Volkswagen et la spirale de la crise

12 mai 2016 14:04 Mis à jour: 18 mai 2016 10:47

Le 10 octobre, soit presque un mois après les révélations de l’affaire Volkswagen, le nouveau président pointait que « la crise » que traversait le groupe pourrait menacer « l’existence de la société ».  8 mois plus tard, la situation, alors que l’affaire est toujours en instruction, le groupe est plongé dans la tourmente.

La reconnaissance de la dissimulation des émissions de certains véhicules Volkswagen –qui s’est achevé par la reconnaissance du groupe sur la « tricherie » opérée lors des tests d’émission- n’était que le premier pas d’une chute, celle d’un des plus grands groupe auto du monde. L’idée d’une « spirale de la crise » semble se vérifier.

Pour faire face à la situation houleuse du groupe, la direction a pris des mesures. Cependant, ces tentatives s’accommodent mal avec les révélations. Le cocktail explosif en résultant se traduit par la baisse des ventes, la perte de la confiance des consommateurs, le stress des fournisseurs, une gestion débordée, des courtiers de franchise et investisseurs en pleine nervosité.

Effets de crise

Dans un premier temps, les analystes ont estimé que le scandale aurait coûté 2 milliards d’US dollars au groupe. Mais au vu des différents bilans du groupe, l’onde de choc aura des retombées bien plus importantes. Au cours du dernier trimestre de 2015, Volkswagen a enregistré une perte de 127 millions d’euros. Bien que le bénéfice d’exploitation de Volksagen Group était proche de celui de 2014, soit environ 12,8 milliards d’euros, le scandale diesel a conduit à une perte nette de 1,6 milliard d’euros pour 2015 –la pire perte enregistrée depuis la création de la société, il y a 78 ans.

Ce chiffre comprend des dispositions pour des modifications techniques en attente visant les moteurs, et aux rachats diesel touchés, soit un total de 7,8 milliards d’euros. 7 milliards supplémentaires ont également été mis de côté comme une provision pour l’éventualité de risques juridiques dans le monde entier.

Quand la nouvelle du scandale des émissions a éclaté, en Septembre 2015, les premières réactions du groupe VW  étaient sporadiques. Les propriétaires de véhicules de la marque ont été laissés dans l’incertitude : impossible pour eux de savoir si leur véhicule était ou non concerné, ou quels remèdes techniques seraient envisageables ; et si remède il y avait, quel effet cela aurait sur les performances de leurs véhicules. Ou encore, si une forme de compensation financière pourrait être attendue de la part du groupe.

Moins d’un mois plus tard, les gouvernements du monde entier ont pris des mesures énergiques pour contraindre les rappels et engager des poursuites financières. Mais les tentatives de résolutions de la part de Volkswagen ne convainquaient pas grand monde. Par exemple, l’État de Californie, suite  aux rapports de l’organisme environnemental California Air Resources Board a jugé ces solutions «incomplètes, sensiblement déficiente, et tombe loin de répondre à l’exigence légale». Celles ci ont été rejetées de manière retentissante.

En Mars 2016, les agences de notation de crédit ont abaissé le classement du Groupe VW, avec pour effet mécanique de rendre les collectes de fonds plus dispendieuses, et limiter davantage la capacité de l’entreprise pour assurer son avenir à moyen terme. Certains investisseurs ont commencé à demander au groupe réparations et indemnisations, malgré un refus initial des dirigeants d’enfreindre les règles de divulgation du marché.

L’argent utilisé pour s’acquitter des amendes dues aux organismes de réglementation ou aux gouvernements, et l’indemnisation des propriétaires de véhicules doit bien venir de quelque part.  Le budget R&D de l’entreprise a été ainsi amputé de 10%. Avec un nouvel effet mécanique, celui de restreindre le futur modèle et les programmes de technologie utilisés. De quoi résulterait une perte de compétitivité. Au vu de ces observations, Matthias Müller, PDG du groupe, a simplement déclaré que les dommages financiers de la société seraient « substantielle et durable ».

Une marque en danger ?

Volkswagen a en outre proposé une coupe de plus de 2 milliards d’euros (2,3 milliards de dollars) prise sur le budget d’achat. Cependant, la réduction des coûts des fournisseurs peut également engendrer de nouveaux problèmes dans le futur, tels que des problèmes de qualité et de fiabilité. D’autres investissements dans des mises à niveau de l’usine ou des extensions de capacités, considérés comme «nécessaires» par le groupe avant que cette crise ne frappe, sont également reportées ou annulées. Là encore, avec des conséquences directes sur la qualité et le volume de production.

Les ventes de la marque VW étaient déjà dans le rouge avant la crise. Afin de maintenir ces dernières et de garder les usines en cours d’exécution, le groupe a commencé l’actualisation des prix des véhicules, avec pour conséquence une diminution de la rentabilité par unité. En Octobre 2015, VW a affiché une perte de 3,84 milliards en US dollars calculée sur le troisième trimestre. À titre de comparaison, à la même période en 2014, la compagnie dégageait un bénéfice de 3,6 milliards de dollars.

Dans des situations comme celles-ci, la part de marché du groupe est susceptible de chuter. Si les clients de la marque résidant dans l’Union Européenne ne reçoivent aucune compensation du groupe, contrairement aux automobilistes américains, alors s’ajoutera  la question et  de la mauvaise publicité. En novembre, les ventes de VW aux États-Unis ont chuté de 25%.

Les acheteurs et les investisseurs ne sont pas les seuls malheureux : dans une spirale comme celle-ci, les principaux dirigeants et la gestion peuvent également être tentés de quitter le navire. Ce qui fut déjà le cas pour plusieurs employés du premier cercle du groupe, qui ont suivi le sort de l’ancien PDG, Martin Winterkorn. D’autres ont été suspendus, comme Hanno Jelden. Le recrutement sera plus difficile, et nuira lui aussi à la capacité de l’entreprise face à la concurrence.

Les concessionnaires franchisés ont également été bouleversé par le scandale, et beaucoup ont adressé au siège une demande de compensation financière. D’autres ont commencé à chercher à vendre d’autres marques. Le recrutement de nouveaux concessionnaires serait également devenu plus difficile, avec des lacunes apparaissant dans le réseau pour certaines marques, selon le territoire.

Matthias Müller a indiqué que Volkswagen mettra désormais l’accent sur son système modulaire d’électrification afin de soutenir une nouvelle génération de véhicules électriques. Si le scandale réussit à propulser le groupe Volkswagen plus rapidement dans l’ère de la mobilité et des services électriques, l’impact à long terme sera bénéfique-aussi longtemps que l’entreprise est en mesure de mettre fin à la spirale de la crise, grandement dommageable pour sa marque.

De nouveaux véhicules électriques seront-ils suffisants pour faire oublier aux acheteurs le scandale des émissions des véhicules Volkswagen ? Après tout, la chose la plus précieuse pour le groupe VW, et ce qu’il a besoin de protéger, c’est sa marque. Les annonces du PDG promettent un groupe «tenant ses responsabilités», et assurent qu’il regagnera la confiance des clients. Quant à pouvoir effectivement le faire, le chemin reste encore à faire.

Peter Wells  est Professeur de Commerce et de durabilité à l’Université de Cardiff. Cet article est originellement paru dans TheConversation.

 

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