Et si l’architecture pouvait être conçue pour avantager ceux qui utilisent l’espace, pour promouvoir leur bien-être mental et physique ;
C’est la question que posent certains architectes novateurs qui utilisent cette approche pour créer des espaces à la fois respectueux de l’environnement et « émotionnellement durables », comme le décrit Carolyn DiCarlo, conceptrice architecturale et designer d’intérieur de New York.
Depuis 30 ans, Mme DiCarlo fait le design d’espaces qui sont écoresponsables et qui favorisent en même temps le bien-être des habitants. Elle travaille à la conception d’espaces allant de bureaux d’entreprises et de maisons à des salles de musique, des temples et des restaurants étoilés par le guide Michelin.
« Nous sommes sensibles à notre environnement, nous sommes touchés par celui-ci, sans pourtant en être conscients », expliquait récemment Mme DiCarlo, lors d’un événement au Ash Center for Comprehensive Medicine auquel étaient présents les gourous de la santé les plus connus de New York.
Mme DiCarlo s’est spécialisée en philosophie de l’architecture au Oberlin College et a étudié au Institute of Architecture and Urban Studies ainsi qu’au Graduate School of Design de l’Université Harvard. Elle a également poussé ses études plus loin en étudiant tout, des idées de Platon sur la beauté universelle et la proportion géométrique, jusqu’au feng shui et à l’architecture des cultures anciennes.
Ce processus a été transformateur pour Mme DiCarlo, car elle a découvert des liens entre les plus grands triomphes architecturaux de l’humanité et les raisons pour lesquelles il « fait simplement bon » de s’y trouver.
« Ce peut être la lumière, la couleur, la proportion des pièces, ou même la direction à laquelle vous faites face dans certaines de ces salles, qui affectent votre humeur et votre bien-être », continue-t-elle.
« Ces choses que nous savions peut-être il y a des milliers d’années, nous les avons oubliées. Il s’agit maintenant de les ramener une fois de plus à notre mémoire. »
Depuis les débuts de sa carrière il y a trois décennies, Mme DiCarlo a vu un changement profond dans le désir des consommateurs envers les endroits haut de gamme qui favorisent le bien-être.
« Les gens veulent maintenant que leurs maisons et leurs bureaux reflètent un état d’esprit compatissant, transformé et ouvert », explique-t-elle sur son site.
« C’est une occasion de repenser nos constructions, pas seulement [en ce qui concerne] leur espace matériel, mais aussi par rapport à leur fluidité d’utilisation et aux modèles plus subtils de construction qui influencent l’humeur, la santé et l’esprit. »
Est-ce que l’architecture peut jouer un plus grand rôle ?
L’idée selon laquelle l’architecture peut avoir une incidence sur la santé n’a probablement pas de sens plus profond ailleurs que dans les centres de soins de santé, où elle joue un rôle essentiel non seulement dans l’efficacité du contrôle des maladies, mais aussi dans le processus de guérison en offrant aux patients un soutien psychologique et physique.
L’architecte Michael Murphy a réfléchi au potentiel de guérison des bâtiments lorsqu’il a participé à la conception d’un nouveau type d’hôpital à Butaro, au Rwanda. Son équipe de conception a examiné les problèmes de la plupart des hôpitaux de la région : les couloirs encombrés contribuaient à la propagation de maladies contagieuses ; la circulation d’air était bloquée et les systèmes électriques étaient désordonnés ; les lits des patients étaient aussi alignés en rangées monotones et recevaient très peu de lumière naturelle.
Les membres de son équipe de design ont trouvé des solutions non seulement bonnes pour les gens, mais aussi pour la planète. Les principaux corridors ont été placés à l’extérieur du nouvel hôpital pour éliminer la prolifération de germes dans les corridors et pour promouvoir la marche à l’extérieur ; des murs pliables ont été installés pour pouvoir les ouvrir facilement sans utiliser d’électricité ; et de grandes fenêtres ont été installées dans les chambres afin que chaque patient puisse voir la nature. L’essence de cet espace a donc été transformée.
« Des concepts simples et spécifiquement reliés aux sites peuvent permettre la création d’un hôpital qui guérit », a déclaré M. Murphy, lors d’une conférence TED, en 2016, au sujet de cette expérience.
Les bâtiments ne sont pas simplement des sculptures expressives, ils donnent aussi corps aux aspirations collectives de notre société.
– Michael Murphy, architecte et cofondateur du MASS Design Group
Mais le potentiel de guérison ne s’est pas arrêté à la conception ; il a également été incorporé dans le processus de construction. Un ingénieur de la région nommé Bruce a été embauché pour aider à la construction, il a fourni son expertise et ses connaissances culturelles.
Bruce a eu des idées que M. Murphy et son équipe n’auraient jamais pu imaginer. Au lieu d’utiliser un bulldozer pour excaver le chantier, il a recommandé de demander aux membres de la communauté de venir le faire eux-mêmes – avec des pelles. Cela faisait partie de la culture rwandaise : du travail pour la communauté, accompli par la communauté. À la surprise de M. Murphy, le processus a pris la moitié du temps et la moitié du coût d’utilisation d’un bulldozer.
Bruce a ensuite amené des maîtres charpentiers pour construire les meubles tout en formant d’autres personnes dans le métier. De cette façon, il a pu non seulement meubler l’hôpital, mais aussi favoriser la transmission de compétences pouvant mener à un emploi futur pour les travailleurs.
Il a également insisté sur le fait que les travailleurs de l’ensemble du projet proviennent de tous les milieux, afin de guérir les blessures du génocide rwandais. Environ la moitié des travailleurs étaient des femmes, qui ont acquis une plus grande indépendance financière. Tout au long du processus de construction, Bruce a gardé la perspective de la guérison et de la croissance, pas seulement pour ceux qui étaient malades, mais pour toute la communauté.
M. Murphy appelle cette approche le mode de construction « fabriqué localement » ou la fabrication réduite. Il rapproche cette méthode du mouvement de la cuisine du terroir, mais pour l’architecture. La stratégie est simple: embaucher localement, utiliser des matériaux de base à l’échelle régionale, optimiser l’offre de formations à chaque niveau du projet et orienter chaque décision de conception vers l’investissement dans la dignité des personnes et des endroits où vous travaillez.
« Demandez non seulement quelle est l’empreinte écologique – une question importante –, mais quelle est l’empreinte humaine de ceux qui l’ont créée », précise-t-il.
Le projet de Butaro fut le tremplin de M. Murphy, le début d’une révolution dans sa façon de penser. Il a poursuivi son projet par la construction d’une clinique permettant de freiner l’épidémie de choléra en Haïti en réduisant la contamination de l’eau. Au Malawi, il a construit un centre d’accouchement où les taux de mortalité maternelle et infantile ont diminué grâce à la conception d’un environnement accueillant où les mères acceptaient volontiers de rester. Au Congo, il a construit un centre éducatif qui a également servi à protéger la faune menacée de braconnage. Aux États-Unis, il a aidé à repenser une université pour les sourds, qui favorise la communication verbale et non verbale.
« Dans chacun de ces projets, nous nous sommes posé une question simple : qu’est-ce que l’architecture peut faire de plus ; En posant cette question, nous avons été forcés d’examiner la manière dont nous pourrions créer des emplois, utiliser les ressources régionales et comment nous pourrions investir dans la dignité de ceux pour qui nous travaillons », a-t-il précisé.
M. Murphy est le directeur général de l’entreprise d’architecture sans but lucratif MASS Design Group, dont la force est de s’appuyer sur les processus de conception et de construction de bâtiments qui favorisent la santé, la croissance économique et la viabilité à long terme. Depuis la fondation de l’entreprise en 2010, il a supervisé l’expansion de MASS dans dix pays, sur trois continents.
« Les bâtiments ne sont pas simplement des sculptures expressives, ils donnent aussi corps aux aspirations collectives de notre société », conclut-il. « Une grande architecture peut donner de l’espoir. Une grande architecture peut guérir. »
Version originale : Architecture That Heals
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