Des parties de la lettre du résistant Henri Fertet censurées par Emmanuel Macron lors de sa lecture pour les 75 ans du Débarquement

Par Ludovic Genin
7 juin 2019 07:19 Mis à jour: 12 juillet 2019 20:37

Alors que Theresa May et Donald Trump ont lu entièrement la lettre qu’ils avaient choisie lors des commémorations des 75 ans du Débarquement à Portsmouth le 5 juin 2019, Emmanuel Macron a lu quant à lui une version édulcorée de la lettre du résistant Henri Fertet.

Dans la lettre lue par Emmanuel Macron ce 5 juin à Portsmouth en Angleterre, ont été soigneusement retirées toutes les références spirituelles du résistant français, références pourtant lues en toute transparence par les autres participants.

« SCANDALE Comme le journal Le Parisien il y a quelques années, Macron lit cette lettre en CENSURANT certains passages. Elle contient en fait de nombreuses références à la religion catholique (au curé, à l’évêque du lieu qui l’avait défendu etc) et à la « France éternelle » », a réagi un utilisateur de Twitter, suivi ensuite par plusieurs internautes.

Parmi les termes « omis » par le président français, on retrouve entre autres : « Au ciel, près de Dieu. », « Cette mission désormais sacrée. », « ma confiance en la France éternelle », « Dites à M. le Curé que je pense aussi particulièrement à lui et aux siens. Je remercie Monseigneur du grand honneur qu’il m’a fait, honneur dont, je crois, je me suis montré digne », « Nous nous retrouverons bientôt tous les quatre, bientôt au ciel ».

[Retrouvez à la fin de l’article la lettre intégrale et toutes les parties qui n’ont pas été lues.]

L’Élysée nie « toute volonté de censure »

Les faits ont pu être vérifiés par 20 Minutes, qui confirme que le chef de l’État a bien laissé de côté la phrase dans laquelle Henri Fertet demandait de dire à ses « proches parents et amis » sa « confiance en la France éternelle », ainsi que les salutations adressées à son curé (« Dites à M. le Curé que je pense aussi particulièrement à lui et aux siens. Je remercie Monseigneur du grand honneur qu’il m’a fait, honneur dont, je crois, je me suis montré digne »). Ou encore la mention « Au Ciel, près de Dieu ».

Contacté par 20 Minutes, l’Élysée a cependant nié « toute volonté de censure » : « La cérémonie ayant eu lieu à Portsmouth, elle était entièrement organisée par les Britanniques, avec un timing ultra minuté pour chaque intervention, limitée à environ deux minutes. » s’est justifié l’entourage du président. Emmanuel Macron avait-il bien connaissance du texte intégral ? « Le président connaissait la lettre dans son entièreté, l’arbitrage sur les extraits conservés a été fait en amont de sa lecture », assure l’Élysée.

Quelques omissions aussi à des endroits précis de la part de la télévision française

La télévision française a apparemment eu aussi quelques états d’âme à traduire correctement le discours de la Reine d’Angleterre et ses références au spirituel, lorsqu’elle a cité par exemple les paroles de son père: « Ce qui est exigé de nous tous, c’est plus que du courage et de l’endurance, nous avons besoin d’un renouveau de l’esprit » (« we need a revival of spirit »). Pour la plupart des télévisions françaises cette partie n’a pas été traduite, certaines ont préféré dire « une résolution indomptable » ou simplement « renouveau »…

Mais pourquoi donc maintenant la France a t-elle si peur de parler de son héritage spirituel et historique, elle qui a été un phare dans toute l’Europe et au risque de se couper de l’un des expériences humaines les plus riches de notre intellect ? La question doit être sûrement politique.

La lettre intégrale du résistant Henri Fertet écrite à 16 ans (Les extraits en caractère gras n’ont pas été lus par Emmanuel Macron) :

« Besançon, prison de la Butte (Doubs)

26 septembre 1943

Chers parents,

Ma lettre va vous causer une grande peine, mais je vous ai vus si pleins de courage que, je n’en doute pas, vous voudrez bien encore le garder, ne serait-ce que par amour pour moi.

Vous ne pouvez savoir ce que moralement j’ai souffert dans ma cellule, [ce] que j’ai souffert de ne plus vous voir, de ne plus sentir sur moi votre tendre sollicitude que de loin. Pendant ces quatre-vingt-sept jours de cellule, votre amour m’a manqué plus que vos colis et, souvent, je vous ai demandé de me pardonner le mal que je vous ai fait, tout le mal que je vous ai fait. Vous ne pouvez douter de ce que je vous aime aujourd’hui, car avant, je vous aimais par routine plutôt mais, maintenant, je comprends tout ce que vous avez fait pour moi. Je crois être arrivé à l’amour filial véritable, au vrai amour filial. Peut-être, après la guerre, un camarade parlera-t-il de moi, de cet amour que je lui ai communiqué ; j’espère qu’il ne faillira point à cette mission désormais sacrée.

Remerciez toutes les personnes qui se sont intéressées à moi, et particulièrement mes plus proches parents et amis, dites-leur toute ma confiance en la France éternelle. Embrassez très fort mes grands-parents, mes oncles, mes tantes et cousins, Henriette. Dites à M. le Curé que je pense aussi particulièrement à lui et aux siens. Je remercie Monseigneur du grand honneur qu’il m’a fait, honneur dont, je crois, je me suis montré digne. Je salue aussi en tombant mes camarades du lycée. À ce propos, Hennemay me doit un paquet de cigarettes, Jacquin, mon livre sur les hommes préhistoriques. Rendez le “Comte de Monte-Cristo” à Emeurgeon, 3, chemin Français, derrière la gare. Donnez à Maurice Andrey de La Maltournée, 40 grammes de tabac que je lui dois.

Je lègue ma petite bibliothèque à Pierre, mes livres de classe à mon cher Papa, mes collections à ma chère maman, mais qu’elle se méfie de la hache préhistorique et du fourreau d’épée gaulois.

Je meurs pour ma patrie, je veux une France libre et des Français heureux, non pas une France orgueilleuse et première nation du monde, mais une France travailleuse, laborieuse et honnête.

Que les Français soient heureux, voilà l’essentiel. Dans la vie, il faut savoir cueillir le bonheur.

Pour moi, ne vous faites pas de soucis, je garde mon courage et ma belle humeur jusqu’au bout et je chanterai “Sambre et Meuse” parce que c’est toi, ma chère petite maman, qui me l’a appris.

Avec Pierre, soyez sévères et tendres. Vérifiez son travail et forcez-le à travailler. N’admettez pas de négligence. Il doit se montrer digne de moi. Sur les “trois petits nègres”, il en reste un. Il doit réussir.

Les soldats viennent me chercher. Je hâte le pas. Mon écriture est peut-être tremblée, mais c’est parce que j’ai un petit crayon. Je n’ai pas peur de la mort, j’ai la conscience tellement tranquille.

Papa, je t’en supplie, prie, songe que si je meurs, c’est pour mon bien. Quelle mort sera plus honorable pour moi ? Je meurs volontairement pour ma Patrie. Nous nous retrouverons bientôt tous les quatre, bientôt au ciel. Qu’est-ce que cent ans ?

Maman rappelle-toi :

“Et ces vengeurs auront de nouveaux défenseurs Qui, après leur mort, auront des successeurs.”

Adieu, la mort m’appelle, je ne veux ni bandeau, ni être attaché. Je vous embrasse tous. C’est dur quand même de mourir.

Mille baisers. Vive la France.

Un condamné à mort de 16 ans.

H. Fertet.

Excusez les fautes d’orthographe, pas le temps de relire.

Expéditeur : Monsieur Henri Fertet, Au ciel, près de Dieu. »

 

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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