« Une marche très haute » : comment l’État peut-il trouver 40 milliards d’économie en 2026 ?

Par Germain de Lupiac
15 avril 2025 17:02 Mis à jour: 15 avril 2025 21:07

La pilule risque d’être amère. Le 13 avril, le ministre des Finances Éric Lombard a mis les pieds dans le plat en annonçant un effort de “40 milliards d’euros » dans le budget de 2026. L’exécutif veut préparer les esprits à une France « en état d’alerte budgétaire » tout en assurant que l’effort sera « essentiellement » porté par des économies.

Le 15 avril, François Bayrou tenait une conférence sur les finances publiques avec des ministres, des parlementaires, des organismes de sécurité sociale, pour présenter l’immense chantier à mener.

Le Premier ministre a évoqué une « heure de vérité » et espéré que « la confrontation les yeux ouverts avec la vérité de notre situation » puisse permettre au gouvernement d’obtenir le « soutien » des Français. Ce qui devrait se traduire par des annonces politiques douloureuses d’ici l’été touchant le modèle social actuel : les remboursements de santé, les retraites, le modèle du travail, etc.

Cette perspective a fait bondir les oppositions qui remettent en cause d’ors et déjà les coupes budgétaires et brandissent la menace d’une nouvelle censure.

Les premières pistes du gouvernement pour réduire les dépenses

Le pays s’était déjà doté d’un budget 2025 prévoyant une cinquantaine de milliards d’euros d’efforts portés en majorité par de nouvelles taxes. Pour 2026, le gouvernement veut continuer à réduire le déficit public de 5,4 % du PIB en 2025 à 4,6 %.

L’effort de 40 milliards d’euros portera « essentiellement » sur des « économies » a assuré en cœur la communication gouvernementale. « Avec 57 % de PIB de dépenses publiques, on peut tout à fait à la fois réduire les dépenses et maintenir la qualité des services », a assuré le ministre de l’Économie Éric Lombard, refusant de qualifier cette politique « d’austérité ».

Le ministre de l’Économie a dit « souhaiter » que la contribution différentielle sur les plus hauts revenus (CDHR), appliquée aux ménages les plus aisés, présentée comme temporaire dans le budget 2025 soit « pérenne ». Afin de préserver la compétitivité des entreprises, « nous ne souhaitons pas augmenter ni les impôts, ni les charges des entreprises », a poursuivi Éric Lombard.

Le gouvernement souhaite réduire de 6 % les dépenses publiques de l’État d’ici à 2029 sans recourir à « la tronçonneuse », selon les termes de la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin.

Parmi les pistes évoquées, la ministre a évoqué la fusion ou la suppression de certains opérateurs publics inutiles ou travaillant en doublon, une action contre « la très grande dérive » des arrêts maladie, la révision du mécanisme des achats publics afin de faire baisser les prix, ou « la gratuité qui déresponsabilise » en matière de services publics. « C’est autour de ces principes que nous construirons le budget » pour 2026, a-t-elle continué.

Huit milliards d’euros d’efforts pourraient être demandés aux collectivités territoriales, selon une information de La Tribune, après des économies d’environ 2,2 milliards d’euros imputées dans le budget 2025. Cela peut expliquer pourquoi l’Association des maires de France (AMF) n’a pas participé à la conférence du Premier ministre, dénonçant « une séquence de communication ».

Concernant le budget des ministères, une circulaire de la directrice du Budget enjoint déjà les ministères de baisser leurs crédits en 2026, de diminuer les effectifs ou de supprimer les dernières mesures de crise.

Le budget 2026 ne sera pas « confortable »

Mais le budget pour 2026 ne sera pas « confortable » prévient Amélie de Montchalin. « Ce sera un budget où on va consolider l’effort de désendettement dans un contexte qui va rester géopolitiquement et économiquement contraint », selon elle.  « Chaque euro, chaque dépense doit être justifié », a-t-elle ajouté, disant vouloir aboutir à un budget de « compromis parlementaire ».

Avant même la renégociation des tarifs douaniers américains, les incertitudes internationales conduisaient déjà la Banque de France à abaisser à 0,7 % sa prévision de croissance. Mais après le « quoi qu’il en coûte », dépenses massives pour affronter les crises sanitaire et inflationniste, le maintien de l’objectif de déficit à 5,4 % reposera sur le « quoi qu’il arrive », explique Amélie de Montchalin. Tenir la dépense malgré les aléas, c’est « une question de crédibilité sur les marchés », a-t-elle rappelé.

La porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, a admis qu’il s’agissait « d’une équation difficile », quand le ministre de l’Économie parle d’un effort « très considérable ». « C’est une marche très haute, mais nous n’avons pas le choix, c’est une affaire de souveraineté », a défendu de son côté le président du groupe Modem, Marc Fesneau, sur Public Sénat.

Cependant, « le Premier ministre s’est engagé, le président de la République également, […] à ne pas augmenter les impôts », a assuré Sophie Primas. Le Premier ministre François Bayrou a indiqué que « les grandes orientations » du budget 2026 seront présentées « avant le 14 juillet », déplorant que la France « manque de moyens » pour financer ses politiques parce « qu’elle ne produit pas assez et ne travaille pas assez ».

La réaction des oppositions et le spectre de la censure

Cet effort supplémentaire demandé aux Français pourrait être un motif de censure du gouvernement pour le RN et LFI.

Le Rassemblement national se dit favorable à des économies mais refuse qu’elles visent « les Français ».  « Si le projet, c’est de demander aux Français de se serrer la ceinture sans que l’État n’aille sur le chemin des économies en matière d’immigration, de train de vie de l’État, des collectivités, nous nous emploierons à le censurer », a prévenu son vice-président Sébastien Chenu.

À l’inverse, la gauche s’inquiète de « l’impact récessif » de nouvelles économies sur la croissance. « Il faut que cet effort soit calibré de telle manière à ne pas aboutir à une récession supplémentaire de celle résultant du contexte international », a alerté Bernard Cazeneuve. « Cela ne sert à rien d’annoncer des objectifs dont on sait qu’on aura des difficultés à les atteindre, sauf à faire des impôts massifs ou des économies récessives », a jugé l’ancien Premier ministre.

À l’autre bout de la gauche, si LFI est « prête » à déposer une nouvelle motion de censure « dans les jours qui viennent », selon son coordinateur Manuel Bompard, cela ne se fera qu’avec « la garantie qu’au moins les députés de gauche la votent ».

Dans le collimateur, les socialistes qui avaient refusé de voter la censure sur le projet de budget 2025 et permis à François Bayrou de se maintenir. Mais avant de se prononcer, les socialistes veulent attendre l’issue du conclave sur les retraites, point pivot de leur décision.

Comme l’exécutif envisage de ne pas convoquer de session extraordinaire du Parlement en juillet, cela pourrait renvoyer la question de la censure à l’automne, au moment des débats budgétaires.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.