L’annonce de la démission de Liu Lefei de son poste de directeur d’une importante société d’assurance, a été faite en toute discrétion le 20 juillet dernier. Il s’agit ni plus ni moins du fils de l’un des plus puissants hauts fonctionnaires chinois. D’après l’annonce publiée par la société New China Life Insurance, Liu Lefei aurait démissionné pour « raisons professionnelles ».
Il dirigeait la troisième plus grande société d’assurance chinoise dont la valeur comptable de l’actif s’élève à 93,35 milliards d’euros, d’après les chiffres du magazine économique Forbes. Le communiqué de China Life Insurance ne donne pas d’indications concernant les nouveaux engagements professionnels de Liu Lefei.
Compte tenu de l’ancrage familial de ce dernier dans la politique du PCC, sa démission attire naturellement l’attention et la spéculation. Son père Liu Yunshan est en effet un allié très proche de l’ennemi politique numéro un du chef du Parti Xi Jinping. De plus, la direction centrale avait demandé à China Life Insurance de ne pas vendre d’actions après le krach boursier, un krach qui aurait lui-même été manipulé par intérêt politique selon certains commentateurs en Chine.
Liu Yunshan, le père de Liu Lefei, est membre du Comité permanent du Politburo mais aussi chef du groupe dirigeant la propagande et l’idéologie du Parti. Il s’agit d’un petit groupe très influent chargé de contrôler tout l’appareil de la propagande. Avant de diriger ce groupe, Liu Yunshan était le chef du Département central de la propagande, entre 2002 et 2012. Il avait été élevé à ce poste par Jiang Zemin, le chef du PCC à cette époque. Il semble que le réseau politique de Jiang Zemin, que ce dernier a continué à entretenir après sa sortie du pouvoir en 2002, est la principale cible de la campagne anti-corruption de Xi Jinping.
Selon Radio France Internationale (via China Digital Times), Liu Lefei fait lui-même partie du groupe d’intérêt politique et social qui regroupe Bo Xilai, le fils de Zeng Qinghong, Zeng Wei, la fille de l’ancien premier ministre Li Peng, la femme d’affaires Li Xiaolin et Rui Chenggang, le présentateur de la Télévision centrale de Chine, purgé dans le cadre de la campagne anti-corruption.
Lorsque l’indice composite de Shanghai a commencé à chuter début juillet, le premier ministre chinois Li Keqiang a lancé une série de mesures destinées à sauver le marché boursier. Plusieurs agences, banques et fonds communs de placement gérés par l’État ont procédé à des achats sur le marché pour restaurer la confiance des investisseurs. L’autorité de réglementation des valeurs mobilières de l’État a lancé un moratoire sur la vente pour les six prochains mois, pour les investisseurs avec des enjeux de plus de 5 %, ajoutant que les violations de ce moratoire seraient « punies sévèrement. »
Cependant, China Life Insurance, la compagnie de Liu Lefei, a ignoré cette injonction, marquant ainsi sa contestation face au commandement direct du Parti. Des articles publiés sur des sites internet d’informations financières en Chine puis à Hong Kong, ont indiqué que China Life Insurance avait vendu ses participations dans CITIC Securities Co, les faisant passer de 6.05 % à 5.74 %.
Le site Ming Pao, basé à Hong Kong, a indiqué que cette vente « a provoqué une controverse sur le marché » et que « la nouvelle, dès son annonce, a provoqué un véritable tollé. »
Dix jours plus tard, la compagnie China Life Insurance a annoncé la démission de son directeur Liu Lefei pour « raisons professionnelles ».
Article original : Was Politics Behind the Resignation of Top Chinese Official’s Son?
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