« Je coule »: onze heures après avoir envoyé ce message, le skipper Kevin Escoffier a été sauvé dans la nuit de lundi à mardi par un autre concurrent du Vendée Globe, Jean Le Cam, dans une mer démontée au large du cap de Bonne-Espérance.
« Vous voyez les films sur les naufrages? C’était pareil en pire! En quatre secondes, le bateau a planté, l’étrave s’est repliée à 90 degrés, j’ai mis la tête dans le cockpit, y a une vague, j’ai eu le temps d’envoyer un texto, la vague après a tout fait shunter (court-circuiter, NDLR), l’électronique. C’est un truc de barjot! Plier un bateau en deux! J’en ai fait mais celle-ci… », a raconté Escoffier (PRB) lors d’une liaison vidéo avec le PC Course au petit matin mardi, aux côtés de Jean Le Cam.
Le marin de 40 ans est apparu souriant et très ému à l’évocation des faits.
« Je coule »
Escoffier, qui participe à son premier tour du monde en solitaire, avait envoyé un message d’alerte lundi à 14h46 heure française (13H46 GMT) signifiant une voie d’eau importante avant de déclencher sa balise de détresse et de monter sur son radeau de survie, à la frontière de l’océan Indien, à 600 milles dans le Sud-Ouest du cap de Bonne-Espérance.
« Je n’ai rien eu le temps de faire. J’ai juste pu envoyer un message à mon équipe +Je coule+. Ce n’est pas une blague. MAYDAY », a détaillé le navigateur de 40 ans dans un récit fait à son équipe.
La direction de course a alors demandé à Jean Le Cam, quatrième au classement et plus proche concurrent, de se dérouter pour porter secours à Escoffier, qui naviguait lui en troisième position.
« J’arrive sur zone, je vois Kevin sur son bateau, je me dis: impeccable. Je lui dis: je reviens, on va pas faire n’importe quoi. Avec la mer qu’il y avait, pas fastoche pour manœuvrer. Je reviens là où je l’avais quitté… Personne! Oh là là! », a témoigné Le Cam.
Verdun sur l’eau
« On s’est dit deux, trois mots. C’était Verdun sur l’eau. Il a été contraint de s’éloigner un peu puis après, j’ai vu qu’il restait sur zone. Je suis resté dans le radeau jusqu’au petit matin », s’est remémoré Escoffier.
Le Cam a expliqué être « revenu au moins cinq, six fois ». « Je me dis: tu restes en stand-by et on attendra le jour. Après je me suis dit: la lumière (du bateau en détresse, NDLR), ça se voit peut-être mieux la nuit que le jour ».
« A un moment, j’étais debout sur le pont et je vois un flash, enfin c’était pas un flash, c’est la lumière qui apparaît dans une vague. Une apparition! Je me dis: c’est pas vrai! J’ai continué et là tu vois de plus en plus la lumière et tu te dis: c’est bon. Tu passes du désespoir au truc de dingue! », a-t-il poursuivi.
« C’était gagné. Bonheur! »
Le Cam raconte ensuite qu’il a « balancé l’espèce de banane » (bouée de sauvetage), qu’Escoffier a réussi à attraper. « Et là c’était gagné. Bonheur! », a lancé Le Cam.
Les deux hommes se sont tombés dans les bras. « Il m’a dit +Putain, t’es à bord ! C’était chaud!+ ». Et moi, je lui ai dit « +Je te nique ta course, tu faisais une super course+ ». Il m’a répondu, « +C’est pas grave, la dernière fois c’est moi qui avait mis à plat la course de Vincent+ », a rapporté Escoffier.
En 2009, Le Cam avait lui-même été secouru, au large du Cap Horn après que son bateau s’est retourné. Réfugié à l’avant du bateau à l’envers, il avait été sauvé par Vincent Riou, alors skipper d’un bateau nommé… PRB.
Trois autres skippers avaient été également déroutés pour renforcer les recherches après que Le Cam eut perdu de vue Escoffier: Yannick Bestaven (Maître Coq), Boris Herrmann (Seaexplorer-Yacht Club de Monaco) et Sébastien Simon (Arkéa Paprec).
En principe, c’est un bateau des services de secours (MRCC du Cap) qui va désormais devoir récupérer Escoffier.
Les concurrents ayant porté assistance pourront ensuite reprendre leur tour du monde (les heures consacrées au sauvetage seront décomptées de leur temps de course).
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