Une étude approfondie portant sur des adultes en bonne santé a révélé que la prise quotidienne de multivitamines n’allonge pas la durée de vie et qu’elle est liée à un risque de mortalité plus élevé de 4 %.
Des chercheurs du National Cancer Institute américain ont mené cette étude, publiée le 26 juin dans JAMA Network Open. L’étude remet en question l’idée reçue selon laquelle les multivitamines améliorent la santé et la longévité. Ces résultats interviennent alors que près d’un adulte américain sur trois prend régulièrement des multivitamines, s’attendant souvent à prévenir les maladies chroniques et à prolonger la vie.
Selon l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation), les compléments alimentaires sont de plus en plus consommés. En France, 22 % des adultes et 14 % des enfants en consomment.
À propos de l’étude
Dirigée par le Dr Erikka Loftfield, l’étude met en lumière les effets de la prise de multivitamines sur la longévité et remet en question les bienfaits de ces suppléments populaires. S’appuyant sur les données de trois vastes études de cohorte, la recherche a suivi 390.124 adultes à travers les États-Unis pendant 27 ans, ce qui en fait l’une des analyses les plus complètes de ce type.
Les participants, tous sans antécédents de cancer ou de maladies chroniques, faisaient partie de l’étude NIH-AARP Diet and Health Study, de l’essai de dépistage du cancer de la prostate, du poumon, du côlon et de l’ovaire, et de l’étude Agricultural Health Study. Ils ont déclaré leur consommation de multivitamines au début de l’étude et au cours des intervalles de suivi.
Les données n’ont pas permis de conclure à un bénéfice en termes de mortalité pour les utilisateurs de multivitamines. Au contraire, les résultats indiquent une légère augmentation du risque de mortalité. L’étude indique que « l’utilisation quotidienne de multivitamines était associée à un risque de mortalité plus élevé de 4 % » par rapport aux non-utilisateurs. Cette augmentation du risque, bien que faible, suggère que les multivitamines pourraient ne pas apporter les bénéfices escomptés en matière de santé.
Les chercheurs ont pris en compte d’autres habitudes de santé telles que l’alimentation, l’exercice physique et le tabagisme. Ils ont constaté que les utilisateurs de multivitamines étaient généralement plus soucieux de leur santé, mangeaient souvent plus sainement et faisaient plus d’exercice. Toutefois, cet « effet utilisateur sain » ne s’est pas traduit par une durée de vie plus longue.
La période de suivi prolongée de l’étude a permis une analyse solide de l’utilisation à long terme des multivitamines. Au cours de la période d’étude, 164 762 participants sont décédés, ce qui a permis de disposer d’un ensemble de données substantiel pour évaluer les tendances en matière de mortalité. La cohérence des résultats entre les différentes cohortes et périodes de suivi a renforcé la conclusion selon laquelle l’utilisation de multivitamines n’a pas d’impact significatif sur les taux de mortalité.
Raisons potentielles des résultats de l’étude
L’étude établissant un lien entre la prise quotidienne de multivitamines et l’augmentation du risque de mortalité a suscité un débat parmi les experts. Plusieurs raisons pourraient expliquer ces résultats, reflétant à la fois la complexité de la science nutritionnelle et les limites de l’étude.
Déséquilibres nutritionnels liés à la prise de multivitamines
Les personnes qui prennent des multivitamines peuvent être sujettes à un mauvais équilibre entre les nutriments. Le Dr Michael Bauerschmidt, fondateur de Deeper Healing Medical Wellness, offre une perspective nuancée.
« Qu’est-ce qui détermine le besoin d’un supplément donné ? En d’autres termes, quel est le complément le plus important que l’on doit prendre ? La réponse est que c’est celui qu’on a le moins », a déclaré le Dr Bauerschmidt à Epoch Times.
Il a souligné que les besoins nutritionnels individuels peuvent varier considérablement et évoluer dans le temps, ce que l’étude n’a pas pris en compte. Cette variabilité signifie que le lien nutritionnel le plus faible chez une personne peut ne pas être le même chez une autre, et qu’il peut changer en fonction de divers facteurs.
« Nous n’avons aucune idée de l’état nutritionnel de base des participants à l’étude, ni même s’ils avaient besoin d’une multivitamine au départ », a déclaré le Dr Bauerschmidt. Cette omission est importante car, sans connaître les carences nutritionnelles initiales, il est difficile de déterminer l’impact réel de l’utilisation des multivitamines, a-t-il ajouté.
Le déséquilibre des minéraux dans de nombreuses multivitamines est un autre sujet de préoccupation. Robert Love, neuroscientifique, a fait remarquer dans une vidéo que « les multivitamines sont déficientes en certains minéraux dont la plupart d’entre nous manquent, en particulier le magnésium et le zinc ». Il note que 40 à 70 % des Américains ont une carence en magnésium et que de nombreuses multivitamines ne contiennent pas suffisamment de zinc, qui est essentiel à la santé du cerveau et à l’immunité. En France, plus de 70% de la population manque de magnésium.
À l’inverse, les multivitamines contiennent souvent des quantités excessives de minéraux tels que le cuivre et le fer. Selon Robert Love, un excès de cuivre peut provoquer un stress oxydatif et des lésions cérébrales, surtout s’il n’est pas équilibré par du zinc.
De même, des niveaux élevés de fer peuvent contribuer aux dommages oxydatifs et accélérer le vieillissement. Ce déséquilibre peut annuler les bénéfices potentiels et être nocif à long terme. David Sinclair, scientifique de renom et professeur titulaire à la Harvard Medical School, évite les multivitamines en raison des inquiétudes liées à un apport excessif en fer.
Qualité et type de multivitamines
Le Dr Bauerschmidt s’interroge également sur la qualité et le type de multivitamines prises par les participants. « Il n’y a aucune mention du type de multivitamine qu’ils ont pris. Très franchement, la plupart d’entre elles sont des cochonneries », a-t-il fait remarquer. « Mon gros problème avec les multivitamines en général, c’est qu’elles contiennent un peu de tout et pas grand-chose. »
Il souligne également que de nombreuses multivitamines contiennent des additifs tels que le stéarate de magnésium, qui peut adhérer aux vitamines et aux minéraux et les rendre plus difficiles à absorber par l’organisme, réduisant ainsi leur efficacité.
Un faux sentiment de sécurité
Les experts mettent également en garde contre le faux sentiment de sécurité que peuvent procurer les multivitamines. Le Dr Surender R. Neravetla, directeur de la chirurgie cardiaque au Springfield Regional Medical Center aux USA, remet en question la valeur des multivitamines, en déclarant sur son site web : « Alors pourquoi prendre quelque chose qui ne sert à rien et l’appeler une police d’assurance ? Ne gaspillez pas de l’argent en échange d’un faux sentiment de sécurité ».
Robert Love met en garde contre le fait de se fier aux multivitamines comme substitut à un régime alimentaire sain. « Les multivitamines et les suppléments, en général, ne remplacent pas une alimentation saine. Il est beaucoup plus important de manger sainement que de prendre des compléments alimentaires », a-t-il déclaré.
Faut-il prendre une multivitamine ?
Les experts appellent à la prudence dans l’interprétation des résultats de l’étude. Le Dr Bauerschmidt estime que la nature rétrospective de l’étude et le fait qu’elle s’appuie sur des questionnaires potentiellement non validés ajoutent de l’incertitude et ne permettent pas d’établir un lien de causalité clair entre la prise de multivitamines et l’augmentation du risque de mortalité. Il considère qu’il s’agit d’un exemple clair de « L’association ne prouve pas la causalité ».
De même, Morgan McSweeney, titulaire d’un doctorat en sciences pharmaceutiques, a déclaré à Epoch Times que l’étude était observationnelle, ce qui signifie qu’elle identifie des tendances mais ne peut pas prouver l’existence d’un lien de cause à effet.
« Ils ont fait de leur mieux pour contrôler des éléments tels que l’éventuel “effet de l’utilisateur malade”, mais il pourrait y avoir d’autres facteurs qui ne sont pas entièrement pris en compte, tels que les différences dans la fréquence des consultations médicales ou d’autres habitudes de santé qui ne sont pas reflétées dans les ensembles de données disponibles, et qui pourraient influencer les résultats », a-t-il déclaré. Si l’étude indique que les multivitamines ne sont pas bénéfiques pour la longévité, il est plus difficile d’affirmer avec certitude qu’elles sont nocives, a-t-il ajouté.
L’étude s’est principalement concentrée sur la mortalité, laissant ouverte la possibilité que les vitamines puissent avoir d’autres avantages ou risques pour la santé qui n’ont pas été mesurés dans le cadre de cette recherche. « Bien que l’étude n’ait pas mis en évidence de bénéfice en matière de mortalité, cela n’exclut pas la possibilité théorique d’un autre type de bénéfice qui n’aurait pas été mesuré », a rajouté Morgan McSweeney.
Le point de vue personnel de Morgan McSweeney est clair : si un professionnel de la santé recommande un supplément, il faut suivre ses conseils. « Cependant, dans les cas où les gens choisissent de prendre de nouveaux suppléments en se basant sur ce qu’ils voient sur les médias sociaux, je ne vois toujours pas de preuves solides justifiant de dépenser beaucoup d’argent pour des produits qui ne semblent pas offrir d’avantages significatifs pour la santé », a-t-il précisé.
Il suggère que les gens feraient mieux de dépenser leur argent dans des aliments sains riches en fibres alimentaires et en phytonutriments. « Ces aliments coûtent cher aujourd’hui en raison de l’inflation, mais ils ont des effets bénéfiques très nets sur la santé », conclut-il.
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