Le président du Venezuela, Nicolas Maduro, a réussi: ses partisans élisent dimanche une Assemblée constituante sans opposition, en dépit des violentes manifestations, qui se soldent par plus d’une centaine de morts, et une forte réprobation internationale.
Des élections sous haute tension
Dans un climat tendu, les bureaux de vote doivent ouvrir à 06H00 (10H00 GMT) pour désigner les 545 membres de cette assemblée, un super-pouvoir qui va diriger le pays pour un temps indéterminé.
Morts par balles, lynchages, vandalisme, immeubles et camions incendiés, villes quasi paralysées par des nuages de gaz lacrymogènes, jets de pierres et cocktails Molotov ont aggravé la crise dans ce pays polarisé et au bord de l’effondrement économique.
Après avoir échoué à arrêter ce projet par ses manifestations, grèves, barrages, l’opposition a appelé à un rassemblement massif dimanche à Caracas et à dresser des barricades dans tout le pays, bien que le gouvernement ait menacé d’emprisonner ceux qui feraient obstacle au scrutin.
La dictature après les élections
« Il en restera que cette fraude constitutionnelle et électorale est la plus grave erreur historique qu’ait pu commettre Maduro », a affirmé le député Freddy Guevara, au nom de la coalition Table de l’unité démocratique (MUD).
La MUD rejette la Constituante, arguant qu’elle n’a pas été convoquée par un référendum préalable et que le mode de scrutin a été organisé de manière à ce que le gouvernement la contrôle et rédige une Constitution instaurant une dictature communiste.
« Elle n’a pas été convoquée pour résoudre les problèmes du pays, mais celui d’une révolution qui ne peut gagner des élections », selon Luis Vicente Leon, président de Datanalisis.
Nicolas Maduro et sa Constituante ont le soutien des pouvoirs judiciaire, électoral et militaire. Mais plus de 80% des Vénézuéliens désapprouvent sa gestion du pays et 72% son projet, selon cet institut de sondages. En effet, en dépit de sa richesse pétrolière, le pays est confronté à une grave pénurie d’aliments et de médicaments.
Des personnalités qui siègeront dans cette assemblée, comme le puissant Diosdado Cabello, ont menacé de se servir de la Constituante pour envoyer des gens en prison ou dissoudre le Parlement, dominé par l’opposition, et démanteler le Parquet.
Chaviste de longue date, la Procureure générale, Luisa Ortega, a dénoncé une rupture de l’ordre constitutionnel et appelé à rejeter la Constituante, provoquant une débandade au sein du mouvement.
Réprobation internationale
Avec ce projet, Nicolas Maduro s’est mis à dos les Etats-Unis, importateurs de 800.000 des 1,9 million de barils de brut que produit le Venezuela, ainsi que plusieurs pays d’Amérique latine et d’Europe.
L’ex-chef du gouvernement espagnol, José Luis Zapatero, a insisté samedi dans un communiqué, sur la nécessité d’une nouvelle table de dialogue, après celle qui a échoué en décembre, estimant que « le premier responsable est le gouvernement (…) bien que sans la volonté et la détermination de l’opposition, rien n’est possible ».
Washington a imposé des sanctions à 13 fonctionnaires et militaires proches du chef de l’Etat, dont la présidente du pouvoir électoral, Tibisay Lucena, accusés d’attenter à la démocratie, de violations des droits humains ou de corruption.
La Colombie et le Panama ont annoncé qu’ils ne reconnaîtraient pas la Constituante, les Etats-Unis ont menacé d’autres sanctions. « La dictature s’auto-isole », a affirmé le député Guevara.
Le président socialiste accuse l’opposition de fomenter un coup d’Etat avec l’appui de Washington et de « gouvernements laquais ».
L’élection suscite des craintes d’une aggravation du chaos. Nombre de Vénézuéliens ont stocké de la nourriture, voire quitter le pays. Les Etats-Unis, le Canada et le Mexique ont appelé leurs ressortissants à ne pas se rendre au Venezuela et plusieurs compagnies aériennes ont suspendu leurs vols.
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