Le sujet est vertigineux. Le 12 décembre dernier, un rapport axé sur la « bactérie miroir » a été mis en évidence par le magazine Science. Le fond du problème : le danger pour l’humanité, et plus largement pour la vie sur Terre, que représente cette dernière.
« La menace dont nous parlons est sans précédent. » Le tableau est posé. Plusieurs experts en sciences planétaires, biosécurité, biologie évolutive, écologie, pathologie végétale et immunologie de 36 pays, parmi lesquels plusieurs Prix Nobel, auteurs d’un rapport de 300 pages paru dans la revue Science, alertent sur les risques immenses que représente la création de « bactéries miroirs », une forme de vie qui n’existe pas à l’état naturel mais que de nombreux scientifiques ont essayé de créer… avant de faire un rétropédalage épique.
Avant d’approfondir le sujet, quelques explications sont nécessaires. Toutes les molécules qui composent la vie, comme l’ADN, les protéines ou encore les acides aminés, ont ce qu’on pourrait appeler « une main », nommée par les initiés une chiralité. Les scientifiques les qualifient de gauchères ou de droitières. Notre ADN, par exemple, est exclusivement droitier, c’est-à-dire que ses brins en spirale tournent toujours vers la droite. Les protéines, à l’inverse, tournent toujours vers la gauche.
Un fléau insoupçonné ?
Vous le voyez peut-être venir, les chercheurs ont essayé d’être plus malin que mère nature et se sont mis au travail pour tenter de créer des « vies miroirs » à partir d’images de molécules trouvées dans la nature. Sauf que voilà : les défenses immunitaires des humains, des animaux et des plantes reposent sur la reconnaissance de formes moléculaires présentes dans des bactéries envahissantes.
Si du jour au lendemain, ces formes venaient à être reflétées, comme dans les bactéries miroirs, alors la reconnaissance serait altérée et de nombreuses défenses immunitaires de base pourraient échouer… rendant les organismes plus vulnérables à l’infection. Pour faire simple, toutes les formes de vies citées plus haut seraient exposées à des agents pathogènes dangereux.
Une sorte de boîte de Pandore aux effets incontrôlables : « Les bactéries miroirs échapperaient probablement à de nombreuses réactions du système immunitaire humain, animal et végétal et, dans chaque cas, provoqueraient des infections mortelles qui se propageraient sans contrôle », alerte le Professeur Vaughn Cooper, biologiste évolutionniste à l’Université américaine de Pittsburgh, l’un des auteurs du rapport.
Insensible à nos antibiotiques et non détectées par notre système immunitaire (ni dans la nature par les prédateurs qui limitent traditionnellement les populations bactériennes), ces vies miroirs pourraient se reproduire à l’infini. La seule chose qui pourrait les freiner, c’est le manque de nourriture. Mais les chercheurs craignent que ces bactéries miroirs s’adaptent en développant finalement la capacité de manger notre nourriture.
Le son de cloche n’était pas du tout le même le 21 mai 2010. À l’époque, le même magazine Science se réjouissait d’une avancée majeure dans le domaine scientifique : une « première cellule contrôlée par un génome synthétique » mise au point par une équipe de recherche en biotechnologie. En d’autres termes, l’ADN entier d’une bactérie avait été fabriqué par synthèse chimique par ces scientifiques, qui avaient démontré qu’elle fonctionnait normalement. Si la nouvelle avait eu l’effet d’une bombe dans le milieu de la recherche, près de 15 ans plus tard, c’est panique à bord.
« Difficile de remettre ce génie dans la bouteille »
« À moins que des preuves convaincantes n’émergent qu’il n’existe pas de dangers extraordinaires, nous ne devrions pas créer une vie miroir », déclare Kate Adamala, biologiste synthétique à l’Université du Minnesota (États-Unis) dans les colonnes du Guardian. Ce qu’elle redoute, notamment, c’est l’accident de laboratoire, qui laisserait les bactéries miroirs se propager dans l’environnement. Un tel incident serait sans doute irrattrapable. De quoi donner des idées aux réalisateurs de séries.
Toutefois, selon les estimations des scientifiques, la première bactérie miroir ne devrait pas voir le jour avant 10 à 30 ans. Ces derniers sont en effet loin de maîtriser le procédé même de création de ces bactéries miroirs. Certains ont quand même fait de petits pas vers la construction de microbes miroirs, mais la fabrication d’un organisme entier n’est pas pour demain, surtout si la prise de conscience est générale. Le Dr Kate Adamala travaillait à la création d’une cellule miroir, mais elle a changé d’avis l’année dernière après avoir étudié les risques en détail.
« C’est incroyablement difficile et de nouvelles technologies seront encore nécessaires pour y parvenir », assure Michael Kay, professeur en biochimie et expert de la question à l’université de l’Utah (États-Unis), dans un communiqué. « Mais parce que ces technologies fondamentales commencent à se développer et à émerger, nous avons pensé qu’il n’était pas prématuré d’ouvrir le débat. » Une initiative salutaire. De grandes biomolécules miroirs, tel que des protéines, ont par ailleurs déjà été synthétisées.
Dans le but d’aborder les mesures qui pourraient être prises pour prévenir les risques liés aux « bactéries miroirs», les auteurs du rapport ont prévu d’organiser une table ronde au sein de l’Institut Pasteur en 2025. « Si une cellule miroir était fabriquée, il deviendrait incroyablement difficile de remettre ce génie dans la bouteille. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles nous voulons réfléchir à la prévention et à la réglementation bien en amont de tout risque réel », conclut Michael Kay.
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