La justice de l’UE a épinglé mercredi un manque de transparence de la Commission européenne dans les achats de vaccins anti-Covid, notamment sur la question du risque de conflit d’intérêts entre ses équipes de négociateurs et les laboratoires pharmaceutiques.
« La Commission n’a pas donné au public un accès suffisamment large aux contrats d’achat de vaccins contre la Covid-19 », a tranché le tribunal de l’UE. Il était saisi de deux recours émanant de particuliers et d’un groupe d’eurodéputées écologistes à propos de ce vaste marché.
Le jugement intervient à la veille d’un vote crucial au Parlement européen pour la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, cible de critiques sur le manque de partage d’informations sur ce dossier.
Soutenue par les États membres pour un second mandat de cinq ans à la tête de l’exécutif européen, la responsable allemande attend un feu vert définitif des eurodéputés et le scrutin s’annonce serré.
Des conflits d’intérêts dans l’achat des vaccins
Parmi les « irrégularités » pointées par le tribunal de l’UE, figure le refus « partiel » de divulguer les déclarations d’absence de conflit d’intérêts des négociateurs européens de ces achats. Il s’agit de responsables de la Commission et de représentants des Etats membres.
La Commission a argué d’un besoin de protection de la vie privée de ces négociateurs, mais connaître leur identité et leur parcours professionnel était d’« intérêt public », a estimé la juridiction établie à Luxembourg.
Un autre grief retenu porte sur certaines clauses des contrats restées confidentielles à propos d’indemnisations et d’éventuels dommages et intérêts dus par les laboratoires en cas de défaut de leurs vaccins.
« La Commission n’a pas démontré qu’un accès plus large à ces clauses porterait effectivement préjudice aux intérêts commerciaux de ces entreprises », relève le tribunal.
Dans un communiqué, l’exécutif européen a dit « prendre acte » des jugements, dont les implications seront « examinées attentivement ».
Une « victoire » saluée
La Commission, qui peut encore former un pourvoi devant la Cour de justice de l’UE, a relevé avoir été condamnée seulement « sur deux points », le tribunal ayant confirmé le bien-fondé d’un accès restreint du public à bon nombre de clauses, dont celle mentionnant les lieux de production des vaccins.
L’une des plaignantes, l’eurodéputée allemande Jutta Paulus, a salué « une victoire » à mettre au crédit de sa collègue française Michèle Rivasi, associée avec elle à cette requête avant son décès fin 2023.
« L’automatisme de la Commission consistant à réclamer la confidentialité pour à peu près tout ce qui est pertinent dans les contrats a été rejeté », s’est réjouie une autre corequérante, la Luxembourgeoise Tilly Metz.
« La nouvelle Commission européenne doit maintenant adapter son traitement des demandes d’accès aux documents afin de se conformer à l’arrêt rendu aujourd’hui », a ajouté cette élue.
La Française Manon Aubry, coprésidente du groupe The Left (gauche radicale) au Parlement, y a vu « une victoire contre les lobbies qui confirme le besoin de transparence au sein des institutions ».
Ces vaccins contre le coronavirus avaient été acquis en grandes quantités en 2020 et 2021, dans le cadre d’achats groupés négociés par la Commission pour le compte des 27 États membres.
Le tribunal rappelle que rapidement après l’arrivée de la pandémie sur le sol européen au printemps 2020, « environ 2,7 milliards d’euros ont été débloqués afin de passer une commande ferme de plus d’un milliard de doses de vaccin ».
Plus de la majorité des doses ont été achetées ou réservées au duo américano-allemand Pfizer/BioNTech, mais cinq autres fabricants ont vu leurs vaccins être homologués par le régulateur européen (Moderna, AstraZeneca, Janssen, Novavax et Valneva).
Des échanges tenus secrets entre Ursula von der Leyen et Pfizer
Parallèlement à divers recours devant la justice de l’UE, le parquet européen, chargé de lutter contre la fraude aux fonds de l’Union, a ouvert une enquête en octobre 2022 sur ces achats.
Un an plus tôt, une vive polémique avait éclaté après la révélation par le New York Times d’un échange de SMS entre la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le PDG de Pfizer Albert Bourla.
Face au refus opposé par les services de la Commission à un journaliste qui demandait à connaître la teneur de ces textos, la médiatrice de l’UE avait émis de vives critiques à l’égard de l’exécutif bruxellois.
Un ex-lobbyiste belge du Parlement européen a par ailleurs saisi un tribunal belge l’an dernier à propos de ces SMS toujours restés secrets. Sa plainte pointe du doigt notamment une « destruction de documents publics » répréhensible pénalement.
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