Si vous pensez que l’argent comptant existera toujours, détrompez-vous. L’appui orchestré venant des médias grand public, des analystes, des cercles de réflexion, des banques et des gouvernements du monde entier pour interdire l’argent comptant est surprenant.
Les comités éditoriaux de Bloomberg et du New York Times ont écrit des textes en faveur de l’interdiction de l’argent. L’ex-secrétaire du Trésor américain Larry Summers et le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi ont exprimé qu’ils étaient favorables à l’élimination des grosses coupures. L’Allemagne de son côté veut abolir les billets de 500 euros dans l’Union européenne ainsi que toutes les transactions de plus de 5000 euros en argent comptant.
Willem Buiter, économiste en chef chez Citigroup, résume les avantages, du moins du point de vue du gouvernement et des banques : l’État peut taxer toutes les transactions financières ou les banques peuvent réclamer des frais, mais les ruées sur les banques cessent parce qu’il n’y a rien à retirer.
Les partisans de cette mesure savent que les taux d’intérêt négatifs – un élément clé dans l’objectif des banques d’atteindre une inflation pertinente et nécessaire pour réduire le fardeau des dettes des spéculateurs et des entreprises qui prennent trop de risques – ne surviendront pas à moins que les banques centrales interdisent également l’argent comptant. C’est pourquoi on parle souvent des deux idées en tandem.
Ça va mal tourner.
– JamesGrant
Sauvetage des banques
« Ils vont faire l’essai de taux négatifs jusqu’à un certain point », affirme Joseph Gagnon, chercheur principal du Peterson Institute for International Economics et ex-directeur associé du comité de la Réserve fédérale américaine.
« Je pense que ça va être difficile de pousser les taux des fonds fédéraux plus bas que moins 1. Les gens peuvent simplement sortir de l’argent et le mettre dans une voûte et ils n’auront aucun retour. »
MM. Buiter et Gagnon avisent du même phénomène : interdire l’argent comptant et imposer des taux négatifs permettraient de taxer et de réclamer plus de frais aux consommateurs, les forçant à dépenser plus ou à investir dans des champs plus spéculatifs comme la bourse.
« Il y a d’autres solutions de remplacement à l’épargne, il s’agit de l’investissement ou de la spéculation. Le risque est beaucoup plus élevé », affirme James Grant, rédacteur en chef du Grant’s Interest Rate Observer.
La plupart des partisans d’une interdiction de l’argent comptant affirment que la mesure permettrait de réduire le blanchiment d’argent, le crime et le terrorisme.
Tandis que cela est essentiellement vrai, il est un peu étrange que cet argument n’ait pas fait surface au cours des dix, vingt ou trente dernières années, alors que le crime, le blanchiment d’argent et le terrorisme existent depuis des décennies. Il a plutôt fallu arriver à aujourd’hui, alors que les outils monétaires conventionnels et non conventionnels ont atteint la limite de leur efficacité et les taux d’intérêt négatifs semblent être l’unique choix restant.
Conséquences accidentelles
Le grand public accueille toutefois ces deux idées avec beaucoup de scepticisme, ce qui n’est pas surprenant. Pour illustrer les propos de M. Gagnon, les coffres-forts se vendent comme des petits pains chauds au Japon, l’un des pays les plus en voie d’adopter des taux d’intérêt négatifs.
En fait, il y a plusieurs signes qui indiquent que pousser les taux d’intérêt négatifs sur les consommateurs – plusieurs institutions sont déjà contentes de les payer dans la forme de rendements négatifs sur des obligations gouvernementales – ne sera pas un processus linéaire alors que les taux passent de 1 à 0 à –1 %. Le système pourrait casser en franchissant le chiffre magique de zéro.
Selon un sondage réalisé par la banque hollandaise ING, 77 % des répondants ont indiqué qu’ils sortiraient leur argent de la banque si les taux d’intérêt devenaient négatifs – c’est exactement la ruée sur les banques ou la panique bancaire que M. Buiter voudrait éviter et la raison pour laquelle les taux d’intérêt négatifs devraient être jumelés à une interdiction de l’argent comptant.
De plus, des taux plus bas ne veulent pas dire que les épargnants vont dépenser davantage ; c’est plutôt le contraire. Des données compilées par la Bank of America démontrent que les épargnants tendent à épargner davantage dans les pays où les taux créditeurs sont très bas.
En Suisse, par exemple, où les taux créditeurs sont passés d’un peu plus de 1 % en 2008 à près de 0 % en 2015, le taux d’épargne est passé de 21 à 24 %. La même tendance a pu être décelée au Danemark et en Suède récemment. La devise : si j’obtiens un rendement plus bas sur mes épargnes, ce qui rallonge le temps pour atteindre mon objectif d’épargne, alors je dois épargner davantage pour atteindre mon objectif plus vite.
Même si l’argent était interdit et que les gens étaient forcés d’accepter des taux négatifs sur leurs dépôts bancaires, cela ne mènerait pas nécessairement à plus de consommation. Ça pourrait ne faire qu’augmenter les réserves comme l’or.
Les gens pourraient même préférer posséder de la machinerie lourde, des œuvres d’art, des diamants ou des instruments de musique, alors qu’ils conservent le pouvoir d’achat relativement mieux qu’un taux négatif à la banque. Il y a des exemples historiques, comme la République de Weimar en Allemagne, alors que les gens ont choisi ces méthodes pour conserver leur pouvoir d’achat durant des périodes d’hyper inflation.
En somme, le mouvement pour les taux d’intérêt négatifs et l’interdiction de l’argent comptant n’a rien à voir avec les terroristes ou le blanchiment d’argent. Il s’agit plutôt de sauver les banques et de tenter de corriger les politiques des banques centrales qui n’ont pas fonctionné dans le passé. Comme le présente M. Grant : « Ça va mal tourner ».
Version originale : The Real Reasons Behind Negative Interest Rates and Banning Cash
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