Le chancelier allemand Olaf Scholz a confirmé vouloir conduire une délégation d’entrepreneurs allemands en Chine début novembre. Cette visite survient après que les dirigeants de l’Union européenne (UE) ont exprimé leurs inquiétudes quant à la dépendance économique de l’Europe vis‑à‑vis de la Chine sous la direction du régime communiste. Toutefois, le chancelier allemand a déclaré à plusieurs reprises que l’Allemagne devait poursuivre ses échanges avec l’État‑parti chinois.
Olaf Scholz a annoncé son voyage en Chine, prévu de longue date, après le sommet européen du 21 octobre. Il sera le premier dirigeant occidental à se rendre en Chine après le 20e Congrès du Parti communiste chinois (PCC) et le premier dirigeant d’un pays du G7 à le faire depuis le déclenchement de la pandémie de Covid‑19. Le voyage est prévu du 3 au 4 novembre, à un moment particulièrement important, car le dirigeant chinois Xi Jinping vient d’entamer un troisième mandat sans précédent et de consolider davantage sa mainmise sur le pouvoir en Chine.
La prochaine visite de Scholz a fait l’objet d’une grande attention dans la presse allemande. Début octobre, il a été rapporté que le voyage avait été reporté, mais qu’il pourrait tout de même avoir lieu avant la fin de l’année.
Dix mois seulement se sont écoulés depuis qu’Olaf Scholz a pris ses fonctions de chancelier allemand en décembre 2021. Depuis lors, les relations entre l’UE et la Chine se sont détériorées sur toute une série de questions, des droits de l’homme au Xinjiang aux manifestations prodémocratie à Hong Kong, en passant par la guerre russo‑ukrainienne et les barrières au niveau du commerce et des investissements.
Le 21 octobre, les relations entre l’UE et la Chine étaient à l’ordre du jour du sommet européen tenu à Bruxelles. Parallèlement aux tensions croissantes entre les États‑Unis et la Chine, les pays de l’UE ont commencé à chercher une position européenne unifiée vis‑à‑vis du régime chinois. Toutefois, Scholz a laissé entendre que l’Allemagne devait poursuivre ses échanges avec la Chine. Dissocier l’économie allemande de la Chine n’est pas la bonne solution, a‑t‑il fait savoir récemment. L’Allemagne doit faire des affaires avec de nombreux pays, y compris avec la Chine, a‑t‑il ajouté.
Partenariats dans la fabrication de voitures électriques
Selon Mike Sun, stratège en matière d’investissements et spécialiste de la Chine, la visite de Scholz en Chine pourrait être considérée comme un geste de bonne volonté envers le Parti communiste chinois (PCC) au moment où d’autres pays de l’UE voient le régime chinois d’un mauvais œil.
La Chine est actuellement le plus grand marché pour les voitures allemandes, dépassant à la fois le marché américain et le marché intérieur allemand. Dans le même temps, les constructeurs chinois de voitures électriques, tels que BYD et Azera, coopèrent déjà avec les constructeurs allemands pour établir de nouveaux centres de recherche et de développement en Europe, a expliqué M. Sun à Epoch Times.
Dans le passé, avec les voitures à carburant traditionnel, les constructeurs automobiles chinois s’appuyaient largement sur des pièces et des technologies importées, car le savoir‑faire de la Chine était en retard sur celui de l’Occident. Cependant, dans la fabrication des voitures électriques où les technologies sont toutes assez similaires, l’écart entre les technologies chinoises et occidentales est moins important. La Chine est désormais en mesure d’adopter une approche où les constructeurs automobiles chinois investissent en Europe et coopèrent avec les constructeurs européens en ce qui concerne la technologie. Les voitures électriques ne sont pas seulement exportées vers l’Europe, mais sont développées entre les constructeurs chinois et européens qui partagent les bénéfices et la technologie.
Mike Sun a également souligné que, d’une certaine manière, l’Europe contribue à la réalisation de la stratégie du PCC visant à prendre en otage l’économie de l’UE – les pays comme l’Allemagne ne peuvent plus abandonner le commerce avec la Chine alors que leurs propres entreprises en tirent des bénéfices énormes. Cela incite aussi les gouvernements européens à fermer les yeux sur les problèmes de droits de l’homme et l’autoritarisme croissant de la Chine.
Acquisition chinoise dans le port de Hambourg
Récemment, Olaf Scholz a autorisé la compagnie maritime chinoise COSCO à acquérir des parts dans le port allemand de Hambourg – et ce, malgré l’opposition unanime des ministères allemands de l’Économie, de l’Intérieur, de la Défense, des Transports, des Affaires étrangères et des Finances. Selon le média allemand Deutsche Welle, Scholz a essuyé les critiques de ses alliés et de l’opposition au sujet de cet accord, ainsi que les critiques d’autres pays de l’UE.
Le port de Hambourg est le plus grand port d’Allemagne et une des plus importantes plaques tournantes du commerce européen avec la Chine. COSCO est la plus grande société maritime d’État chinois et elle cherche à acquérir une participation de 35% dans le terminal à conteneurs Tollerort du port de Hambourg. Cette acquisition s’inscrit dans la stratégie plus large du PCC qui vise à prendre le contrôle d’infrastructures essentielles sur l’ensemble du monde grâce à son Initiative Ceinture et Route (ICR).
Ce titanesque programme controversé, aussi appelé les « Nouvelles routes de la soie », vise à renforcer l’influence géopolitique de la Chine sur l’ensemble du monde en reliant le pays aux marchés d’Asie, d’Afrique, d’Europe, d’Océanie et d’Amérique latine. Partout dans le monde, le régime investit dans diverses infrastructures colossales de transports, d’énergie et de télécommunications. La principale méthode consiste en des prêts accordés par les banques chinoises. Différents pays reçoivent ces fonds qu’ils redistribuent à des sociétés chinoises chargées de réaliser les travaux. L’ICR est souvent critiquée pour plusieurs raisons : on parle d’abord d’ « un piège de la dette » dans lequel s’empêtrent les pays participants, on y voit aussi une dangereuse expansion de l’influence politique chinoise et enfin l’ICR est une porte grande ouverte à l’infiltration et l’espionnage.
COSCO détient déjà des parts dans les ports de Rotterdam aux Pays‑Bas et d’Anvers en Belgique – deux des plus grands ports d’Europe. Elle détient également des participations dans l’autorité portuaire du Pirée près d’Athènes, en Grèce. Le port de Hambourg sera le dernier maillon de son plan européen.
Le 21 octobre, la Deutsche Welle a rapporté que les autorités portuaires de Hambourg s’inquiétaient du fait que si l’accord de COSCO échoue, une grande partie de l’activité conteneurs serait reprise par Rotterdam et Anvers ou par le port de Wilhelmshaven en Allemagne. Elles craignaient aussi que les ports de la Méditerranée puissent prendre des parts du port de Hambourg dans le futur. Le média indiquait également que le feu vert à l’investissement chinois à Hambourg a été une surprise, car la ville avait auparavant résisté aux investissements étrangers dans son port, au motif que les infrastructures clés ne devaient pas être soumises à l’influence des puissances étrangères.
Le vice‑chancelier allemand Robert Habeck a déclaré à plusieurs reprises que l’Allemagne reconsidère sa politique commerciale globale envers la Chine. Le ministère fédéral allemand de l’Économie et de la Protection du climat étudie l’accord de Hambourg dans le cadre d’un processus d’examen des investissements. Scholz, pour sa part, a demandé au ministère de rédiger une proposition de compromis à approuver d’ici la fin du mois d’octobre, date à laquelle arrive à sa fin le délai légal du gouvernement allemand. Si le gouvernement ne parvient pas à adopter une résolution interdisant l’opération avant la fin de ce délai, l’opération est considérée comme légalement conclue.
La participation dans les opérations du port de Hambourg pourrait donner à COSCO un avantage concurrentiel déséquilibré. Jusqu’à présent, les entreprises allemandes n’ont pas pu acquérir de participation dans des infrastructures clés telles que les ports en Chine, alors que COSCO, une société sous contrôle du PCC, recevra d’importantes subventions, officiellement ou officieusement, du régime chinois. Cette situation suscite des inquiétudes quant à la possibilité pour l’État‑parti chinois de s’immiscer davantage dans les affaires intérieures de l’Allemagne et de l’UE.
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a affirmé que l’UE avait tiré une leçon de sa dépendance des importations des sources d’énergie russes et devait rester vigilante face au régime chinois. Parmi tous les pays de l’UE, c’est l’Allemagne qui dépend le plus de l’énergie russe et elle était initialement réticente à abandonner le pétrole et le gaz russes après l’invasion de l’Ukraine par Poutine. Le fait que l’Allemagne devienne aujourd’hui économiquement dépendante d’un autre régime autoritaire, l’État‑parti chinois, est toujours plus inquiétant, a ajouté Mme von der Leyen.
Jessica Mao est journaliste pour l’édition chinoise d’Epoch Times depuis 2009, spécialiste de la Chine.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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