Chaque Français devrait regarder attentivement sa feuille de paye. Il verrait la somme prélevée sur le fruit de son travail et qui lui revient de droit par le contrat qui le lie à son employeur et par la loi.
Une visite sur le site de l’URSSAF
Alors que je rejoignais mon domicile, un homme qui se dirigeait comme moi vers la bouche de métro m’aborda d’une façon étrange mais plutôt sympathique : « Excusez-moi si je suis distrait, me dit-il, mais je réfléchissais à la façon dont je vais pouvoir servir 35 couverts mercredi soir ». Je lui demandai alors s’il était restaurateur et il précisa : « Je suis serveur dans un restaurant ; et 35 couverts c’est du boulot, et tout cela pour 1900 euros par mois ». L’homme, d’une cinquantaine d’année, tout-à-fait calme et visiblement doté de conscience professionnelle, continua de m’expliquer qu’il ne se plaignait pas, que « c’est la vie », mais que tout-de-même, ce n’est pas cher payé. En bon professeur d’économie, j’avais envie de lui faire un petit cours en lui expliquant qu’en fait il gagnait beaucoup plus que cela. Mais – déformation professionnelle ! –n’ayant pas les chiffres exacts, et un peu effrayé à l’idée de l’ennuyer, j’ai choisi de me taire.
Cela ne m’a pas empêché, une fois rentré, de vérifier les chiffres que j’avais en tête. Je me suis donc rendu sur le site de l’URSSAF et, sur la page du simulateur de revenus, me suis empressé de taper « 1900 net ». L’écran reproduit ci-dessous est apparu confirmant sans surprise mon premier jugement : pour qu’un employé (dans cette simulation célibataire et sans enfant) reçoive un salaire net de 1900 euros, l’employeur doit « sortir » 3134 euros.
Donc, 3134 euros par mois, c’est ce que « touche » ce monsieur pour travailler dans ce restaurant et s’il est quelque peu frustré – certains seraient même dégoûtés – par son salaire c’est parce qu’il ne voit pas les 1234 euros manquants.
S’il visitait le site de l’URSSAF, ou plus simplement prenait le temps d’examiner sa feuille de paie (qui, il faut l’admettre, est souvent illisible…), il apprendrait qu’il verse chaque mois 674 euros pour sa retraite, 217 euros pour l’assurance maladie, 102 euros pour son assurance chômage, 86 euros pour les allocations familiales (versement de solidarité puisque lui-même n’a pas d’enfants), 55 euros pour les accidents du travail, 30 euros pour la formation professionnelle, 2,43 euros pour un fonds national d’aide au logement. Que ces sommes soient versées tantôt au titre des cotisations patronales tantôt au titre des cotisations salariales importe peu car dans les deux cas la somme est prélevée sur le fruit de son travail qui lui revient de droit par le contrat qui le lie à son employeur et par la loi. C’est donc bien lui qui paie ! Et ça ne s’arrête pas là : il faut encore verser la terrible CSG, ici 233,33 euros par mois et un « petit » impôt sur le revenu de 82 euros. Tout cela cumulé explique qu’il ne verra que 1818 euros sur son compte bancaire à la fin du mois.
Ce n’est pas le marché qui est dur, ce sont nos choix politiques qui sont lourds de conséquences.
Tous les Français savent cela. En tous cas ils devraient. Ce dont ils ne se rendent pas toujours compte, c’est que ce sont eux qui veulent qu’il en soit ainsi. Ce sont eux qui ont depuis des décennies élu des majorités et des présidents parce qu’ils leur promettaient de préserver — « quoi qu’il en coûte » — le modèle social français qui consiste à confier à l’État la gestion de notre santé, de nos retraites, de notre formation, de nos assurances contre le chômage ou les accidents du travail. Sans parler de la formation de nos enfants, de la construction d’habitations à faible loyer, de la promotion de la culture ou du sport, etc. Ils ont – nous avons ! – « démocratiquement » décidé de ne gérer directement que 1818 euros sur les 3134 que nous gagnons chaque mois. Et je passe sous silence le fait que certaines des dépenses qui seront faites avec ces 1818 euros restants (électricité, gaz, loyer, essence, etc.) sont également « encadrées » par de nombreuses tarifications et réglementations.
D’autres options étaient et sont toujours possibles. Il suffit de regarder les modèles adoptés par les autres pays pour s’en convaincre : les prélèvements obligatoires y sont partout plus faibles qu’en France car ils ont collectivement choisi de laisser chaque individu gérer une partie de ce que nous, Français, confions à l’État. En tant qu’économiste je le regrette, parce que l’État et les « partenaires sociaux » sont de piètres gestionnaires et parce que que le monopole légal qui leur est accordé ralentit de façon catastrophique les processus d’innovation.
Confier tant de choses à l’État nous plonge inexorablement, aussi, dans les méandres de la décision collective comme l’illustrent tristement les dernières discussions sur le régime des retraites. Ayant accepté de tous nous embarquer sur une seule et même barque, nous devons à présent décider d’une direction commune. Quelle folie ! D’autant qu’il existe des solutions respectueuses des besoins et des préférences de chacun ; respectueuses de nos libertés. La capitalisation, plutôt que la répartition, en serait une, parmi d’autres.
Évidemment chacun est libre d’avoir une opinion différente ; chacun est libre de tenter d’imposer cette opinion aux autres en utilisant les rouages de la démocratie. Mais il faut alors être cohérent et ne pas se dire amer de ne disposer, malgré un travail consciencieux, que de1900 euros par mois puisque ce fait est une conséquence directe de son propre choix. La bonne nouvelle c’est que votre travail est rémunéré bien plus. Il est évalué à 3134 euros sur le marché. Ce n’est pas le marché qui est dur, ce sont nos choix politiques qui sont lourds de conséquences. Il faut savoir les assumer et, pourquoi pas, en changer.
Article écrit par Pierre Garello. Publié avec l’aimable autorisation de l’IREF.
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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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