de cette crise. Même si elle propose une médiation pour sauver des vies, elle espère aussi – nous le voyons dans ses actions en coulisses – que l’Amérique et l’Occident détourneront des armes et des munitions pour aider ou assister la région d’Israël, ce qui entraînera une diminution du soutien à l’Ukraine. »

Cette semaine, le président Joe Biden a insisté sur le fait que les États-Unis pouvaient continuer à soutenir à la fois l’Ukraine et Israël. De nombreux républicains du Congrès ont exprimé leur opposition à l’aide américaine à l’Ukraine et la question pourrait semer la discorde alors que la majorité républicaine de la Chambre des représentants cherche à nommer un nouveau président de la Chambre et à adopter un budget pour financer le gouvernement des États-Unis jusqu’en 2024. La dette des États-Unis s’élève actuellement à 33.600 milliards de dollars.

Les objectifs économiques de la Chine au Moyen-Orient

Selon l’analyse de M. Lynch, la Chine a joué un rôle un peu moins important au Moyen-Orient. La Chine a cherché à accroître ses intérêts économiques dans la région, mais ces efforts étaient déjà largement au point mort avant les attaques du Hamas du 7 octobre.

« Le port d’Haïfa, en fait, est un pivot essentiel dans ce que la Chine a essayé d’établir, au cours des dix dernières années, comme une route commerciale et de transit clé pour les marchandises et l’influence chinoises à travers le Moyen-Orient, puis vers l’Europe de l’Est », a expliqué M. Lynch, en faisant référence au plus grand port maritime international d’Israël. « Cette relation, qui était très fructueuse entre les Israéliens et les Chinois sur le plan économique, s’est quelque peu essoufflée au cours des deux dernières années, en grande partie parce que les Chinois ont été perçus à l’échelle internationale, comme vous le savez, comme des oppresseurs dans certaines de leurs activités. Ils sont jugés partout dans le monde comme ayant la main lourde. Et franchement, ils ont en quelque sorte abandonné le marché lorsqu’ils ont adopté la politique du zéro Covid. Et ils n’ont pas été aussi actifs. »

« Les Israéliens ont été alertés du fait qu’une grande partie des activités déployées par la Chine, en particulier dans le domaine des technologies de l’information et dans d’autres domaines, pourrait constituer une menace pour les relations de sécurité entre les États-Unis et Israël, qui sont solides comme le roc. »

Le sénateur Chuck Schumer (Parti démocrate – New York) a exprimé sa déception à l’égard du régime communiste chinois, qui n’a pas condamné avec suffisamment de fermeté les attaques du Hamas du 7 octobre. Le 8 octobre, le ministère chinois des affaires étrangères a publié une déclaration exprimant sa « profonde inquiétude » face à l’escalade des tensions et de la violence, sans toutefois condamner directement le Hamas.

Les États-Unis peuvent prévenir un conflit plus large et isoler l’Iran grâce aux accords d’Abraham

M. Lynch estime que l’objectif à court terme des États-Unis devrait être d’empêcher que la guerre entre Israël et le Hamas ne se transforme en un conflit régional plus large.

L’administration Biden a déjà ordonné le déploiement dans la région de deux groupes d’intervention de porte-avions et de plusieurs escadrons de chasseurs de l’armée de l’air. L’administration a également ordonné le déploiement de la 26e unité expéditionnaire de marines dans la région et a demandé à ce que jusqu’à 2000 soldats supplémentaires se préparent à être déployés.

« Je pense que nos décideurs politiques ont fait ce qu’il fallait, en annonçant officiellement qu’ils allaient envoyer un porte-avions américain au large du Liban et qu’ils allaient y envoyer des Marines, au cas où. Il ne s’agit pas de dire qu’Israël ne peut pas gérer un combat sur deux fronts. Mais pour nous, il s’agit de dire : ‘Iran, tu dois te calmer et ne pas laisser le Hezbollah exploiter cette situation ou tes mandataires de Syrie en tirer profit, parce que si tu le fais, nous sommes prêts à faire payer à tes mandataires un tribut en faveur d’Israël.’ »

En plus de décourager d’autres acteurs régionaux de s’immiscer dans le conflit en cours, M. Lynch a rappelé que l’objectif à moyen et à long terme des États-Unis devrait être de faire progresser les accords d’Abraham. Selon lui, les relations positives entre Israël et l’Arabie saoudite sont susceptibles d’améliorer les relations entre Israël et d’autres pays de la région.

« Il s’ensuit un processus d’élaboration d’un nouveau Moyen-Orient, où ce ne sont pas les Iraniens contre les Israéliens un jour, les Iraniens contre les Saoudiens un autre jour, et les Iraniens contre l’Égypte un troisième jour », a-t-il conclu. « Au lieu de cela, tous ces pays s’aligneraient et diraient ‘l’Iran, votre influence néfaste n’est la bienvenue chez aucun d’entre nous' ».

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