La cour d’appel de Rabat a alourdi dans la nuit de jeudi à vendredi les peines de trois hommes accusés de viols à répétition sur une très jeune fille, après un verdict en première instance qui avait indigné l’opinion par sa clémence. L’un des accusés à été condamné à 20 ans de prison ferme et les deux autres à 10 ans chacun.
Sanae, une mineure de 11 ans au moment des faits et qui en a 12 aujourd’hui, a « subi des viols à répétition sous la menace », dans un village près de Rabat, ce qui a entraîné une grossesse, selon des ONG de défense des droits des femmes. Sanae est devenue la mère d’un enfant âgé d’un an et un mois aujourd’hui.
« Nous sommes satisfaits du verdict qui a rendu justice à la victime, ceci dit nous n’avons pas compris pourquoi deux accusés ont écopé de 10 ans chacun seulement », a déclaré à l’AFP Abdelfattah Zahrach à la sortie du tribunal, précisant qu’il envisage le pourvoi en cassation « après concertation avec la famille ».
Le 20 mars, l’un des hommes avait été condamné à deux ans de prison ferme, les deux autres à 18 mois ferme, des peines dont la clémence avaient choqué l’opinion.
Des peines assorties de dommages
Comme en première instance, les trois hommes étaient poursuivis en appel pour « détournement de mineure » et « attentat à la pudeur sur mineure avec violence ». Les prévenus, âgés de 25, 32 et 37 ans, encouraient jusqu’à 30 ans de prison ferme, selon le code pénal marocain.
Leurs peines ont été assorties de dommages d’un total de 140.000 dirhams (plus de 12.500 euros) tandis qu’en première instance, ils avaient été condamnés à payer un total de 50.000 dirhams (soit 4.500 euros).
Le parquet avait requis la peine maximale de 30 ans
Le verdict est tombé après une seule audience marathon, très suivie, au cours de laquelle le parquet a requis la peine maximale de 30 ans contre le trio. « Si c’était possible j’aurais requis la peine capitale », a déclaré le procureur du roi. Le Maroc a de facto aboli la peine de mort, n’ayant procédé à aucune exécution depuis 1993.
Pour sa part, Sanae « a réitéré son témoignage » devant la cour, a indiqué à l’AFP Me Mohamed Sebbar, avocat. Une témoin mineure proche d’un des accusés et ayant précédemment appuyé la version de la fillette s’est, elle, rétractée devant le juge, selon les avocats de la partie civile.
Les deux auditions se sont déroulées à huis clos à la suite d’une requête du parquet « conformément aux dispositions de protection de l’enfance ». Face aux questions du juge, du parquet et de la partie civile, les trois accusés ont nié en bloc. L’un d’eux, confronté au test ADN qui prouve qu’il est le père biologique de l’enfant de Sanae, s’est contenté de répéter : « Je ne sais pas ».
Un premier jugement laxiste et choquant
La partie civile a réclamé une prise en charge financière de la fillette jusqu’à sa majorité par le ministère de la Solidarité. « Nous sommes d’accord sur le principe de la condamnation mais pas sur les peines », a clamé Me Sebbar devant la cour. « La sentence en première instance a puni la victime et non les accusés », a-t-il estimé. La défense a jugé les déclarations de la fillette « contradictoires » et a plaidé « l’innocence » pour les prévenus.
Plus tôt dans l’après-midi, la petite Sanae, frêle et mutique, était entrée dans l’enceinte du tribunal accompagnée de sa grand-mère et de son père. Au début de l’audience, la partie civile avait demandé à ce que le « viol » soit ajouté aux chefs d’accusations, une requête rejetée par le juge.
L’affaire a profondément ému l’opinion publique qui a dénoncé un premier jugement « laxiste » et « choquant ». Une pétition en ce sens a recueilli plus de 35.000 signatures. L’émoi a grandi avec la publication du prononcé du jugement en première instance dans lequel il apparaît que les accusés ont bénéficié de circonstances atténuantes.
La victime reste choquée
« Sanae recommence à sourire peu à peu mais elle reste choquée », a déclaré à l’AFP Amina Khalid, secrétaire générale de l’Insaf (Institution nationale de solidarité avec les femmes en détresse) qui accompagne la fillette depuis le début de l’affaire. L’association a notamment aidé la petite fille à intégrer une école de la deuxième chance alors qu’elle n’avait jamais été scolarisée.
Ce drame a relancé le débat sur la protection des enfants contre les violences sexuelles dans le royaume et la nécessité de réformer les lois.
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