Quand Virginie Coupérie-Eiffel a eu l’idée de recréer le Longines Paris Eiffel Jumping, étape du prestigieux Longines Global Champions Tour, les difficultés ont été nombreuses. Mais à l’image de son arrière-arrière-grand père, qui a dressé la célèbre tour de métal dans le ciel parisien, la championne d’équitation a la persévérance et le rêve dans le sang. Passion du cheval, enfance, héritage… Virginie Coupérie-Eiffel nous dit tout.
Comment avez-vous eu l’idée de ce concours ?
Du côté de ma mère, je suis descendante de Gustave Eiffel, du côté de mon père, c’est vraiment une tradition familiale que d’élever des chevaux. Mon grand-père organisait déjà des concours sur la Place de la Concorde à Bordeaux en 1914. J’ai d’ailleurs grandi à Bordeaux, à la campagne, au milieu d’un élevage de chevaux. Puis il y a Pierre Durand, qui a été champion olympique avec Jappeloup, et qui avait organisé un concours sur le Champ de Mars, il y a plus de vingt-cinq ans. Il était alors proche de Jacques Chirac et avait réussi à avoir une autorisation, ce qui était assez incroyable. C’est compliqué d’organiser un tel événement dans un tel endroit : un gros barnum, 230 chevaux qui arrivent, des boxes à créer, 120 camions au centre d’une capitale…
C’est avec ces sources d’inspiration en tête que je suis allée voir la Mairie de Paris il y a sept ans et que je leur ai dit que je souhaitais créer un concours sur le Champ-de-Mars, face à la Tour Eiffel, car, évidemment, cela représente beaucoup pour moi. Organiser ce concours, à cet endroit, c’était une façon de combiner l’héritage parental – la Tour et les chevaux. Mais rien n’a été simple.
Nous étions à quelques mois des élections et Anne Hidalgo m’a répondu que ce projet lui plaisait énormément si elle était élue. Elle a exprimé le besoin d’intégrer des événements sportifs dans Paris et trouvé que c’était une très bonne idée de réintroduire des chevaux dans la ville. La Mairie de Paris est une machine lourde mais lorsqu’elle se met en route, rien ne l’arrête, m’avait-elle confié.
Vous avez mené des discussions pendant quatre ans pour finalement avoir les accords nécessaires pour lancer le projet. Comment avez-vous convaincu vos interlocuteurs ?
Je les ai convaincus avec mon esprit « eiffelien » (rires). C’est un événement qui veut rassembler, fédérer et porter les couleurs de la France dans notre capitale. Nous avons bien entendu mis en avant le savoir-faire français, la gastronomie avec Alain Ducasse, les activités de sellerie et tout l’artisanat et les métiers autour du cheval. Du côté sportif, les Français sont aussi très bons dans le domaine équestre. Ils ont toujours récolté de nombreuses médailles. Ils méritent cet événement. Enfin, il y a le rayonnement international de l’événement. Plus de 100 chaînes le diffusent en live.
Chaque année, c’est un immense challenge. Nous avons l’ambition de devenir le Rolland Garros de l’équitation. Il faut avoir beaucoup d’ambition ! Il faut placer ses rêves très haut pour arriver à quelque chose. Il faut rêver fort. Si l’on a de petits rêves, on fait de petites choses.
Pourquoi un évènement gratuit ?
Notre objectif est de le démocratiser, de l’ouvrir à tous. Dans un monde qui se fracture entre les élites et les plus modestes, où les gens se voient et se parlent finalement de moins en moins, le cheval a une carte à jouer. Il a un pouvoir fédérateur et peut créer du lien entre les gens. Ce sport a une dimension très populaire : les grooms, les gens du métier travaillent main dans la main avec les cavaliers et les propriétaires de chevaux. Il n’y a pas de barrière entre eux. Leur passion commune les rassemble.
Le cheval est-il donc synonyme de lien social ?
Le cheval se fiche que vous soyez riche, pauvre, beau, moche. La seule chose qui l’intéresse est la façon dont vous allez vous comporter avec lui. Les valeurs de respect, d’écoute, de compréhension, d’humilité et de courage, le cheval les comprend très bien. Selon la façon dont vous allez vous comporter avec lui, vous obtiendrez une réponse directe à votre comportement.
C’est un sport extrêmement instructif pour les enfants notamment. Avec le cheval, vous savez immédiatement si ce que vous faites est bien ou mal. Le cheval répond franchement. Cette réponse peut être plus ou moins violente et vous pouvez tomber, vous faire mal… Ce risque, vous devez le prendre entièrement car quand vous êtes cavalier, vous ne l’êtes pas à moitié, qui que vous soyez. En même temps, c’est une recherche sur soi-même pour se faire comprendre et pour se faire accepter par l’animal. Pour arriver à un résultat, c’est beaucoup de travail et de patience. C’est vraiment une leçon d’humilité. À chaque jour suffit sa peine, chaque parcours est un nouveau parcours, on peut gagner un jour et tomber le lendemain.
C’est un peu comme la vie finalement, qui est aussi un parcours d’obstacles. Parfois, on arrive à les franchir aisément, parfois on se demande vraiment comment on va faire… Les sports équestres, c’est exactement la même chose, c’est pratiquement une philosophie de vie. Il n’y a pas de face à face comme dans le tennis, c’est vraiment un corps-à-corps. Cela se rapporte à la danse avec un objectif : le dépassement total de soi. Il ne s’agit pas de battre l’autre mais de faire sortir le meilleur de soi-même.
En parlant de philosophie de vie, votre frère a déclaré : « à Château Bacon, mon père élevait des chevaux, il fallait se lever tôt, tirer un trait sur l’argent et travailler dur ». Est-ce que vous confirmez ?
Oui ! (rires). Nous avons été élevés tous ensemble, très simplement, à la campagne. Nous étions tout le temps occupés. C’était une enfance merveilleuse mais on travaillait beaucoup. Comme nous étions à la campagne, nous étions tout le temps dehors, très actifs. Nous devions participer aux travaux des champs, nous occuper des chevaux, conduire le tracteur, faire les labours et les moissons. Je suis un peu « indienne ». J’aime ma terre, mes chevaux, j’y suis attachée.
Le travail était une passion. Nous menions une vie en communauté, avec une passion qui était le cheval. Mon père était une figure emblématique, quelqu’un d’extraordinaire qui nous a élevés dans le partage et l’effort. Du côté de ma mère, c’était plus bourgeois. Deux mondes complètement différents. Nous avons hérité de la fortune de Gustave Eiffel. Ma mère était propriétaire d’un hôtel particulier à Paris. Puis, elle a embrassé le monde de la campagne. Elle était en short et Pataugas toute la journée. Elle adorait les chevaux avec lesquels elle était toute la journée. Nous, nous allions à l’école communale. Je n’ai connu la ville qu’à l’âge de 18, 20 ans. J’ai de vraies racines. C’est ce qui fait que l’on grandit plus fort, parce que l’on sait d’où l’on vient… J’ai besoin d’aller sur cette terre régulièrement, je me ressource là-bas.
Quel regard portez-vous sur l’héritage « Eiffel » ?
On dit que plus on vieillit, plus on se tourne vers son passé et plus on a besoin de savoir d’où l’on vient… Durant la première partie de ma vie, j’ai été vraiment concentrée sur les chevaux en tant que cavalière professionnelle et moins sur la partie Gustave Eiffel, même si nous avons été élevés en écoutant ses histoires, qui sont des histoires merveilleuses.
Ce petit garçon est né à Dijon, son père et sa mère faisaient du commerce de charbon. Sa mère travaillait beaucoup et c’est sa grand-mère qui l’a élevé. Il ne travaillait pas très bien à l’école, mais il a eu ce destin incroyable de constructeur… et pas seulement de la Tour Eiffel. Il a aussi construit des ponts dans le monde entier. Il savait adapter ses constructions à la main-d’œuvre locale, ce qui était assez extraordinaire à l’époque. Il avait aussi un grand sens de l’innovation et un bon sens du commerce. Toute sa façon de construire était basée sur la légèreté : avant lui, les ponts étaient nécessairement pleins !
Il était rapide dans ces constructions. Il gagnait tous les appels d’offres et arrivait à tenir ses engagements aussi bien financiers qu’en termes de délais. Il faisait des expériences scientifiques dans son laboratoire où il testait toutes ses constructions, notamment face au vent – parce que le vent était son grand ennemi. Il a aussi été l’inspirateur de la météorologie. C’était un grand avionneur ! Peu de gens le savent mais il a créé seul son propre avion et a déposé énormément de brevets. C’est quelqu’un qui ne s’est jamais arrêté. Passé 80 ans, il continuait encore à chercher.
Il a surtout réussi à construire la Tour Eiffel alors que tout le monde disait que c’était impossible et le prenait pour un fou. Une fois construite, elle devait rester éphémère, juste pour l’Exposition Universelle, mais elle est toujours là ! Je me souviens de ma mère qui me disait : « Quand je ne vais pas bien, je regarde la Tour Eiffel et cela va beaucoup mieux ». C’est vrai qu’elle est puissante, cette tour. Elle est bien ancrée dans le sol et s’en va vers le ciel. C’est un symbole de la liberté et des rêves, qui deviennent réalité quand l’on est déterminé. Aujourd’hui, elle rayonne dans le monde entier. C’est l’image de Paris.
Avec le Paris Eiffel Jumping, je voulais aussi faire connaître les constructions d’Eiffel aux générations futures. Cette tour est un peu l’arbre qui cache une grande forêt. J’ai aussi réalisé un documentaire (Sur les traces de Gustave Eiffel, co-tourné avec son compagnon réalisateur Charles Berling en 2009, ndlr) et mon frère a écrit un livre.
Les temps forts du Paris Eiffel Jumping
Le Longines Paris Eiffel Jumping, étape du Longines Global Champions Tour, se déroulera du 1er au 3 juillet, exceptionnellement sur la Plaine de Bagatelle, à quelques encablures de la Tour Eiffel. Un village sera ouvert gratuitement au public avec des espaces pédagogiques, des animations (baptême de poney, entraînement des champions sur le paddock…), une librairie éphémère sur l’univers équestre et des rencontres privilégiées avec les plus grands champions.
Les parcours seront dessinés par Uliano Vezzani et Guilherme Jorge, qui sera d’ailleurs le chef de piste des JO à venir. Le dimanche, un parcours exceptionnel sera présenté, conçu par l’architecte Jean-Michel Wilmotte.
Vendredi : Prix Eiffel Record du saut en hauteur de la ville de Paris (2m5 à battre) à 20h30.
Samedi : Longines Global Champions Tour Grand Prix, 1er et 2nd tour + barrage éventuel à partir de 16h30.
Dimanche : Show « Good Luck Rio ! » à 17h30 + Global Champions League, nouveauté du championnat cette année qui propose cette compétition par équipe représentant les différentes villes dans lesquelles passent le Longines Global Champions Tour.
Propos recueillis par Isabelle Meyer et David Vives
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