Une entreprise chinoise de biomatériaux a été accusée d’avoir commercialisé des milliers de cadavres volés pendant huit ans, selon un document judiciaire rendu public.
Entre janvier 2015 et juillet 2023, Shanxi Osteorad Biomaterial Co, une ancienne entreprise publique, et une société affiliée auraient acquis plus de 4300 cadavres humains auprès de plusieurs maisons funéraires, d’un centre de transplantation et d’une université médicale, pour fabriquer des matériaux de greffe osseuse.
La société a fourni des matériaux osseux implantables allogéniques à des hôpitaux dans 13 provinces et villes, selon le document.
Le document de l’accusation, daté du 23 mai, a été publié pour la première fois sur la plateforme de médias sociaux chinoise Weibo le 8 août par Yi Shenghua, un avocat de Pékin qui compte près de 2,8 millions de followers.
M. Yi a déclaré jeudi au média chinois The Paper, soutenu par l’État, qu’il n’était pas impliqué dans l’affaire et qu’il s’était procuré le document auprès d’une source au fait de l’affaire.
Selon le document, la police a saisi plus de 18 tonnes de matières premières et semi-finies et 34.077 unités de produits finis auprès des entreprises impliquées.
Il a également déclaré que Shanxi Osteorad avait falsifié les formulaires d’enregistrement des donneurs et les documents de contrôle de qualité.
Selon le document, Shanxi Osteorad a été fondé en 1999 par l’institut chinois de radioprotection, propriété de l’État.
L’un des deux actionnaires de la société, Su Chengzhong, a créé une entreprise distincte, Sichuan Hengpu Technology Limited, en 2014, et s’est procuré des cadavres en prenant le contrôle de quatre salons funéraires en utilisant des investissements, des contrats de sous-traitance ou en s’infiltrant, précise le document.
Les quatre salons funéraires, répartis dans trois provinces, auraient vendu les corps ou les ossements de 4000 personnes décédées à Sichuan Hengpu au lieu de les incinérer. Le prix s’élevait à 2000 yuans chinois (280 dollars) par personne, ou à 2500 yuans (349 dollars) si les os étaient extraits.
Certains cadavres ont été démembrés dans les funérariums, d’autres chez Sichuan Hengpu. La société a vendu plus de 1000 cadavres à Shanxi Osteorad, le reste étant stocké, indique le document du tribunal.
M. Su aurait également fait en sorte qu’un homme, Liu Zhiyong, travaille à l’hôpital Yibin Zhongshan et utilise cet emploi comme couverture pour acheter une ambulance qui a été utilisée pour transporter les cadavres.
Laboratoire médical
Par ailleurs, un laboratoire de dissection de l’université médicale de Guilin aurait acheté 450 cadavres à trois autres salons funéraires – sachant que la plupart des cadavres avaient été volés – pour 900 yuans (126 dollars) l’unité, et versé des pots-de-vin au personnel des salons funéraires.
Selon le document, le chercheur Lan Lingyuan l’a fait avec l’autorisation écrite du directeur du laboratoire, Tian Shunliang, qui a apposé le sceau officiel sur les accords et approuvé l’équipement nécessaire au démembrement des cadavres.
Les deux hommes, avec l’aide de personnes tierces, auraient préparé et vendu plus de 300 cadavres à Shanxi Osteorad pour 10.000 yuans (1395 dollars) chacun.
Centre de transplantation
Une douzaine de cadavres provenaient d’un hôpital chinois de premier plan qui est un centre de transplantation de foie et de rein, selon le document du tribunal.
Entre 2015 et 2021, Li Zhiqiang, médecin à l’hôpital affilié de l’université de Qingdao, aurait vendu une dizaine de cadavres à Shanxi Osteorad, pour des prix allant de 10.000 yuans (1395 dollars) à 22.000 yuans (3070 dollars).
Le document ne précise pas la provenance des cadavres.
Tang Jingyuan, commentateur spécialiste de la Chine basé aux États-Unis, a déclaré que le document soulevait de nombreuses questions.
« C’est quelque chose de très étrange. En théorie, même si les cadavres provenaient de donneurs d’organes, M. Li n’a pas le droit de décider de leur sort, ils appartiennent aux familles », a déclaré M. Tang à l’édition chinoise de NTD News.
« De plus, M. Li a démembré les corps, congelé des parties des corps et les a vendues illégalement et en secret. Les corps ainsi que les décès restent suspects. Comment sont-ils morts ? Pourquoi les familles n’ont-elles pas réclamé les corps ? » s’est-il interrogé.
M. Tang estime que cette affaire témoigne d’un système bien établi de commerce de cadavres en Chine et d’une économie de marché noir soutenue par le parti communiste chinois, qui considère les êtres humains comme une source de revenus, morts ou vivants.
Selon le document du tribunal, Li Baoxing, qui dirigeait Shanxi Osteorad, a ordonné à quatre cadres supérieurs de falsifier des formulaires de consentement et des rapports de contrôle de qualité, et a demandé à la plupart des employés de l’entreprise de falsifier les signatures des familles des donneurs.
Suite à la publication du document par M. Yi sur Weibo, plusieurs médias chinois ont rapporté l’histoire, mais les rapports et un certain nombre de messages de M. Yi sur Weibo ont disparu.
La greffe allogénique est un type de greffe osseuse qui utilise l’os d’un donneur humain. Parmi les autres types de greffes osseuses, citons l’autogreffe, qui utilise l’os du patient, la greffe osseuse xénogénique, qui fait appel à un donneur animal, et la fabrication de matériaux synthétiques pour les greffes osseuses.
Selon la société chinoise de matériaux médicaux synthétiques Allgens Medical, en 2018, plus de deux tiers des greffes osseuses réalisées en Chine ont utilisé des matériaux naturels, et 90 % d’entre elles provenaient d’êtres humains.
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