Près de 400.000 personnes ont évacué depuis jeudi Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), où une nouvelle éruption du volcan Nyiragongo est toujours à craindre ainsi qu’une grave crise humanitaire.
« 80.000 ménages, soit environ 400.000 habitants, ont évacué la ville de Goma jeudi », ont annoncé à la mi-journée les autorités de la province du Nord-Kivu, dont Goma est la capitale.
Quasi déserte au petit matin, la ville a retrouvé au fil des heures et par endroits une reprise d’activité, mais bien moins qu’à l’ordinaire dans cette agglomération habituellement grouillante de deux millions d’habitants, coincée entre les pentes noires du Nyiragongo et les rives du lac Kivu.
La plupart des magasins et commerces du centre-ville sont restés fermés. Balluchons sur la tête ou accrochés à l’arrière de taxi-motos surchargés, des familles ont continué à partir.
La nuit et la journée ont été marqués par une baisse notable du nombre et de l’intensité des tremblements de terre. Des panaches de fumée noire s’échappant du cratère à l’horizon en fin d’après-midi ont cependant relancé les inquiétudes.
Evacuation « préventive » et « obligatoire »
Jeudi, dans un soudain exode, les habitants avaient fui la ville dans la peur et la précipitation après un ordre d’évacuation « préventive » et « obligatoire » face aux risques d’une nouvelle éruption.
Une première éruption sans aucun signe avant-coureur avait eu lieu samedi dernier, provoquant déjà la fuite des habitants, rentrés pour beaucoup le lendemain. Deux immenses coulées de lave se sont échappées des flancs du volcan, dont l’une est venue s’immobiliser dans les faubourgs nord-est de Goma. Au moins 32 personnes ont trouvé la mort, entre 900 et 2.500 habitations détruites, soit déjà environ 20.000 sans abri ou déplacés.
« Deux accidents ont provoqué la mort de deux personnes » jeudi, selon la province, ce qui porte donc le bilan à 34 tués depuis une semaine.
La mesure d’évacuation « reste toujours en vigueur », alors « qu’on ne peut toujours pas actuellement exclure une éruption à terre ou sous le lac », qui « pourrait advenir avec très peu, voire aucun signe précurseur », a prévenu de nouveau le gouvernorat.
« La sismicité et la déformation du sol continuent à indiquer la présence du magma sous la zone de Goma, avec une extension sous le lac Kivu ». Le « point de sortie des laves n’est pas prévisible pour le moment », la population doit « rester vigilante et à l’écoute des informations transmises« , alors que la situation « peut évoluer rapidement ».
Quatre types de risques
Le gouvernement avait listé jeudi quatre types de risques: les tremblements de terre, la toxicité de l’air et de l’eau du fait des cendres dispersées dans l’atmosphère, une « éruption secondaire » avec possiblement des laves surgissant directement du sol dans la ville. Et enfin le « scénario catastrophe » de la remontée d’une « poche de gaz » des profondeurs du lac Kivu.
La région de Goma est une zone d’intense activité volcanique, avec six volcans, dont le Nyiragongo et le Nyamuragira qui culminent respectivement à 3.470 et 3.058 mètres.
Ce risque « d’éruption limnique » est clairement identifié depuis longtemps pour le lac Kivu, dont les profondeurs contiennent beaucoup de méthane. L’écoulement du magma y provoquerait une émanation vers la surface de gaz toxique, méthane et dyoxide de carbone.
« Les populations commencent à s’installer dans les sites, ce qui va faciliter l’assistance du gouvernement et des humanitaires », ont assuré vendredi les autorités du Nord-Kivu, une province déjà meurtrie depuis trois décennies par la violence des groupes armés.
L’évacuation surprise de jeudi, qui s’est faite la peur au ventre et dans le plus grand désordre, ne concernait en théorie que 10 des 18 quartiers de Goma, mais ce sont en fait la grande majorité des habitants qui ont fui sans aucune assistance sur trois principaux axes – vers la localité de Sake à l’ouest, vers le Rwanda tout proche à l’est, vers le nord-est – ainsi que par bateau sur le lac.
Toute la journée, dans la poussière, les cris et la précipitation, ces déplacés, en véhicule ou à pied, ont pris la fuite au milieu d’embouteillages s’étirant sur des kilomètres sur la route de Sake. Beaucoup ont dormi à la belle étoile et à même le sol, au bord de la route, dans des églises ou des écoles.
« Epuisés, traumatisés, assoiffés, ils sont arrivés à Sake à la recherche d’un abri sans savoir de quoi demain sera fait », a témoigné sur twitter l’ONG Médecins sans frontières (MSF).
Près de 10.000 personnes ont trouvé refuge à Bukavu, capitale du Sud-Kivu voisin sur la rive sud du lac, selon le gouverneur Theo Ngwabidje. Beaucoup sont dans des familles d’accueil.
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