Emmanuel Macron a exprimé son intention d’inscrire dans le droit français la notion d’absence de consentement en matière de viol, dans un échange filmé avec une association féministe, tout en réaffirmant sa position au niveau européen.
« Je vais l’inscrire dans le droit français », a déclaré le chef de l’État interrogé sur cette question par l’association Choisir la cause des femmes, fondée par Gisèle Halimi, le 8 mars, en marge de la cérémonie organisée autour de l’inscription de l’IVG dans la Constitution.
« Qu’on l’intègre dans le droit français, que le consentement puisse être inscrit, ça je l’entends tout à fait », a-t-il ajouté, dans l’échange avec la présidente de l’association Violaine Lucas, dont l’AFP a pu voir la totalité et a pu confirmer l’authenticité mercredi.
Interrogé, l’Élysée n’a pas souhaité faire de commentaire.
A l’heure actuelle, l’article 222-23 du code pénal définit le viol comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ».
L’onde de choc #metoo
La notion de consentement, qui a refait surface dans les années 2010 avec l’onde de choc #metoo, n’y est pas mentionnée explicitement, et des voix s’élèvent depuis plusieurs mois pour revoir cette définition. Une proposition de loi en ce sens a notamment été déposée à l’automne par la sénatrice écologiste Mélanie Vogel. La question fait également l’objet d’une mission d’information parlementaire qui devrait rendre ses conclusions mi-avril.
L’annonce de M. Macron, « c’est une bonne nouvelle pour les droits des femmes », a réagi auprès de l’AFP la députée écologiste Marie-Charlotte Garin, co-rapporteure de cette mission avec Véronique Riotton (Renaissance). « C’est de bon augure pour la conclusion de nos travaux qui devraient arriver mi-avril. » La députée a rappelé que l’idée n’était pas « de supprimer les quatre autres critères que sont la menace, la violence, la contrainte ou la surprise, mais de venir compléter la définition ».
« S’il le fait, c’est une bonne nouvelle », a dit à l’AFP Violaine Lucas. « Cela va nous permettre d’approfondir ce que Gisèle Halimi avait commencé à faire en 1978 lors du procès d’Aix-en-Provence », en référence au procès emblématique qui contribua à faire reconnaître par la loi le viol comme un crime.
Le risque de « contractualisation des relations sexuelles »
La position d’Emmanuel Macron rompt avec les réserves émises début février par le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, qui avait mis en garde contre le risque de « glissement vers une contractualisation des relations sexuelles », appelant à la prudence sur le sujet.
Son entourage a fait savoir mercredi qu’il ne s’agissait en aucun cas d’une « position de fermeture », précisant que le ministre était « ouvert à la réflexion » mais que son rôle était « de prévenir des risques notamment de l’inversion de la charge de la preuve » et « de s’assurer qu’il y ait des garde-fous. »
La France opposée à la directive européenne
La France s’est également démarquée ces derniers mois d’autres pays européens lors des discussions à Bruxelles sur la première directive européenne portant sur les violences faites aux femmes, en s’opposant à une définition européenne du viol fondée sur l’absence de consentement.
Paris estimait notamment que le viol n’avait pas la dimension transfrontalière nécessaire pour être considéré comme un « eurocrime » et ne devait donc pas être intégrée dans cette directive. « Le viol n’est pas un eurocrime », a répété M. Macron lors de son échange avec Choisir la cause des femmes, réaffirmant la position de la France au niveau européen. « Ca ne rentre pas dans cette catégorie. »
Plusieurs pays européens ont fait évoluer ces dernières années leur définition du viol comme étant une atteinte sexuelle sans consentement explicite.
En Suède, une loi sur le consentement sexuel, qui considère comme viol tout acte sexuel sans accord explicite, même en l’absence de menace ou de violence, est en vigueur depuis 2018. En Espagne, une loi – surnommée « Seul un oui est un oui » – a introduit depuis octobre 2022 l’obligation d’un consentement sexuel explicite.
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