ENTRETIEN – L’ancien policier instructeur au RAID, président de Raid Aventure et du think tank Initiative Sécurité Intérieure, Bruno Pomart, répond aux questions d’Epoch Times sur le contenu de la loi contre le narcotrafic, la violence des jeunes et l’armement de la police municipale.
Epoch Times : Le 1er avril, la proposition de loi sénatoriale pour « sortir la France du piège du narcotrafic » a été adoptée par les députés. En tant qu’ancien policier instructeur du RAID, êtes-vous satisfait de son contenu ?
Bruno Pomart : En France, nous avons la fâcheuse tendance à multiplier les textes de loi, mais quid de leur application ? Par ailleurs, lutter contre le narcotrafic ne peut pas se faire qu’au niveau national. Nous devons renforcer la coopération avec nos voisins européens, voire à l’international.
Nous savons d’où vient cette drogue. Elle est en provenance de Colombie, du Maroc, du Pakistan, etc. Ensuite, elle est acheminée vers nos ports.
Quand je vois des fonctionnaires de police travailler ardemment pour finalement donner un coup d’épée dans l’eau, j’estime qu’il est du devoir de la France de renforcer sa coopération avec les autres États. Et je ne crois pas que ce texte mette réellement l’accent sur cette nécessité. Cette proposition de loi cible les consommateurs, les réseaux, renforce l’OFAST et d’autres organismes, mais ce n’est pas suffisant.
Au fond, les textes ne règlent pas le problème. Si cela était le cas, le trafic de stupéfiants ne se serait pas autant développé ces quarante dernières années. Je ne mets pas en cause la mauvaise volonté des législateurs, mais tout le monde est dépassé par le phénomène.
Quel est, pour vous, l’outil qui va le plus aider les enquêteurs ? Le dossier coffre ?
Les enquêteurs ont plus de facilité dans leur travail d’enquête grâce à la collaboration entre les différents services. Regardez ce que nous avons fait avec les Groupes interministériels de recherche (GIR) !
Mais le problème du manque cruel d’effectifs dans l’ensemble des services de police demeure. Les législateurs instaurent de nouveaux dispositifs qui, en théorie, semblent efficaces, mais dans la pratique, les résultats ne sont pas aussi probants, notamment à cause du manque d’effectifs.
Un collectif d’associations a déploré un « texte qui persiste dans une approche exclusivement répressive de la question des drogues, en ignorant à la fois les causes profondes des trafics et les enjeux sociaux et sanitaires en lien avec ces consommations ». Qu’en pensez-vous ?
Il faut aussi bien travailler sur la prévention que sur la répression.
Pour ma part, je fais beaucoup de prévention à travers l’association que je préside, Raid Aventure. Ce travail de fond pour les jeunes doit se faire, comme pour le tabac et l’alcool, à travers le prisme de la santé. Certains politiques ne semblent pas être réceptifs au discours sur la prévention, pourtant, tout comme la répression, elle est nécessaire.
La légalisation, notamment du cannabis, est également parfois avancée pour soi-disant assécher les trafics, mais je ne crois pas une seule seconde à cette option, puisque les dealers ont une capacité d’adaptation très impressionnante. Si cette drogue est légalisée, ils en vendront une autre !
Un immense travail reste à faire auprès des très jeunes. Lorsque je monte des ateliers dans certains quartiers de Marseille pour renforcer le lien entre les jeunes et les agents de police, je peux vous garantir que certains de leurs propos sont vraiment inquiétants. Ils nous disent qu’ils voient des hommes armés tous les jours. C’est un monde à part.
Par ailleurs, le trafic de stupéfiants s’étend désormais aux villes moyennes et aux campagnes. L’ensemble du territoire français est contaminé. Nous devons travailler avec l’État et les élus de terrain pour faire de la prévention et mettre en place des équipes de sécurisation dans les quartiers prioritaires.
Quand je parle de sécurisation, je pense à l’intervention de l’armée dans ces quartiers. Pour casser le sentiment d’insécurité que ressentent les gens des quartiers, la mise en place d’équipes mixtes composées de policiers et de militaires est tout indiquée.
Les politiques n’osent pas envoyer les militaires dans les quartiers en disant que l’armée ne sert qu’à faire la guerre. Mais je rappelle que l’opération Sentinelle consiste à sécuriser des lieux et les militaires engagés assurent parfaitement la mission.
Le 6 avril, un jeune de 18 ans a été tué lors d’une rixe à Chambéry. Le même jour en Seine-et-Marne, un individu de 19 ans poignardait son frère de 10 coups de couteaux. Comment avez-vous vu évoluer cette violence des jeunes ?
Je suis dans le secteur associatif depuis trente-quatre ans, des jeunes violents, j’en ai vu plus d’un. J’ai même passé dix ans dans des quartiers difficiles, notamment aux Tarterêts à Corbeil-Essonnes, lieu réputé pour ces violences entre 1995 et 2005.
Avec le travail de proximité effectué avec nos animateurs, nous avons occupé le terrain – la nature ayant horreur du vide – et pris en charge les jeunes à travers la pratique sportive.
Mais même si nous avons fait un travail remarquable pour ces jeunes, la violence est toujours présente dans ces quartiers et a évolué. Les couteaux et les armes à feu ont remplacé les coups de poing.
Cette triste évolution a été favorisée et banalisée par la démission des parents, les réseaux sociaux, mais également les jeux vidéos.
Comment les jeunes que vous avez rencontrés lorsque vous étiez policier vous justifiaient-ils leur violence ?
La violence fait partie de leur quotidien. Quand on leur explique qu’il est interdit d’avoir un couteau sur soi, ils sont surpris et vous demandent ce qu’ils doivent faire s’ils sont agressés. C’est déroutant !
Dans Valeurs Actuelles, vous déplorez que la ville de Paris refuse d’armer sa police municipale. Pour vous, l’armement de la police municipale est un impératif ?
Oui et c’est même d’une logique imparable ! La société est de plus en violente. Et mes collègues policiers sont en première ligne puisqu’ils représentent l’État. Par conséquent, il est vital qu’ils soient armés. Je ne parle pas nécessairement d’armes létales, mais d’armes intermédiaires comme les tasers.
Je ne peux pas concevoir qu’un policier municipal ne soit pas armé dans des villes comme Paris. Il y a des quartiers qui sont peu fréquentables pour des représentants de l’autorité publique sans défense.
D’ailleurs, des millions de touristes viennent visiter la capitale chaque année et si ces derniers sont importunés, ils doivent pouvoir compter sur l’intervention d’agents.
L’utilisation d’armes intermédiaires éviterait en plus aux policiers municipaux d’aller au contact et d’être ensuite accusés de violences.
Je suis heureux de constater que certains édiles, pourtant issus de partis peu favorables à l’armement de la police municipale, aient finalement choisi de le faire. Je pense notamment au maire de Bordeaux et celui de Saint-Nazaire. Parfois, le pragmatisme l’emporte sur l’idéologie !
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.