ENTRETIEN – Le jeudi 15 août, un premier cas du nouveau variant de la variole du singe a été détecté en Suède. Pour le docteur Gérald Kierzek, urgentiste à Hôtel-Dieu à Paris, directeur médical de Doctissimo.fr et auteur de Leçons d’anatomie chez Albin Michel, il ne devrait pas contaminer de manière significative la population française grâce aux précautions sanitaires.
Dans cet entretien, le médecin revient également sur la crise structurelle que connaît le système de santé français.
Epoch Times : Que sait-on de ce nouveau variant ? En quoi est-il différent du virus précédent ?
Docteur Gérald Kierzek : Il y avait déjà eu en 2022 une épidémie de ce qu’on appelle Mpox clade 2 qui s’attrapait uniquement par voies sexuelles. Celui-ci, on le connaît. Aujourd’hui, il s’agit du mMpox clade 1. Des clusters localisés sont présents en Afrique, notamment en RDC, au Rwanda et en Ouganda. Mais ce variant n’est que légèrement différent du virus d’il y a deux ans.
Il est peut-être un peu plus contaminant et un peu plus létal. Mais quand on dit un peu plus, cela reste modéré. D’ailleurs, l’OMS et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) ont bien précisé que le risque global d’infection pour la population européenne reste faible.
Nous sommes en réalité dans une espèce de vague médiatique de panique alors qu’il n’y a pas de grandes inquiétudes à avoir. Nous avons un système de santé qui permet de prendre un certain nombre de précautions sanitaires et toute la population qui est née avant 1980 est vaccinée contre la variole.
Toutes ces mesures sanitaires n’existent pas en Afrique. Le personnel soignant est moins bien équipé qu’en Occident. Il n’y a par exemple pas de gants dans certains dispensaires. Par conséquent, des gens qui ont des vésicules vont être davantage touchés par ces soignants, engendrant une plus forte propagation du virus.
Pour le moment aucune contamination n’a été enregistrée en France. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a déclaré que l’UE doit se préparer à une hausse des cas de variole du singe. De son côté, Gabriel Attal a annoncé le placement du système de santé français en « état de vigilance maximale ». Faut-il s’inquiéter d’une forte hausse des cas dans le monde et dans l’hexagone de ce virus qualifié de « très contagieux » ?
Concernant la France, je pense qu’il faut encore se référer à ce qu’on connaît de ce virus, c’est-à-dire un mode de transmission qui n’a rien à voir avec le Covid. On est sur une transmission où il faut toucher les lésions, il faut avoir un contact étroit et prolongé. C’est valable lors des rapports sexuels par exemple, ou quand vous touchez des lésions. Et ça, le personnel de santé y est habitué. On ne touche pas à mains nues des lésions.
Quand Gabriel Attal parle d’ « état de vigilance maximale », je ne sais pas ce que ça veut dire d’un point de vue médical. La maladie est à déclaration obligatoire, les professionnels sont formés. Le reste n’est qu’effet d’annonce politique, mais en aucun cas une mesure particulière ou un plan blanc décrété sur l’ensemble du territoire.
Le vaccin utilisé pour le précédent virus est-il efficace contre ce nouveau variant ?
A priori oui et parmi les mesures nécessaires et obligatoires pour limiter la propagation, il y a la déclaration et l’isolement des cas, c’est-à-dire un contact tracing, identifier les personnes en contact extrêmement rapproché et les vacciner si elles ne le sont pas.
Aujourd’hui, le système de santé français pourrait-il faire face au Mpox en cas de contaminations à grande échelle ?
C’est toute la question. Mais que ce soit le Mpox, le Covid ou une quelconque bactérie ou virus, ils interviennent sur un système de santé qui est déjà en surtension. La crise n’est donc pas tant conjoncturelle et liée à une infection, que structurelle.
Nous manquons de lits, des services d’urgences ferment, l’hôpital de Belfort vient d’être placé en plan blanc, tout ça parce qu’il y a un manque de ressources humaines et de lits.
Alors bien sûr que le Mpox ou tout autre virus mettrait le système en tension dans la mesure où il l’est déjà.
Vous avez parlé du problème structurel du système de santé français. Que préconisez-vous pour le rendre plus efficace ?
On connaît les solutions depuis des années, mais il n’y a aucune volonté politique de le mettre en œuvre. On a actuellement un système qui est centré sur l’hôpital et le CHU. C’est-à-dire qu’on a fermé tous les hôpitaux de proximité pour les remplacer par des « méga hôpitaux ».
Nous avons d’une certaine manière, construit des usines à malades en négligeant les centres de proximité indispensables pour créer un lien avec la population et les médecins généralistes qui sont un peu isolés. Il faudrait un système de santé à trois niveaux : un premier niveau autour de la médecine ambulatoire, des médecins généralistes et des centres de santé. Un deuxième niveau s’appuyant sur l’hôpital de proximité, et un troisième sur le centre hospitalier de référence.
Or, le deuxième niveau a été supprimé et maintenant, il ne reste que des centres hospitaliers de référence. Et encore une fois, le nombre de lits, de services de maladies infectieuses ou médecine polyvalente a diminué. Les services d’hospitalisation ont tous été concentrés de manière à faire des économies.
Aujourd’hui, il y a beaucoup de territoires qui se trouvent à deux heures d’un hôpital. C’est un vrai sujet pour la population. En ce moment, on parle du Mpox, mais comme l’a dit le ministre de la Santé, Frédéric Valletoux, il y aura seulement des cas sporadiques. Le problème est lié aux maladies quotidiennes, comme les personnes souffrant de diabète ou d’insuffisance rénale et les personnes âgées qu’on ne peut hospitaliser. Finalement, l’État sait mieux gérer les pathologies exceptionnelles que celle du quotidien.
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