Venezuela : comment Maduro passe à travers les mailles du filet de la politique américaine

Historiquement, c'est un ami des États-Unis, déclare Victoria Coates, analyste en politique étrangère. Je pense que nous sommes en train de gâcher une énorme opportunité

Par Chris Summer
24 août 2024 17:06 Mis à jour: 24 août 2024 17:06

À seulement 73 jours de l’affrontement entre Kamala Harris et Donald Trump, le 5 novembre, et avec un président boiteux en la personne de Joe Biden, on pourrait pardonner au président vénézuélien Nicolás Maduro de penser que le temps joue en sa faveur.

Maduro insiste sur le fait qu’il a remporté les élections du 28 juillet, malgré les preuves qui démontrent qu’il les a perdues, mais forcer le dictateur socialiste à quitter le pouvoir ne semble pas figurer parmi les priorités des politiciens américains, alors que le Venezuela génère des vagues de migrants, dont beaucoup ont les yeux rivés sur les États-Unis.

Victoria Coates, vice-présidente de la Heritage Foundation pour la sécurité nationale et la politique étrangère, a déclaré que le Venezuela risquait de « passer entre les mailles du filet » en raison du cycle électoral.

Maduro a affirmé avoir obtenu 51 % des voix lors de l’élection présidentielle du mois dernier, alors que l’opposition a produit des preuves montrant que son candidat Edmundo González a recueilli 73 % des voix accessibles, soit deux fois plus que le président sortant.

Trois dirigeants latino-américains de gauche, surnommés les « trois amigos » – le Brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, le Mexicain Andrés Manuel López Obrador et le Colombien Gustavo Petro – ont proposé de convoquer de nouvelles élections au Venezuela.

Mme Coates a souligné que Biden a récemment déclaré que les États-Unis souhaitaient de nouvelles élections au Venezuela, ce qui contredit la position de l’administration, telle qu’elle a été exposée dans une déclaration du 2 août, à savoir qu’« Edmundo González Urrutia a remporté le plus grand nombre de voix lors de l’élection présidentielle » et que les « souhaits du peuple vénézuélien » devaient être respectés.

Mme Coates a déclaré à Epoch Times : « C’est vraiment un gâchis, et je pense que ça en dit plus long sur le genre de désarroi qui règne actuellement dans la politique américaine. Le président a en effet approuvé ce qu’on appelle le plan des ‘trois amigos’ pour organiser une élection, puis son Conseil national de sécurité a répondu : ‘Non, non, non, nous ne voulons pas faire ça' ».

« Il semble donc qu’il y ait une grande confusion quant à savoir qui élabore réellement la politique à la Maison-Blanche », a-t-elle ajouté.

« La vice-présidente, qui est maintenant candidate à la présidence, n’a littéralement aucune position politique qu’elle ait exposée, y compris en ce qui concerne le Venezuela », a souligné Mme Coates.

« Ainsi, quelque chose comme le Venezuela peut vraiment passer à travers les mailles du filet parce qu’ils auront à faire face à toutes sortes de problèmes urgents. »

« La situation au Venezuela est, en fait, une affaire énorme pour les États-Unis. »

« C’est un grand pays de notre hémisphère, l’un des plus grands producteurs d’énergie de notre hémisphère. Historiquement, c’est un ami des États-Unis et il pourrait le redevenir. »

« Et je pense que nous sommes en train de gâcher une énorme opportunité ici pour influencer la situation », a ajouté Mme Coates.

Les vagues d’immigrants clandestins vénézuéliens se dirigeant vers le Nord sont également un facteur.

En septembre 2023, l’administration Biden a annoncé que près d’un demi-million de Vénézuéliens aux États-Unis, dont beaucoup sont entrés illégalement, bénéficieraient d’un statut de protection temporaire (SPT), leur permettant de travailler et d’être protégés contre les expulsions.

Alejandro N. Mayorkas, secrétaire à la sécurité intérieure, a déclaré que cette décision était due à des « conditions extraordinaires et temporaires » au Venezuela.

Mais dans quelle mesure la crise vénézuélienne est-elle temporaire ?

Le parti au pouvoir, le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV), a été créé par l’ancien commandant de l’armée Hugo Chavez, qui a été élu Président en 1998.

Après sa mort en 2013, Maduro est devenu Président et depuis lors, l’économie du Venezuela s’est considérablement dégradée, entraînant une forte dévaluation de sa monnaie, un manque de devises étrangères, des pénuries alimentaires et une montée en flèche de la pauvreté.

Don Batlle, spécialiste de l’Amérique latine et membre associé de l’Institut Hudson, a toutefois déclaré que Maduro a cru pouvoir faire croire à la population qu’il avait remporté l’élection.

M. Batlle a déclaré à Epoch Times : « Il ne s’attendait pas à un glissement de terrain ».

Lorsque l’opposition a revendiqué la victoire, le ministre vénézuélien de la Défense  Vladimir Padrino, entouré des hauts gradés des forces armées et de la police, est apparu à la télévision d’État pour déclarer : « Nous ratifions notre loyauté absolue envers le citoyen Nicolás Maduro Moros ».

Le ministre de la Défense du Venezuela, Vladimir Padrino Lopez (au c.), s’exprime lors d’une conférence de presse à Caracas, au Venezuela, le 30 juillet 2024. (Stringer/AFP via Getty Images)

M. Batlle a déclaré à Epoch Times : « L’armée est restée loyale. De nombreux hauts gradés de l’armée ont beaucoup à perdre si Maduro perd le pouvoir, il en faudra donc beaucoup pour que l’un d’entre eux change d’avis ».

« Aux échelons inférieurs, il est plus plausible d’assister à des défections. Mais nous n’avons encore rien vu », a-t-il ajouté.

Au cours des dernières semaines, le régime a fait la promotion des soldats blessés lors des manifestations, a lancé une campagne sur les réseaux sociaux faisant l’éloge de la Garde nationale vénézuélienne et a utilisé le slogan « Dudar es traición [Douter, c’est trahir] ».

Le rôle de l’armée sera determinant

Mme Coates a déclaré : « Le rôle de l’armée sera déterminant, car elle constitue son appareil de sécurité. Et aujourd’hui, à ce jour, ils sont restés en grande partie avec lui. Mais il y a des choses que les États-Unis pourraient faire pour changer cela ».

Elle a suggéré que des sanctions devraient être imposées aux officiers supérieurs de l’armée vénézuélienne en tant qu’individus.

« Ce que vous voulez, c’est qu’ils s’inquiètent de ne pas pouvoir aller à Miami, où ils ont l’habitude d’aller », a ajouté Mme Coates.

Au début du mois, l’armée est intervenue pour évincer le premier ministre du Bangladesh, après des semaines de manifestations de plus en plus violentes.

Mais pour M. Batlle : « Pour l’instant, rien n’indique que le Venezuela connaîtra une situation semblable dans un avenir proche ».

François Cavard, militant des droits de l’homme spécialisé dans la surveillance des régimes de gauche en Amérique latine, estime que le seul moyen de faire face au régime de Maduro est d’imposer un « blocus militaire ».

Les sanctions commerciales et diplomatiques ont toutes échoué et Maduro et ses acolytes en « rient ».

« Ils s’adaptent et coopèrent entre eux », a ajouté M. Cavard.

« Le régime de Maduro a besoin de sentir physiquement un blocus. Les gens à l’intérieur du pays diront alors, ok, nous sommes soutenus par quelqu’un. »

M. Cavard pense que Maduro a manipulé l’Occident.

En octobre 2023, Maduro a signé l’accord dit de la Barbade avec la principale opposition, après des négociations menées sous la médiation de la Norvège. Caracas a promis des élections libres et équitables au Venezuela, en échange d’un allègement des sanctions par l’Occident.

Les États-Unis n’étaient pas partie prenante à l’accord, mais le lendemain de sa signature, le département d’État américain a publié une déclaration s’en félicitant et acceptant d’assouplir les sanctions énergétiques imposées au Venezuela.

Pour M. Cavard, l’accord de la Barbade est un exemple humiliant qui montre que les États-Unis et d’autres pays « se mettent à genoux devant les régimes cubain et vénézuélien ».

Il a souligné que dans le cadre de cet accord, les États-Unis ont accepté un échange de prisonniers qui a conduit à la libération d’Alex Saab, un homme d’affaires colombien accusé d’avoir aidé le régime de Maduro à détourner 350 millions de dollars d’un programme alimentaire destiné à lutter contre la pauvreté et la faim au Venezuela.

Pour M. Cavard, Alex Saab a bénéficié d’une amnistie présidentielle « parce que les régimes vénézuélien et cubain allaient être assez généreux pour organiser des élections libres et transparentes au Venezuela et garantir l’égalité des chances à l’opposition. Allons donc ! »

Négocier avec des terroristes

« Il est impossible de négocier avec des terroristes », a-t-il ajouté.

Pour M. Cavard : « Ce ne sont pas des types qui blanchissent de l’argent parce qu’ils ne déclarent pas quelque chose qu’ils vendent, ou qui font une sorte de tour de passe-passe avec les impôts. Non, non, non ».

« C’est une machine criminelle multinationale qui non seulement commet des crimes contre l’écologie et les ressources naturelles de leurs nations, mais qui viole aussi constamment, systématiquement et intentionnellement les droits de l’homme. »

Le régime de Maduro a enfermé des centaines, voire des milliers de manifestants depuis l’élection et il existe des preuves d’autres formes de répression.

Les syndicats ont signalé cette semaine que plus de 100 employés de la compagnie pétrolière publique vénézuélienne PDVSA avaient été contraints de démissionner en raison de leurs opinions politiques depuis le 29 juillet.

Les dirigeants de PDVSA auraient ordonné à leurs employés de participer à des rassemblements de soutien à Maduro et auraient supervisé leurs comptes sur les médias sociaux.

Mais Mme Coates pense que des fissures pourraient apparaître dans le régime de Maduro, et elle affirme que la divulgation du décompte des voix à l’opposition devait être le fruit d’un « travail interne ».

Quelle est donc la position du candidat républicain à la Maison-Blanche ?

En 2020, Trump a contesté le résultat des élections présidentielles américaines, et Mme Coates a rappelé qu’il avait fait quelques déclarations sur les élections « frauduleuses » du Venezuela.

Il a également imposé des sanctions plus sévères au Venezuela lorsqu’il était au pouvoir.

Mme Coates a déclaré : « Je pense qu’il accorde beaucoup d’attention aux marchés de l’énergie et qu’il est tout à fait conscient par ailleurs des vulnérabilités que nous connaissons en matière d’immigration ».

Dans le passé, les présidents américains ont agi rapidement pour renverser les dictateurs et évincer les mauvais acteurs, en particulier dans l’hémisphère occidental.

Les États-Unis ont envahi la Grenade et le Panama, respectivement en 1983 et 1989, pour renverser des régimes indésirables, tandis que le président John F. Kennedy a soutenu l’invasion malheureuse de la Baie des Cochons à Cuba en 1961.

Mais aucun de ces événements n’a eu lieu pendant les années électorales.

Voilà qui pourrait encore sauver la peau de Maduro.

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