Un test sanguin permet d’identifier le risque de démence 10 ans avant le diagnostic

Un modèle d'apprentissage automatique créé par les chercheurs a atteint un taux de précision de 90% dans la prédiction du risque de démence

Par Naveen Athrappully
17 février 2024 16:00 Mis à jour: 17 février 2024 16:00

Selon une étude récente, le dépistage de quelques protéines dans le sang pourrait permettre une détection plus précoce de la démence, parfois même dix ans avant le diagnostic

L’étude, publiée le 12 février dans la revue Nature, a examiné les données de plus de 52.000 adultes atteints de démence et a trouvé plus de 1400 cas de cette maladie. Les chercheurs ont constaté que quatre types de protéines présentes dans le sang étaient « systématiquement associés à la démence toutes causes confondues, à la maladie d’Alzheimer et à la démence vasculaire ». Ces quatre protéines sont la GFAP, la NEFL, la GDF15 et la LTBP2.

« Les personnes présentant des niveaux plus élevés de GFAP étaient 2,32 fois plus susceptibles de développer une démence », indique l’étude. La GFAP et la LTBP2 se sont révélées « hautement spécifiques pour la prédiction de la démence ». Des niveaux élevés de GFAP étaient également associés à un risque presque trois fois plus élevé de développer la maladie d’Alzheimer.

« La GFAP et le NEFL ont commencé à changer au moins 10 ans avant le diagnostic de démence. Nos résultats soulignent fortement que la GFAP est un biomarqueur optimal pour la prédiction de la démence, même plus de 10 ans avant le diagnostic. »

Les chercheurs ont conçu des algorithmes prédictifs à l’aide de l’apprentissage automatique, en entraînant le modèle sur deux tiers des plus de 52.000 participants à l’étude. Ils ont ensuite testé les performances des algorithmes sur les données de l’ensemble restant.

Le modèle avait un taux de précision de 90% pour prédire l’incidence de trois sous-types de démence, dont la maladie d’Alzheimer. La prédiction a été faite à partir de données datant de plus de dix ans avant le diagnostic de la maladie chez ces personnes.

Les résultats de l’étude ont des « implications pour le dépistage des personnes présentant un risque élevé de démence et pour une intervention précoce ». Les chercheurs ont examiné 1463 protéines avant d’identifier les quatre protéines critiques.

À l’heure actuelle, la démence n’est généralement diagnostiquée que lorsque des problèmes de mémoire ou d’autres symptômes connexes commencent à apparaître. Cependant, à ce moment-là, la maladie peut avoir progressé.

« Une fois le diagnostic posé, il est presque trop tard, et il est impossible de l’inverser », a déclaré Jian-Feng Feng, coauteur de l’étude et biologiste informatique à l’université Fudan de Shanghai, en Chine, dans un article paru dans Nature le 12 février.

Les données de l’étude proviennent de la UK Biobank, une base de données biomédicales à grande échelle contenant des informations sur la génétique, le mode de vie, la santé et des échantillons biologiques de plus d’un demi-million de personnes au Royaume-Uni.

L’étude a été financée par plusieurs institutions et universités en Chine, et les auteurs n’ont déclaré aucun intérêt concurrent.

Détecter la démence

Sheona Scales, directrice de recherche à Alzheimer’s Research UK, a déclaré que « d’autres études, y compris dans des populations plus diversifiées, sont nécessaires pour vérifier ces tests et modèles prédictifs », selon Science Media Center.

« Les tests sanguins pourraient permettre un diagnostic précoce et sont très prometteurs, mais jusqu’à présent, aucun d’entre eux n’a été validé pour une utilisation au Royaume-Uni.

Dans l’article publié le 12 février par Science Media Center, le Dr Amanda Heslegrave, chercheur principal au UK Dementia Research Institute de l’University College London, a souligné une limite de l’étude, à savoir que la UK BioBank est très bien structurée et qu’elle « peut ne pas englober toutes les populations dont nous avons besoin pour connaître le risque ».

Le professeur Tara Spires-Jones, présidente de l’Association britannique des neurosciences, a qualifié cette étude de « bien menée, qui ajoute à ce que nous savons des changements dans le sang qui se produisent très tôt dans les maladies qui causent la démence, ce qui sera important pour un diagnostic précoce à l’avenir ».

L’étude du 12 février intervient quelques semaines après qu’une autre recherche publiée dans le JAMA Network le 22 janvier a révélé qu’un nouveau test sanguin permettait de déterminer avec une « grande précision » le risque de maladie d’Alzheimer.

Actuellement, les personnes doivent subir une ponction lombaire ou un scanner cérébral pour identifier l’accumulation de protéines telles que la bêta-amyloïde et la protéine tau dans le cerveau, ce qui indiquerait le risque d’Alzheimer.

Cependant, ces examens peuvent être coûteux et souvent inaccessibles. L’étude s’est concentrée sur une forme de protéine tau appelée p-tau217, un biomarqueur clé de la maladie d’Alzheimer.

Le nouveau test sanguin avait un taux de précision de 97% pour l’identification de la protéine tau et de 96% pour l’identification de la protéine bêta-amyloïde.

Des tests moins chers et plus simples sont essentiels compte tenu du grand nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et d’autres types de démence qui vivent aux États-Unis. Selon l’Association Alzheimer, plus de six millions d’Américains vivent avec la maladie, et ce nombre devrait atteindre près de 13 millions d’ici 2050.

En France, on estime le nombre de cas de maladie d’Alzheimer à 900 000, 225 000 nouveaux cas étant dépistés chaque année. Si l’on inclut les aidants, plus de 3 millions de personnes seraient concernées. L’Inserm précise qu’elle touche 2 % des personnes avant 65 ans, et 15 % de la population au-delà de 80 ans.

Une personne âgée sur trois meurt de la maladie d’Alzheimer ou d’une autre forme de démence. Le coût total de ces maladies pour la nation s’élevait à 345 milliards de dollars l’année dernière, et devrait atteindre près de 1 000 milliards de dollars d’ici le milieu du siècle.

En France, Les coûts médicaux et paramédicaux du secteur de la maladie d’Alzheimer s’élèvent à 5,3 milliards d’euros par an. La maladie d’Alzheimer arrive à la 5e place des causes de décès en France, avec environ 18 000 décès par an.

Récemment, des chercheurs du Brain Institute de l’université du Queensland ont identifié le mécanisme par lequel les souvenirs se forment et se consolident dans le cerveau, ce qui pourrait ouvrir la voie à des traitements potentiels de la démence et de la maladie d’Alzheimer.

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