Enfermement de masse, travail forcé, stérilisations et annihilation culturelle: ce sont là les accusations formulées par les organisations de défense des droits de l’Homme contre la Chine au Xinjiang.
Pékin nie toute persécution des minorités musulmanes dans la province de l’extrême-est du pays, et soutient que sa politique sur place a permis d’éradiquer le terrorisme et de relancer l’économie locale.
Les Etats-Unis affirment que la Chine commet un « génocide » à l’encontre des Ouïghours – qui représentent près de la moitié de la population du Xinjiang avec 12 millions d’habitants – et ont imposé des sanctions en réponse. La Chine dément vigoureusement et qualifie ces allégations de « mensonge du siècle ».
Internement de masse
Selon plusieurs chercheurs, les autorités chinoises ont interné plus d’un million de Ouïghours et d’autres personnes issues d’ethnies musulmanes dans des centres de détention et des prisons de la province.
Pékin conteste ce chiffre et explique qu’il s’agit de « centres de formation professionnelle » destinés à combattre le radicalisme islamiste.
Mais d’anciens détenus ont témoignés de viols et de tortures à l’intérieur de ces camps, et un endoctrinement politique de la part d’officiels chinois, le tout encadré par un système de surveillance omniprésent.
La stratégie d’internement de Pékin
Des gardes équipés de gaz lacrymogènes, de pistolets à impulsion électrique ou paralysants et de matraques à pointes contrôlent ces centres entourés de barbelés et de caméras infrarouges, selon des documents gouvernementaux examinés par l’AFP en 2018.
La fuite d’une série de données gouvernementales, notamment un dossier confidentiel datant de 2019 connu sous le nom de « Xinjiang Papers », a permis de mieux comprendre l’ampleur de la stratégie d’internement de Pékin.
D’autres documents obtenus par le professeur de l’Université de Sheffield David Tobin et vus par l’AFP montrent comment les fonctionnaires du nord de la région ont été mobilisés pour cibler systématiquement les musulmans.
L’un de ces documents est un manuel publié en 2016, détaillant les techniques d’interrogatoire et incitant les fonctionnaires à se méfier des imams « sauvages » ou encore des adeptes religieux « à deux visages ».
Travail forcé au Xinjiang
La Chine est aussi accusée d’enrôler des Ouïghours dans des programmes de « transfert de main d’œuvre » forcée, liés à des chaînes d’approvisionnement internationales de divers secteurs allant des vêtements aux voitures.
Selon Pékin, ces initiatives permettent de réduire la pauvreté en procurant des emplois bien rémunérés pour des résidents ruraux à faible revenu.
Mais des recherches indiquent que les autorités ont contraint des dizaines de milliers de personnes à travailler dans des champs et usines au sein d’un système lié aux camps de détention.
L’année dernière, les Etats-Unis ont adopté une loi interdisant l’importation de produits fabriqués par le travail forcé au Xinjiang.
En avril, la Chine a pour sa part affirmé avoir ratifié deux conventions internationales contre le travail forcé.
Quotas de stérilisations
Selon des universitaires et militants d’ONG, les mesures de contrôle des naissances très strictes prises au Xinjiang depuis 2017 – notamment les quotas de stérilisations et de pose de stérilets – font partie d’une tentative délibérée de réduire les naissances chez les minorités ethniques.
La Chine a réfuté ces affirmations, et avance que la baisse du taux de natalité reflète le développement économique régional et l’évolution des normes sociales.
La croissance de la population dans certains comtés du Xinjiang où vivent de nombreuses minorités a fortement ralenti entre 2017 et 2019, selon des documents de recherche citant les statistiques des gouvernements locaux.
Et ce alors même que le gouvernement central a exhorté la population, essentiellement composée de Han, à avoir davantage d’enfants afin d’éviter une crise démographique.
Couper avec les traditions
La Chine a mené un combat contre les pratiques religieuses, culturelles et linguistiques ouïghoures ces dernières années, selon des chercheurs et des Ouïghours résidant hors du pays.
Quelque 16.000 mosquées du Xinjiang, soit les deux tiers du nombre total dans la province, ont été détruites ou endommagées en application de politiques gouvernementales depuis 2017, selon l’Australian Strategic Policy Institute.
Lors d’un voyage en 2019 dans la région, des journalistes de l’AFP ont visité plusieurs lieux saints qui avaient été rasés ou affectés à d’autres usages.
Les Ouïghours auraient par ailleurs subi des pressions pour ne pas parler leur langue et pour abandonner les coutumes islamiques comme la prière, la possession de livres saints et le port de longues barbes.
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