Présent dans 70 départements français, il se propage via le commerce des plantes en pot.
Il s’appelle « Obama nungara » ce qui signifie « plat comme une feuille » dans une langue amérindienne. Une espèce de ver plat invasif, venue d’Argentine, est en train d’envahir les jardins de France et d’Europe, menaçant potentiellement la biodiversité, selon une étude parue jeudi 6 février dans la revue scientifique PeerJ. Signalé sur les trois-quarts du territoire français, il se propage notamment via le commerce des plantes en pot.
« C’est une jolie histoire qui a commencé en mars 2013 : un amateur naturaliste observe dans son jardin de Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes) un ver bizarre, et envoie sa photo » sur les réseaux spécialisés, raconte Jean-Lou Justine, professeur au Muséum d’histoire naturelle à Paris, qui a dirigé l’étude. Intrigués, les scientifiques mettent en place un vaste réseau de sciences participatives, qui recueille en cinq ans plusieurs centaines de signalements, essentiellement en France mais aussi en Europe (Royaume-Uni, Espagne, Portugal, Belgique, Italie et Suisse).
Un ver qui n’aime pas le froid
Plusieurs espèces sont identifiées, mais « Obama nungara » semble dominer. Il s’agit de spécimens pour la plupart de couleur brun foncé, mesurant 5 à 10 cm. C’est un prédateur qui vit la nuit, se déplace très lentement, mais prolifère à toute allure. Grâce à des analyses moléculaires, les scientifiques parviennent à en trouver l’origine : l’Argentine, d’où l’espèce a débarqué via des plantes en pot. « Une fois qu’une espèce est dans un jardin, elle a beau se déplacer très lentement, elle peut envahir le jardin voisin en quelques mois », détaille le Pr Justine.
Il y aurait « des milliards d’individus », répertoriés dans plus de 70 départements de France métropolitaine. « L’une des surprises a été de ne pas le trouver en altitude, probablement parce que les nuits y sont trop froides », ajoute le scientifique.
Un prédateur
Que lui reproche-t-on ? D’être un prédateur mangeant les animaux du sol (vers de terre et escargots), et d’être une espèce « non-autochtone qui n’a pas sa place dans l’écosystème des sols ». L’étude ne donne néanmoins pas de chiffres sur l’importance de la prédation, et donc sur l’impact écologique exact, concède le chercheur.
« Invasif n’est pas synonyme de nocif : ça veut dire que la prolifération devient très visible, et que c’est potentiellement dangereux pour l’écosystème. Si c’est un animal prédateur, il va forcément diminuer la population des animaux qu’il mange », développe le chercheur.
Comment s’en débarrasser ? « On ne sait pas. On peut les écraser ou les brûler, mais il en restera autant après ». « C’est un phénomène classique pour les espèces invasives : sa présence est d’abord discrète et on ne s’en aperçoit que quand elle a envahi toute une partie du territoire », conclu le chercheur du Muséum.
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