Ofo à Pékin, Vélib’ à Paris, Citibike à New York : les vélos en libre-service se répandent dans les villes. La flotte planétaire a désormais dépassé le cap des dix millions de bicyclettes partagées. Elle se divise en deux populations, celle des vélos qui moutonnent en station, accrochés à des bornes, et celle qui papillonnent sans attache. Entre eux, c’est la lutte pour la vie.
Les deux espèces se sont longtemps cantonnées à leurs habitats respectifs, l’Asie pour les vélos-papillons et l’Occident pour les vélos-moutons. Aujourd’hui, elles se font face dans les mêmes métropoles et leur cohabitation est belliqueuse. Tout les oppose : ressources financières, déploiement dans l’écosystème urbain, adaptation au milieu institutionnel, modèle d’affaires. Pas sûr que les deux survivent. Un petit tour d’économie de la concurrence permet de le comprendre.
La situation parisienne d’aujourd’hui témoigne du caractère aigu du conflit. Pionnier du vélo-station à grande échelle, l’entreprise J.C. Decaux n’a pas été sélectionnée pour la seconde vie du Vélib’. A l’échéance de son contrat de dix ans, elle a perdu l’appel d’offre de la Ville de Paris qui lui a préféré un concurrent franco-espagnol. Comme il faut changer les vélos, les bornes, les stations, les raccordements et les systèmes d’information, le basculement ne peut se faire ni en une nuit ni sans nuisances. Il va prendre des mois.
Cohabitation originale entre vélos-moutons et vélos-papillons
Parisiens, il va falloir vous armer de patience pour supporter chaussées éventrées, chantiers disséminés, et vélibs manquants ! C’est le moment choisi par les vélos-papillons pour essaimer à Paris. Quatre opérateurs colorés ont débarqués ces derniers mois : Obike en vélocipède jaune-gris de Singapour, Gobee.bike en deux-roues vert de Hong Kong, Mobike en bicyclettes orange et argent et Ofo en vélo jaune poussin, venus tout deux de Chine. Inutile de souligner que la lenteur du déploiement de Vélib’2 profite à ces nouveaux venus.
D’un point de vue économique, une telle cohabitation est originale. Les manuels enseignent deux mécanismes distincts de rivalité entre entreprises. La concurrence dans le marché est le mécanisme le plus courant. Elle voit les protagonistes se battre pour attirer les clients, dégager un profit et croître. La concurrence pour le marché, moins fréquente, est celle qui voit les entreprises rivaliser pour emporter un marché qui sera réservé à une seule. Pensez aux appels d’offres auprès de fournisseurs, aux enchères d’œuvres d’art ou à la passation de marchés de services publics.
Normalement, ces deux mondes restent étanches. L’attributaire du marché qui s’est battu ex ante pour l’obtenir est protégé d’une rivalité ex post. Or que voit-on aujourd’hui à Paris, mais aussi à Londres et dans d’autres villes ? Une concurrence dans le marché, entre opérateurs de vélo-papillons, qui s’exerce sur un territoire qui a été gagné par un autre à l’issue d’une concurrence pour le marché. Livrée à elle-même, la coexistence entre les vélos-moutons et les vélos-papillons est intrinsèquement instable. Pour mieux le comprendre observons déjà comment les deux populations vivent isolément dans leur habitat respectif.
Des vélos quasi-autonomes
Commençons par le cas exotique car il présente une grande originalité. Le vélo-papillon est en effet une espèce économique radicalement nouvelle. Non parce qu’il est partagé et connecté, mais parce qu’il est largué dans la nature – sans attache dans la jungle urbaine – et assure lui-même sa promotion, sa commercialisation et son service. Soient quelques centaines de vélos parachutés dans une ville : une arrivée qui intrigue, des couleurs vives qui attirent, un mode d’emploi lisible, une application vite téléchargée sur le téléphone, un antivol débloqué en moins d’une seconde, et hop ! en route en pédalant pour moins d’un euro et sans abonnement. Déposé au point d’arrivée, le deux-roues peut attirer un nouveau chaland et lui proposer ses services.
Bref, ces vélos sans station sont quasi-autonomes et font presque tout le boulot eux-mêmes. Ce sont des sortes de distributeurs automatiques de boissons ou de confiseries sur pattes.
A ses débuts en Chine en 2015, le vélo-papillon n’occupe que les campus universitaires, à peine quelques dizaines de km2 de l’écosystème urbain. Son histoire aurait pu s’arrêter là, à savoir une innovation de niche et quelques milliers de vélos. Aujourd’hui ils se comptent par millions, sont présents dans toutes les grandes villes chinoises et plusieurs dizaines d’entreprises sont entrées dans la danse.
Un pari insensé si on y réfléchit puisqu’il revient, pour les startups qui en sont à l’origine, à inonder l’espace urbain d’objets de valeur en liberté alors qu’il n’y a pas vraiment d’économies d’échelle et d’effets de réseaux croisés. En effet, chaque conquête de nouvelle ville et chaque extension dans les quartiers passent par l’achat et le déploiement de nouveaux vélos.
Un marché chinois sans pitié
Rien à voir avec Uber ou Airbnb qui n’ont nul besoin d’acquérir des voitures ou des appartements pour accroître leur chiffre d’affaires ! Les opérateurs de vélos sans station ne sont pas non plus des plateformes. Il n’y a que des cyclistes à recruter, pas d’un côté des chauffeurs et d’un autre des passagers avec de telles synergies entre les deux qu’elles permettent à un seul d’espérer rafler tout le marché ou presque. Plus de vélos c’est plus de clients, mais une augmentation du nombre de clients ayant téléchargé l’application ne fait pas tomber du ciel plus de vélos !
Aujourd’hui, le marché chinois est dominé de très loin par deux grandes entreprises Ofo et Mobike. Elles se partageraient déjà 90% du marché. La sélection naturelle a été foudroyante et impitoyable. Rien qu’à l’automne 2017, trois opérateurs moyens ont fait faillite.
Les décharges se sont remplies de leurs vélos et leurs clients ont perdu leur caution. Comme les petits concurrents auparavant, ces entreprises ont perdu la course à la taille et à la part de marché ainsi qu’à l’efficacité qui lui est en partie associée. La première nécessite des actionnaires puissants et aux poches profondes. Ofo et Mobike n’en manquent pas : Ant Financial Group d’Alibaba, le géant de l’Internet Tencent, l’Uber chinois Didi Chuxing et le groupe industriel Foxconn, entre autres, sont présents à leur tour de table. De quoi pouvoir acheter des millions de vélos sans attendre qu’ils rapportent.
Coût d’entrée, coûts fixes et vandalisme
Même sans effets de réseau croisés, les avantages de taille et part de marché ont été décisifs. En premier lieu, même s’il est modeste, il y a un coût d’entrée pour le consommateur : téléchargement et renseignement de l’application, dépôt d’une caution et expérimentation du service et du nouveau vélo. Le consommateur a donc intérêt à choisir l’opérateur qui dispose d’une grande flotte car il sait qu’il a plus de chances de trouver un de ses vélos lorsqu’il en aura besoin. Cet effet entraîne un taux d’utilisation moyen journalier de chaque deux-roues plus élevé pour les entreprises qui disposent de plus de vélos.
En second lieu, plus la flotte est grande, plus la donnée récoltée sur les trajets est riche ; plus la donnée est riche, mieux est assurée la réallocation des vélos aux bons endroits ; et meilleure la réallocation, plus élevé encore sera le taux d’utilisation de chaque vélo. Par ailleurs, disposer d’une grande flotte garantit d’obtenir ses vélos moins chers à l’unité car il y a des économies d’échelle dans la production. Ofo en bénéfice dans ses commandes géantes auprès des constructeurs et Mobike plus directement car cet opérateur fabrique ses propres bicyclettes.
Enfin, le vélo sans station repose aussi sur quelques coûts fixes qui s’amortissent mieux avec la taille : mise au point et maintenance de l’application, système informatique, relations publiques avec les collectivités locales, etc.
Le coût unitaire du vélo et son taux d’utilisation sont des variables clefs de la rentabilité. Plus le premier baisse et plus le second augmente, plus le montant de l’investissement initial sera vite recouvré. Si chaque vélo est utilisé en moyenne trois fois une demi-heure à 1 Yuan et si la valeur d’un vélo est de 1100 Yuans, l’investissement est recouvré en un an. Avec un taux d’utilisation qui double, ou un prix du vélo qui diminue par deux, six mois seulement sont nécessaires.
Malgré la taille qu’elles ont acquise, il n’est pas sûr qu’Ofo et Mobike gagnent de l’argent. Le taux d’utilisation n’est pas forcément élevé au vu de la masse de vélos déployés ; le prix des courses est faible car la concurrence par les prix reste vive entre eux ; le coût unitaire des vélos a tendance à augmenter car cette même concurrence conduit les opérateurs à chercher à se différencier en proposant des vélos plus confortables.
Et puis, il y a le vol et le vandalisme, autre élément crucial de la rentabilité du modèle d’affaires des vélos en libre-service. Ne croyez pas que la société chinoise soit épargnée par ces comportements antisociaux !
La piste vers la rentabilité
La rentabilité future des vélos-papillons en Chine ne fait cependant guère de doute. Le verrouillage électronique et le suivi vidéo s’améliorent pour réduire les pertes et dommages sur les vélos. La réallocation progresse grâce notamment aux incitations financières de plus en plus malignes offertes à ceux qui ramènent les vélos là où il faut. Un usager qui rapporte une bicyclette au bon endroit gagne un billet de loterie et non plus simplement des minutes gratuites.
À terme, on peut aussi imaginer que les vélos reviennent eux-mêmes aux bons emplacements, la nuit par exemple quand il y a moins de monde dans les rues et après avoir accumulé de l’énergie dans la journée. Côté recette, les données massives collectées par Ofo et Mobike ont une valeur monétisable. Elle est peut-être même plus élevée que les recettes apportées par les trajets payants ou la fructification financière des dépôts de garantie. Enfin, on ne peut pas non plus exclure que les deux géants fusionnent. Un tel rapprochement qui mettrait fin à la concurrence est évidemment souhaité par les actionnaires et le marché bruisse régulièrement d’une telle rumeur.
Vélos-moutons, un marché difficile
Tournons-nous maintenant vers les vélos-moutons, conquérants des villes occidentales. Leur modèle économique est complètement différent. Il repose sur la délégation d’un service public à un opérateur privé (voir appendice) qui est attribué à l’issue d’une mise en concurrence pour le marché. Ici l’installation de vélos, bornes, et stations et leur maintenance et exploitation sont déléguées par appel d’offres. Cette concurrence pour le marché n’est une sinécure ni pour celui qui concède ainsi un monopole ni pour celui qui l’emporte. Avec Vélib’, la Ville de Paris et J. C. Decaux en offrent un témoignage saisissant.
Les premiers problèmes surgissent dès l’appel d’offre. Les prétendants au marché sont confrontés à une forte incertitude. Ils doivent en effet estimer ce que le service leur rapportera demain. Quel sera le taux d’utilisation des vélos ou l’importance des vols et de la dégradation, par exemple ? J. C. Decaux tablait sur 10 courses quotidiennes, ce sera finalement 5,6 en moyenne.
L’entreprise comptait devoir remplacer un vélib’ sur cinq par an, or un vélo sur deux se révélera volé ou détruit dans l’année. L’opérateur trop optimiste s’expose à la malédiction du vainqueur : il emporte le concours mais sa victoire lui fait perdre de l’argent. A l’opposé, certains prétendants font sciemment une offre agressive car ils prévoient qu’ils seront en mesure d’obtenir par la suite des modifications du contrat à leur avantage.
Les contrats de délégation ne sont pas figés dans le temps, ne serait-ce qu’en raison de l’apparition de nouveaux besoins ou de circonstances non anticipés. Le contrat Vélib’ a par exemple connu plusieurs changements dont l’extension du service à la banlieue souhaitée par la Ville de Paris et la compensation financière des conséquences du vandalisme initialement à la seule charge de J. C. Decaux.
La bataille de Paris
L’exécution du contrat et son suivi posent également problème. Dès lors qu’elles sont coûteuses l’opérateur a intérêt à ne pas respecter ses obligations. De façon générale, une fois le monopole obtenu, l’entreprise va se comporter en … monopoleur, elle va tenter d’augmenter le prix, de réduire la production, de dégrader la qualité, ou encore de sous-investir. Une régulation comportant notamment un mécanisme de contrôle et de sanction est donc nécessaire pour la discipliner. Mais encore faut-il qu’elle soit bien conçue et mise en œuvre.
L’Inspection générale de la Mairie de Paris reproche ainsi à J. C. Decaux de ne pas avoir mis à disposition autant de vélos qu’il s’y était engagé (17.437 au lieu de 20.000) et s’étonne que la municipalité n’ait pas sanctionné l’entreprise pour ce manquement.
La fin de contrat n’est pas non plus sans embûches. Si l’opérateur craint de ne pas être renouvelé il va lever le pied en réduisant ses investissements et ses efforts de maintenance. Inversement, s’il anticipe sa reconduite car il sait qu’un changement de prestataire serait coûteux pour le concédant il répondra au nouvel appel d’offres avec une proposition moins agressive.
L’opérateur en place bénéficie souvent d’avantages qui biaisent ainsi la remise en concurrence. J.C. Decaux escomptait-il que la perspective de changer vélos, bornes et stations le protégerait contre un changement d’opérateur ? S’est-il alors contenté d’une offre basse ? Si l’on se fie aux vives réactions d’Anne Hidalgo devant la lenteur de l’installation des vélos du successeur de J. C. Decaux, il est possible aussi que la Ville de Paris ait de son côté grandement sous-estimé les coûts de changement de prestataire…
L’arrivée rapide des vélos sans station sur les trottoirs parisiens n’a vraisemblablement pas plus été envisagée alors qu’ils menacent le modèle économique du nouvel opérateur en captant une partie de sa demande.
Quelle va être l’issue de cette intrusion ? Comment peut évoluer la cohabitation entre les vélos-moutons et les vélos-papillons ? Vers l’élimination d’une des deux espèces ? Vers une coexistence pacifique ?
La lutte vélos-moutons contre vélos-papillons
L’issue dépend d’abord de l’attitude des municipalités confrontées au problème. La Ville de Paris a rapidement menacé de taxer les opérateurs asiatiques. Une redevance pour occupation de l’espace public pourrait leur être réclamée. Cette annonce n’a pas été sans déclencher de commentaires sarcastiques.
Pourquoi taxer les vélos alors que les deux-roues motorisés ne payent pas, y compris les scooters électriques sans station dont la Mairie de Paris s’est faite le chantre et le pourvoyeur ? Pourquoi lester ainsi les vélos-papillons qui ne coûtent rien aux contribuables parisiens contrairement aux vélos-moutons subventionnés ? Et de rappeler le coût du Vélib’ : en moyenne 30 millions de subvention annuelle et une contribution de l’usager de 37 % contre 63 % du contribuable.
D’autres villes ont pris des décisions plus drastiques. Amsterdam a interdit les papillons asiatiques sur son territoire, San Francisco l’envisage, et la municipalité d’Hangzhou a saisi plus 20.000 vélos-papillons dans ses filets.
Les usagers vont aussi arbitrer la confrontation en manifestant leurs préférences. Le vélo sans station présente l’avantage de pouvoir être déposé au point exact souhaité d’arrivée et de ne pas dépendre de la disponibilité de bornes de parking. Le vélo avec station, quant à lui, est meilleur marché puisque le consommateur ne paye qu’une partie du coût.
Vélib avec un abonnement annuel à 29 euros et la gratuité des 30 premières minutes était particulièrement avantageux. Il est aussi plus confortable notamment avec ses trois vitesses. Quelques nouveaux vélibs sont aujourd’hui équipés d’une assistance électrique. Ce sera vite la totalité de la flotte car la concurrence pousse à la différenciation. Les vélos sans station ne disposant pas de bornes de recharges souffrent ici d’un handicap ; le nouvel opérateur de Vélib a intérêt à pousser son avantage électrique.
Les prédateurs de la jungle urbaine, voleurs et destructeurs de vélo, vont aussi être de la partie. Les vélos-papillons sont des proies plus faciles car en général plus légers et moins solides. A Reims, les prédateurs ont été si voraces que Gobee-bike a décidé de se retirer.
Sélection naturelle chez les papillons
Mais attention comme les vélos-sans station coûtent beaucoup moins cher à remplacer, il n’est pas sûr que l’impact économique de la prédation soit moins élevé pour l’opérateur. L’ancien vélib valait 610 € et les nouveaux vélibs à assistance électrique sont sans doute encore plus chers. Un vélo-papillon Mobike dans sa version légère bas de gamme vaut 75€ et il faut compter 250 € pour la version standard.
La réduction du nombre d’opérateurs de vélos-papillons est la seule issue que l’on puisse prédire avec certitude. Les quatre opérateurs parisiens ne vont pas tous survivre à l’impitoyable sélection naturelle par la taille et l’efficacité. Le plus vraisemblable est qu’il n’en reste qu’un contre Vélib’. En supposant bien sûr que la Ville de Paris ne mettent pas de bâtons dans les roues se révélant mortels pour toutes les variétés de vélos-papillons venues d’Asie.
Ce serait paradoxal car la justification économique d’une subvention pour le vélo-station, c’est-à-dire ses bienfaits collectifs, apparaît aujourd’hui assez mince. Les études montrent en effet que le vélo en libre-service se substitue principalement à la marche à pied urbaine. Le report de la voiture vers le vélo libre-service est faible même si la situation varie fortement d’une métropole à l’autre.
Quels bienfaits collectifs ?
Le report est si faible à Londres que les émissions ainsi évitées sont inférieures aux émissions des véhicules utilisés pour déplacer les vélos de station d’une station à l’autre afin de les réallouer aux bons endroits !
Par ailleurs, l’effort plus intense pour pédaler et la plus grande exposition du cycliste aux tuyaux d’échappement des automobiles et des autobus se traduit par des conséquences positives sur la santé qui semblent moindres que pour la marche à pied.
Si les bienfaits collectifs ne sont pas au rendez-vous pourquoi subventionner une activité individuelle de loisir et de gain de temps sachant que le marché délivre un service à peu près équivalent sans faire appel aux contribuables ?
François Lévêque vient de publier « Les habits neufs de la concurrence – Ces entreprises qui innovent et raflent tout » aux Editions Odile Jacob
Appendice : Les principes de la délégation de service public
Une collectivité décide de développer une activité d’intérêt général qu’elle confie à une entreprise. Ici, le vélo en libre-service dont elle espère qu’il contribuera à réduire les nuisances environnementales d’autres formes de déplacement urbain, et à améliorer la santé des citoyens à travers l’exercice physique du pédalage.
Les initiatives privées (ici magasins de location de vélos, vélos en propre des usagers) n’aboutissant pas à un niveau d’activité jugé suffisant au regard des bénéfices collectifs qu’elle génère, l’autorité publique la prend en charge et la subventionne. Mais plutôt que d’assurer elle-même le service moins efficacement car elle n’est pas experte de la chose, elle le délègue à une société à travers un contrat.
Afin de minimiser la subvention et/ou maximiser la qualité du service elle organise un appel d’offres concurrentiel pour l’attribution du marché en exclusivité pour une durée limitée. C’est ainsi que J. C. Decaux a emporté le contrat Vélib’ consistant à installer des stations et des bornes, les équiper de vélos et en assurer l’exploitation pour une durée de dix ans.
La théorie économique des contrats et de la régulation a mis en évidence les avantages mais aussi les nombreuses imperfections et chausse-trappes de ce modèle de délégation de service public. Les principales se nomment : asymétries d’information entre le donneur d’ordre et l’attributaire, à l’avantage de ce dernier ; hold-up sur les investissements une fois réalisés, à l’avantage du premier ; coûts d’agence, induits par la nécessité de contrôler la bonne exécution du contrat.
François Lévêque, Professeur d’économie, Mines ParisTech
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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