Une étude explique le lien entre un médicament chimiothérapeutique courant et les lésions cardiaques

De nouvelles recherches pourraient contribuer à améliorer les traitements de chimiothérapie actuellement liés à de graves lésions cardiaques

Par Sheramy Tsai
30 juillet 2024 03:46 Mis à jour: 30 juillet 2024 23:31

Une nouvelle étude publiée dans Nature Cardiovascular Research pourrait expliquer le mécanisme à l’origine de recherches antérieures établissant un lien entre la doxorubicine, un médicament chimiothérapeutique largement utilisé, et de graves lésions cardiaques. L’étude a montré que le médicament semble déclencher une réponse immunitaire entraînant un raidissement du cœur et une altération de sa fonction.

En découvrant le rôle du système immunitaire dans ce processus, les chercheurs espèrent mettre au point de meilleures stratégies de traitement avec moins d’effets secondaires, ce qui rendra le traitement du cancer plus sûr pour les patients.

Détails de l’étude

La doxorubicine, utilisée pour traiter divers cancers, notamment le cancer du sein et le lymphome, est connue pour ses puissantes capacités de lutte contre le cancer. Des chercheurs néerlandais la décrivent comme « l’une des chimiothérapies les plus utilisées et les plus utiles » dans une étude publiée dans The FEBS Journal. Cancer Research UK indique que la doxorubicine stoppe la croissance des cellules cancéreuses en bloquant la topoisomérase, une enzyme essentielle à la division cellulaire.

Une étude publiée en 2024 dans Nature a révélé que jusqu’à 9 % des patients traités à la doxorubicine souffrent de cardiotoxicité, ce qui peut entraîner une insuffisance cardiaque. Dans une vaste étude publiée dans l’American Journal of Cardiology et portant sur 22.815 patients traités à la doxorubicine, 18 % d’entre eux ont présenté des lésions cardiaques et 6 % ont développé une insuffisance cardiaque. Toutefois, les raisons exactes de ces lésions cardiaques n’ont pas été élucidées.

Des chercheurs se sont évertués à étudier le rôle du système immunitaire dans les lésions cardiaques induites par la doxorubicine.

L’étude a montré que la doxorubicine peut endommager le cœur en créant des molécules nocives appelées espèces réactives de l’oxygène (ERO). Ces molécules déclenchent une inflammation qui implique des cellules immunitaires comme les lymphocytes T CD4+ et CD8+. Normalement, ces cellules défendent l’organisme contre les infections et les tumeurs. Cependant, les chercheurs ont découvert que la doxorubicine peut amener ces défenseurs à attaquer le cœur.

Des expériences sur des souris ont montré que le traitement à la doxorubicine augmentait le nombre de cellules T CD8+ dans le cœur. Les cellules T CD8+ produisent des substances inflammatoires qui endommagent et cicatrisent les tissus cardiaques, réduisant ainsi la capacité du cœur à pomper efficacement le sang. Lorsque les chercheurs ont éliminé les cellules T CD8+ des souris, les lésions et les cicatrices cardiaques ont été considérablement réduites.

Cette réponse immunitaire ne s’est pas limitée aux souris. L’étude a également porté sur des observations faites sur des chiens et des humains. Les deux groupes ont montré des niveaux accrus de cellules T CD8+ après avoir reçu de la doxorubicine, établissant ainsi un lien entre le médicament et les lésions cardiaques déclenchées par le système immunitaire chez différentes espèces.

« Notre étude est la première à montrer qu’un type de cellule spécifique peut provoquer une inflammation chronique du cœur après un traitement à la doxorubicine et c’est la première fois que les lymphocytes T sont impliqués dans cette maladie », a déclaré dans un communiqué de presse l’auteur de l’étude, Abe Bayer, étudiant dans un programme d’immunologie.

Les chercheurs admettent qu’ils ne savent pas pourquoi le médicament pousse les lymphocytes T à attaquer le cœur, mais ils prévoient de l’étudier à l’avenir.

« Ce travail vise à empêcher les gens de mourir, que ce soit d’une maladie cardiaque ou d’un cancer, et cela signifie qu’il faut s’assurer que les gens peuvent prendre ces puissants médicaments de chimiothérapie en toute sécurité », a déclaré l’auteur principal, Pilar Alcaide, dans le communiqué de presse. « Bien que nous ne sachions pas à quoi ressembleront les solutions, cette étude ouvre de nombreuses portes à des stratégies de prévention potentielles qui protègent le cœur tout en permettant à ce médicament d’être efficace contre les cellules cancéreuses ».

La chimiothérapie liée au vieillissement accéléré du cœur

Des recherches récentes montrent que la doxorubicine peut accélérer le vieillissement du cœur. Ce phénomène, décrit dans une revue publiée dans npj Aging, suggère que les cœurs des patients traités à la doxorubicine ressemblent à ceux d’individus beaucoup plus âgés.

La revue indique que les cœurs naturellement âgés et ceux affectés par la doxorubicine ont du mal à pomper le sang de manière efficace. Cette condition, connue sous le nom de dysfonction diastolique, se produit lorsque le cœur ne se remplit pas correctement de sang entre les battements.

Le dysfonctionnement diastolique peut entraîner de graves problèmes, notamment la fibrillation auriculaire ou atriale, une affection caractérisée par des battements irréguliers et rapides du cœur. La recherche montre que la fibrillation auriculaire multiplie par cinq le risque d’accident vasculaire cérébral. Une étude publiée dans Frontiers in Pharmacology a montré que la doxorubicine augmente le risque de fibrillation auriculaire de 6,6 %.

La revue npj Aging a également montré des changements structurels significatifs dans les cœurs âgés et ceux affectés par la doxorubicine. Ces changements comprennent l’hypertrophie cardiaque, une condition dans laquelle le muscle cardiaque s’épaissit et provoque une accumulation de déchets dans les cellules cardiaques, ce qui entrave le bon fonctionnement.

En outre, les deux groupes présentent une augmentation de la fibrose, un type de cicatrisation du tissu cardiaque. Cette cicatrisation est plus prononcée chez les personnes traitées par la doxorubicine, ce qui indique un vieillissement plus rapide du cœur.

Évaluer la balance bénéfices-risques

Le Dr Nathan Goodyear, spécialiste du cancer intégratif au Williams Cancer Institute, a expliqué à Epoch Times que si la chimiothérapie combat efficacement le cancer, elle peut aussi affaiblir le système immunitaire, qui joue un rôle crucial dans la santé générale. Cet affaiblissement du système immunitaire peut empêcher la réparation normale des tissus de l’organisme, ce qui peut entraîner des troubles cardiaques graves comme la cardiomyopathie. Selon le Dr Goodyear, ces dommages sont souvent permanents, ce qui souligne le défi que représente le traitement du cancer, qui consiste à mettre en balance ses avantages et les dommages durables potentiels pour la santé des patients.

Avec l’augmentation du nombre de survivants du cancer, il est essentiel de s’assurer que les traitements ne provoquent pas d’effets secondaires persistants, en particulier sur le cœur, selon le Dr Nicolas Palaskas, cardiologue dans un Centre d’oncologie.

En France, selon la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques), le cancer est la première cause de décès. Les problèmes cardiaques sont la deuxième cause.

Aux États-Unis, les problèmes cardiaques sont la principale cause de décès chez les Américains chaque année. Le cancer est la deuxième cause.

« Par conséquent, si on parvient à guérir le cancer d’une personne, on ne veut certainement pas la laisser avec des problèmes cardiovasculaires », a-t-il écrit.

Selon le Dr Palaskas, les lésions cardiaques dues au traitement du cancer sont relativement rares.

« Il faut garder à l’esprit que les lésions cardiaques liées au traitement du cancer sont encore assez rares. En fait, seulement 5 % de mes patients en cardiologie ont des problèmes cardiaques liés au traitement du cancer ». Plus précisément, environ 2 % des patientes atteintes d’un cancer du sein et jusqu’à 5 % des patientes atteintes d’un lymphome ou d’un sarcome souffrent d’effets secondaires liés à la doxorubicine.

Le Dr Goodyear insiste sur le besoin critique d’un dépistage individualisé avant de commencer un traitement à la doxorubicine. Il souligne l’importance d’un échocardiogramme et d’évaluations cardiaques approfondies, en particulier dans le contexte des lésions myocardiques potentielles liées aux vaccinations Covid-19. Il insiste également sur la surveillance de l’exposition totale à la doxorubicine tout au long de la vie, notant que la Food and Drug Administration américaine conseille de maintenir la dose cumulée entre 450 et 50 mg/m2 de surface corporelle afin de minimiser les risques.

Les patients doivent être attentifs aux symptômes d’insuffisance cardiaque ou de blocage, notamment les douleurs thoraciques, l’essoufflement, le gonflement des jambes et le besoin de dormir en biais. Une prise en charge médicale immédiate peut permettre des interventions opportunes.

Pour minimiser les risques de lésions cardiaques, le Dr Palaskas recommande ce qui suit :

• Être actif : pratiquer 150 mn d’activité physique modérée ou 75 mn d’activité physique intense par semaine.

• Maintenir un poids sain : perdre 5 à 10 % de son poids corporel en cas de surcharge pondérale présente des avantages considérables pour la santé.

• Suivre un régime alimentaire sain : adopter un régime de type méditerranéen ou un régime à base de plantes, limité en sucre.

En suivant ces recommandations, les patients peuvent protéger leur santé cardiaque et améliorer leur état général pendant et après le traitement du cancer.

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