La Colombie, pays des Amériques à la plus longue tradition tauromachique dirigé depuis 2022 par la gauche, a voté mardi l’interdiction des corridas à partir de 2027, rejoignant ainsi la liste des pays sud-américains abolitionnistes.
Le projet de loi sur une initiative des députés écologistes, qui n’entrera en vigueur que dans trois ans, a été adopté au Parlement par 93 voix pour et deux contre.
Pendant cette période « transitoire », l’État se devra de garantir des emplois alternatifs aux personnes qui dépendent directement ou indirectement de la tauromachie et adapter les arènes du pays à des activités sportives et culturelles.
« C’est une étape historique », a déclaré à l’AFP le député écologiste Juan Carlos Losada, qui a soutenu le projet de loi. La Colombie « quitte la triste liste » des pays « où la tauromachie, la torture animale, est encore considérée comme un élément culturel ».
« La mort ne soit pas un spectacle »
Le président Gustavo Petro a adressé sur X ses « félicitations à ceux qui ont finalement obtenu que la mort ne soit pas un spectacle ».
Felicitaciones a quienes por fin lograron que no sea un espectáculo la muerte.
Quienes se divierten con la muerte de animales terminarán divirtiéndose con la muerte de seres humanos; como los que queman libros terminarán quemando seres humanos. https://t.co/Y6NtZzVPpy
— Gustavo Petro (@petrogustavo) May 28, 2024
En 2018, la Cour constitutionnelle avait autorisé les corridas dans les villes et villages de tradition tauromachique et laissé aux maires le soin d’appliquer d’éventuelles restrictions. Ainsi, à Bogota et Medellin (nord-ouest), les corridas ne sont plus autorisées depuis 2020.
En revanche à Cali (sud-ouest), troisième ville du pays, et Manizales (centre-ouest), les corridas sont au cœur des fêtes traditionnelles. Hors des agglomérations, l’élevage bovin occupe une place très importante en Colombie, peuplée de 52 millions d’habitants.
La Colombie rejoint ainsi la liste des pays sud-américains qui interdisent la corrida, tels le Brésil, le Chili, l’Argentine, l’Uruguay et le Guatemala. Elles sont autorisées au Pérou, au Venezuela, en Équateur et au Mexique.
À Mexico, les corridas ont repris en janvier dans la plus grande arène du monde, d’une jauge de plus de 40.000 spectateurs, après plus d’un an d’une interdiction finalement annulée par la Cour suprême. Quatre des 32 États du Mexique les interdisent et le débat reste vif dans le pays comme en Europe, où les corridas sont permises au Portugal, en Espagne et en France quand une « tradition locale ininterrompue » est justifiée.
En France, un débat enflammé sur une proposition d’interdiction de la corrida s’est arrêté net en novembre 2022 au Parlement quand le député à l’origine du texte, Aymeric Caron (La France insoumise), l’a retiré en s’emportant contre des centaines d’amendements d’« obstruction ».
En Colombie également, le sujet divise. Les opposants à l’abolition, principalement issus de partis de droite, sont accusés de répondre aux intérêts privés des organisateurs. Le projet de loi adopté mardi avait été mis sur la table en 2020, sous la présidence d’Ivan Duque (droite) mais le vote avait été finalement reporté.
Les députés ont argué que la corrida était l’un des héritages culturels les plus controversés de la colonisation espagnole, « contraire à d’autres droits constitutionnels tels qu’un environnement sain, la dignité humaine et la reconnaissance des animaux en tant qu’êtres sensibles et sujets d’une protection spéciale contre les mauvais traitements et la violence ».
« 85% des Colombiens » contre la corrida
Le représentant du Parti vert, Alejandro Garcia, l’un des auteurs du texte, a affirmé que « 85% des Colombiens » étaient contre la corrida, citant un sondage indépendant. « Je suis fier d’être torero et de défendre » la corrida, « un symbole d’identité », a déclaré à l’AFP Johan Andrés Paloma, torero de 22 ans, quelques jours avant le vote.
Il affirme que 35.000 personnes dans le pays dépendent directement des spectacles taurins, sans compter les emplois indirects et informels. Selon lui, quelque 300 événements taurins dans plus de 70 lieux sont organisés chaque année dans le pays.
Le débat qui a précédé le vote du Parlement a été précédé de l’audition de maires, représentants du secteur de l’élevage, organisateurs de spectacles taurins et de multiples groupes de défense des animaux.
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