Une nouvelle étude explique pourquoi certains souvenirs durent toute une vie

Des scientifiques découvrent une molécule qui sert de "colle" à la mémoire du cerveau, ce qui pourrait expliquer comment les souvenirs demeurent malgré le renouvellement des cellules

Par Cara Michelle Miller
14 juillet 2024 17:15 Mis à jour: 14 juillet 2024 17:15

Un journal intime qui ne s’efface jamais, voilà ce qu’est notre cerveau, grâce à une « colle » moléculaire récemment découverte, appelée KIBRA.

Les scientifiques ont découvert comment cette protéine, ainsi que son partenaire PKMzeta, maintient nos souvenirs intacts pendant des décennies, alors même que nos cellules cérébrales se régénèrent en permanence.

« Les efforts précédents pour comprendre comment les molécules stockent la mémoire à long terme se sont concentrés sur les actions individuelles de chaque molécule », a déclaré André Fenton, chercheur principal de l’étude et professeur de sciences neuronales à l’université de New York, dans un communiqué de presse. « Notre étude montre comment ces molécules travaillent ensemble pour assurer un stockage perpétuel de la mémoire ».

Comment notre cerveau conserve des souvenirs pendant des décennies.

Les souvenirs sont stockés dans le cerveau par l’intermédiaire des synapses, des connexions entre les neurones qui se renforcent grâce à des signaux fréquents. Ces synapses forment des réseaux neuronaux complexes responsables de l’encodage et de la récupération des informations, ce qui nous permet de naviguer dans la vie quotidienne et de façonner notre identité.

Cependant, les molécules à l’intérieur des synapses se renouvellent constamment, toutes les heures ou tous les jours, ce qui soulève une question :comment les souvenirs encodés dans ces connexions restent-ils stables pendant des décennies ?

Une étude menée sur des souris, récemment publiée dans Science Advances, s’est intéressée à la protéine exprimée par les reins et le cerveau (KIBRA), présente à la fois dans les reins et le cerveau et connue pour être en corrélation avec les performances de la mémoire et la cognition chez l’homme. Les chercheurs se sont concentrés sur les interactions de KIBRA avec d’autres molécules, en particulier la protéine kinase M-zeta (PKMzeta). Bien que la PKMzeta soit essentielle au renforcement des synapses, elle se dégrade naturellement en quelques jours.

L’étude a mis en évidence le rôle de KIBRA en tant qu’ « étiquette synaptique persistante » ou colle, s’attachant sélectivement aux connexions synaptiques fortes et se couplant à la PKMzeta pour les préserver. Ce mécanisme de ciblage et d’étiquetage contribue à stabiliser les connexions neuronales spécifiques qui reçoivent des signaux forts, garantissant que des souvenirs particuliers sont stockés pour être récupérés à long terme tandis que d’autres s’effacent.

La force de ces signaux pendant l’apprentissage, ainsi que les processus impliquant KIBRA et PKMzeta, déterminent quels souvenirs sont considérés comme essentiels et sont stockés en fonction de l’activité du cerveau et de l’importance de l’information à ce moment-là, notent les chercheurs.

Lorsqu’un souvenir se forme, « les synapses impliquées dans la formation sont activées et KIBRA est sélectivement positionné dans ces synapses », a déclaré dans un communiqué de presse le Dr Todd Sacktor, co-auteur de l’étude et professeur de pharmacologie et de neurologie à l’Université d’État de New York (SUNY) Downstate Health Sciences University.

« Cela permet aux synapses de se coller à la KIBRA nouvellement fabriquée, attirant ainsi davantage de PKMzeta nouvellement fabriquée », a ajouté le Dr Sacktor, décrivant la manière dont ces molécules fonctionnent ensemble dans un cycle continu.

Des scientifiques effacent des souvenirs chez des souris

Lorsque les chercheurs ont interrompu les liens entre KIBRA et PKMzeta dans le cerveau, cela a affecté la capacité des souris à conserver des souvenirs spatiaux, comme cela a été testé par des tâches comportementales. Cela démontre que ces interactions moléculaires sont vitales pour préserver certains types de souvenirs à long terme dans le cerveau.

Une étude réalisée en 2021 et publiée dans The European Journal of Neuroscience a montré que l’augmentation de la PKMzeta peut renforcer les souvenirs qui s’estompent. Cette observation a laissé perplexes André Fenton et le Dr Sacktor, qui ont participé à l’étude, jusqu’à ce qu’ils découvrent le mécanisme de marquage synaptique de KIBRA.

Selon André Fenton, le processus continu de marquage synaptique permet d’élucider ces deux résultats, qui sont essentiels pour comprendre les troubles neurologiques et psychiatriques liés à la mémoire.

Échos de la théorie de Sir Francis Crick

La découverte de l’équipe valide l’hypothèse formulée par Sir Francis Crick en 1984, selon laquelle les interactions moléculaires dans le cerveau entretiennent la mémoire. Sir Francis Crick, biologiste moléculaire britannique renommé qui a codécouvert la structure en double hélice de l’ADN en 1953, a proposé ce concept visionnaire. Cette idée compare la résistance de la mémoire au bateau de Thésée de la mythologie grecque. Le bateau de Thésée, également connu sous le nom de paradoxe de Thésée, est une célèbre expérience de pensée qui pose la question suivante : si on remplace chaque partie d’une chose au fil du temps, s’agit-il toujours de la même chose ?

Tout comme le navire persiste en remplaçant ses planches au fil du temps, la mémoire perdure malgré les changements moléculaires constants.

Selon le Dr Sacktor, cela permet aux souvenirs de perdurer pendant des années, même si les protéines qui les maintiennent sont remplacées.

« Une meilleure compréhension de la façon dont nous conservons nos souvenirs permettra d’orienter les efforts futurs visant à éclairer et à traiter les affections liées à la mémoire », a-t-il ajouté.

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