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Violences, humiliations, travail forcé : des dizaines d’enfants de l’ASE placés dans des familles maltraitantes

octobre 14, 2024 10:11, Last Updated: octobre 14, 2024 10:21
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Le procès de 19 personnes, jugées pour avoir accueilli sans agrément des mineurs, dont certains auraient subi des violences physiques, psychologiques, des humiliations et du travail forcé, s’ouvre lundi matin à Châteauroux.

De 2010 à 2017, des dizaines d’enfants ont été confiés illégalement par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) du Nord à une structure d’accueil située dans l’Indre, qui ne disposait pas de l’agrément nécessaire.

Pour certaines de ces familles, un premier agrément avait même été retiré, après des condamnations pour agressions sexuelles sur mineurs, comme l’ont révélé la cellule investigation de Radio France et Mediapart.

Au total, des dizaines d’enfants auraient été confiés à la structure « Enfance et Bien-Être », contre des indemnités qui s’élèveraient à au moins 630.000 euros sur sept ans. Ils ont été accueillis par des familles de l’Indre, de la Creuse et de la Haute-Vienne.

« Terrifiés en découvrant l’ampleur du dossier »

Plus grave encore, une partie de ces mineurs racontent avoir été victimes de violences diverses : sévices, surdosages médicamenteux, travail forcé ou encore humiliations régulières.

« Certains de ces enfants ont été esclavagisés, nous avons été terrifiés en découvrant l’ampleur du dossier », s’indigne Me Jean Sannier, un des avocats des parties civiles auprès de l’AFP.

Au moins cinq d’entre eux devraient témoigner lors du procès, qui se tient devant le tribunal correctionnel jusqu’au 18 octobre à Châteauroux.

Selon l’enquête, l’affaire éclate après l’hospitalisation pour « une chute à vélo » d’un des enfants, Mathias, mais qui refuse, après une semaine de coma, de retourner chez son bourreau. Un signalement au parquet est alors effectué, qui met au jour des faits répétés commis entre 2010 et 2017.

(Photo MATTHIEU DELATY/Hans Lucas/AFP via Getty Images)

Pour les parties civiles, « on est clairement sur un procès hors norme », selon Me Sannier. « Nous avons eu des signalements répétés pendant des années auprès de l’ASE, la carence est immense », poursuit-il.

Dix-neuf personnes sont ainsi appelées à comparaître entre autres pour violences, travail dissimulé en bande organisée, accueil de mineurs sans déclaration préalable, administration de substance nuisible ou usage de faux en écriture.

Aucun responsable de l’ASE jugé

Parmi les prévenus figurent deux responsables présumés de l’association « Enfance et Bien-Etre ». En revanche, aucun responsable de l’ASE ne sera jugé, ce que fustigent les parties civiles.

« C’est la première fois qu’un procès pointe directement l’ASE », affirme Homayra Sellier, présidente de l’association Innocence en danger. « Mais aucun de ses responsables n’est jugé dans cette affaire, pourquoi ? » « Choquée » par cette absence, l’association, qui s’est constituée partie civile, a lancé un appel à témoins pour retrouver des victimes potentielles.

« L’ASE, qui coûte plus de neuf milliards d’euros par an, confie parfois des enfants à des gens qui n’ont pas d’agréments, mais personne ne rend de comptes », s’étonne Mme Sellier.

Le département du Nord, censé délivrer l’agrément nécessaire aux familles, s’est refusé à « tout commentaire en attente du jugement ». « C’est quelque chose qui est très préoccupant », confie toutefois à l’AFP un conseiller départemental. « C’est un dossier connu par nos services. Mais il y a un procès, on a confiance dans la justice qu’elle fasse son travail ».

Dans le Nord, les cris d’alerte se sont multipliés ces dernières années, alors que l’Aide sociale à l’enfance connaît de grandes difficultés, avec des enfants à placer toujours plus nombreux. Département le plus peuplé de France, avec de fortes poches de pauvreté, le Nord comptait en septembre 22.837 enfants sous mesure de protection, dont plus de 12.805 placés en famille d’accueil ou foyer.

« J’ai beaucoup d’espoirs avec ce procès », conclut Mme Sellier. « On a l’occasion de crever un abcès gigantesque et d’offrir une seconde chance à des enfants qui ont vécu l’horreur. »

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