ENTRETIEN – Avocat au barreau de Toulouse et auteur de Le droit à la continuité historique (Vérone, 2023) Wilfried Kloepfer revient sur le déplacement de Jordan Bardella et de Marion Maréchal la semaine dernière en Israël.
Epoch Times : Ce déplacement marque-t-il l’achèvement de la dédiabolisation du RN ?
Wilfried Kloepfer : Si ce n’est un aboutissement, on assiste, à l’évidence, à une étape décisive dans le processus de normalisation du Rassemblement national.
Lors de ce voyage, nous avons pu voir cette photo assez extraordinaire sur laquelle figurent Marion Maréchal et Arno Klarsfled. Ce n’est pas rien ! Je rappelle que les parents d’Arno Klarsfeld ont voué leur existence à traquer les criminels nazis dans le monde entier. Et le fait qu’il soit sur la même photo que la petite fille de Jean-Marie Le Pen, fondateur du FN et homme politique connu pour ses propos antisémites, montre un changement complet de logiciel qui me paraît plus qu’apparent.
Le RN n’est plus sur le même registre idéologique que celui du FN qui avait été fondé avec des partisans de l’OAS et des nostalgiques du régime de Vichy, notoirement antisémites pour la plupart.
À l’occasion du déplacement, Jordan Bardella a affirmé que son parti constitue un « bouclier pour nos compatriotes de confession juive ». Qu’en pensez-vous ?
C’est non seulement ce qu’il déclare, mais c’est aussi ce qui est reçu par une partie significative des Juifs de France. Pour eux, le danger vient de LFI et plus du RN.
« Aujourd’hui, on sent bien que ce sujet [lutte contre l’antisémitisme] est instrumentalisé pour mettre en scène un Rassemblement national nouveau dans une stratégie de conquête du pouvoir », a récemment déclaré le président du CRIF Yonathan Arfi sur RMC. Que vous inspirent ces propos ?
Il y a plein de raisons qui peuvent justifier la critique du RN. Je pense notamment à son programme économique. Mais sur la question de l’antisémitisme, je ne crois pas qu’on puisse lui en faire un procès.
Certains cherchent à maintenir artificiellement ce grief en l’accusant de racisme pour légitimer le « cordon sanitaire » et le « front républicain ». Pour reprendre une expression de Lionel Jospin, il s’agit en réalité de « théâtre antifasciste ».
Au fond, cette séquence nous permet de revenir aux origines de l’antisémitisme. Est-il nécessairement attaché à l’extrême droite ? Ou est ce qu’il y a également un antisémitisme à l’extrême gauche ?
L’évolution de LFI nous montre que l’antisémitisme d’extrême gauche existe. Nous sommes en train de le redécouvrir. Mais ce n’est pas une nouveauté !
Sous Vichy, certains collaborationnistes étaient issus de la gauche, notamment Pierre Laval, Jacques Doriot et Marcel Déat pour ne citer qu’eux. C’est un antisémitisme lié à l’anticapitalisme. Pour l’idéologie d’extrême gauche, les Juifs sont associés à la finance et au capitalisme de manière générale.
Quel est l’intérêt pour le gouvernement israélien d’inviter ces deux personnalités ?
C’est certainement une manière pour le gouvernement israélien d’interférer dans la vie politique française. Il s’agit pour lui de rappeler que l’antisémitisme ne se trouve plus au RN, mais du côté de l’idéologie islamo-gauchiste.
Que manque-t-il au RN pour qu’il soit complètement dédiabolisé ?
Il y aura toujours des levées de boucliers contre le RN. Il suffira de rappeler le nom de Le Pen et l’histoire du FN pour justifier le maintien du RN à l’extrême droite du spectre politique et la mise en place d’alliances contre lui.
Le parti à la flamme a entamé une mutation programmatique. Maintenant, c’est à l’électeur de valider ce processus-là.
Toute la question est maintenant de savoir qui sera le ou la candidate du Rassemblement national en 2027 alors que le tribunal correctionnel de Paris vient de condamner Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité avec exécution immédiate.
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