Y aura-t-il assez d’huile de palme durable pour tout le marché ?

4 mars 2017 14:49 Mis à jour: 9 mars 2017 17:15

Au cours de l’été 2016, deux des plus grands producteurs d’huile de palme (huile que l’on retrouve des sticks à lèvres à la margarine) ont perdu la possibilité de produire ce qu’ils vendaient comme certifié par la Roundtable on Sustainable Palm Oil (RSPO), la plus grande association du monde pour la production éthique de cette huile.

Ces compagnies étaient responsables de près d’un cinquième de l’approvisionnement mondial en huile de palme certifiée par la RSPO, qui cherche de plus en plus à engager les compagnies utilisant de l’huile de palme à purger leurs opérations de destruction environnementale et de violation des droits de l’homme – bien souvent associées à cette industrie. Les prix pratiqués pour l’approvisionnement du produit de première qualité ont fortement augmenté.

Un rapport publié en décembre par l’ONG CDP basée à Londres, anciennement connue comme le Carbon Disclosure Project, indique que la dernière hausse des prix de l’été dernier pourrait n’être qu’un avant-goût de ce qui est à venir.

La CDP a enquêté sur les 187 compagnies les plus importantes et au plus fort impact environnemental en rapport au risque de déforestation.  Bien que 75 % des compagnies indiquent avoir identifié des sources suffisantes d’huile de palme durable pour leurs futurs besoins opérationnels, la CDP a conclu que « cette confiance pourrait être mal placée ».

« Il n’est pas encore clair à ce point que des approvisionnements suffisants de biens durables seront disponibles pour répondre à toutes les cibles, levant le risque que certaines compagnies puissent ne pas répondre à leurs engagements, ou feront autrement face à des coûts montant rapidement alors que la demande est plus forte que l’ approvisionnement », indique le rapport.

Une photo de Pop-Tartes en vente à New York. Kellog, le producteur de Pop-Tarts, a annoncé en 2014 qu’il n’achèterait que de l’huile de palme (utilisée dans beaucoup de ses produits agroalimentaires) à des compagnies ne détruisant pas les forêts tropicales où poussent les arbres de palme. (Andrew Burton/Getty Images)

Avec l’expansion rapide des plantations d’huile de palme en Asie du Sud-Est – et de plus en plus en Afrique et en Amérique Latine – alimentant la déforestation, les saisies de terrains et les violations des droits du travail, de nombreux acteurs de l’industrie ont eu comme objectif d’assainir les chaînes d’approvisionnement d’ici 2020.

« C’est maintenant 2017, et nous rapprochons de ces délais », rapporte Kati McCoy, à la tête des programmes forestiers de la CDP. « Quant à savoir si ces engagements seront tenus, nous ne pouvons pas l’affirmer sans un risque certain. »

En 2016,  la « fragilité » de l’approvisionnement en huile de palme durable a été révélée

77 % des compagnies renseignant leurs activités sur l’huile de palme à la CDP se reposent sur la certification RPSO pour s’assurer que ce qu’ils achètent est produit de façon durable. En avril 2016, la RSPO a suspendu l’accréditation de l’un des plus grands fournisseurs d’huile de palme certifié, le IOI Group, après que la firme malaisienne ait été accusée de nombreuses violations en Indonésie. Peu après, un autre fournisseur important, Felda Global Ventures, a volontairement retiré la certification de 58 de ses plantations en  Malaisie après avoir reconnu des problèmes de durabilité.

Avec la sortie de ces deux importants fournisseurs, 18,5 % de toute l’huile de palme certifiée RSPO dans le monde s’est évaporée, selon l’organisme GreenPalm associé à la RSPO. En résultat, « l’écart entre l’huile de palme durable et l’huile de palme conventionnelle est passé de 23 $ la tonne métrique à 30-35 $, tandis que sur l’huile de palme brut cela a doublé, allant de 80-100 $ à plus de 200 $ », indique CDP.

Un communiqué émis par GreenPalm décrit les leçons apprises : « Les nouvelles de la fin de la certification RSPO de IOI et de Felda ont mis en lumière la fragilité de l’approvisionnement physique. Au même moment, cela démontre l’importance de construire des chaînes d’approvisionnement élastiques. »

Le fruit du palmier utilisé pour la production d’huile de palme. (Rhett A. Butler/Mongabay)

La RSPO a redonné la certification de IOI quatre mois après sa suspension – trop tôt selon les observateurs n’ayant pas été satisfaits par la promesse de changement de la compagnie, et qui voulaient d’abord voir des progrès sur le terrain. Néanmoins, l’impact sur l’approvisionnement d’huile RPSO a persisté, de nombreuses compagnies refusant toujours d’acheter à IOI.

McCoy affirme que cela a envoyé un message positif aux producteurs, montrant qu’il y a une demande pour l’huile de palme durable. Le directeur de GreenPalm Bob Norman a également souligné dans une déclaration que les prix élevés étaient un aubaine pour les vendeurs, mais un obstacle pour les acheteurs souhaitant acheter une huile certifiée RSPO.

Les hausses de prix peuvent décourager certains acheteurs de choisir les produits certifiés plus coûteux, compromettant les efforts de changement.

En d’autres mots, 2016 a montré que trop se reposer sur quelques fournisseurs certifiés pouvait créer un risque. Les hausses de prix peuvent encourager les firmes des plantations à créer un produit certifié qui est demandé ; mais de telles hausses peuvent également décourager certains acheteurs à choisir les produits certifiés les plus coûteux, compromettant les efforts de changement.

Des messages confus : un affaiblissement ou une profusion ?

Tandis qu’assez d’huile de palme certifiée puisse devenir disponible pour répondre à la demande grandissante, la clé est de s’assurer que les acheteurs et les vendeurs suivent, selon le responsable de communication de la RSPO Stefano Savi. « De la perspective des fournisseurs, certains diront ‘Il n’y a pas assez de demande.’ De la perspective des acheteurs, certains diront ‘Je ne peux pas trouver assez d’huile de palme certifiée durable’. D’une manière, les deux réponses sont vraies. »

L’huile de palme certifiée par la RSPO est une niche de produits demandant toujours aux compagnies de traiter un à un avec les fournisseurs, explique Savi. « Ce n’est pas une chose pour laquelle vous pouvez prendre un téléphone et passer une transaction standard et dire, ‘Je voudrais X tonnes d’huile de palme certifiée durable’. Ce n’est pas de cette façon que cela fonctionne aujourd’hui. »

« De la perspective des fournisseurs, certains diront ‘Il n’y a pas assez de demande.’ De la perspective des acheteurs, certains diront ‘Je ne peux pas trouver assez d’huile de palme certifiée durable’. D’une manière, les deux réponses sont vraies. »

– Stefano Savi, responsable de communication de la RSPO

Une partie de l’huile certifiée RSPO finit par être vendue sous d’autres noms, comme le International Sustainability and Carbon Certification system, qui est généralement utilisé pour l’huile de palme destinée à devenir du biocarburant en Europe. Le reste est vendu comme huile de palme conventionnelle.

Un approvisionnement plus stable pourrait être établi en facilitant la communication entre les producteurs certifiés et les acheteurs potentiels, informe Savi.

À présent, la demande pour une huile de palme durable vient principalement d’Europe et d’Amérique du Nord, consommant un total combiné de près de 8 millions de tonnes métriques d’huile de palme chaque année, selon le Sustainable Palm Oil Transparency Toolkit. En 2016, la RSPO a certifié près de 11 millions de tonnes métriques. Il existe actuellement assez d’huile de palme certifiée durable pour répondre à tous les besoins de ces régions, si les producteurs peuvent réussir à échanger avec les acheteurs.

De l’autre côté, la Chine et l’Inde importent à eux deux  16 millions de tonnes métriques chaque année. Si la demande pour l’huile de palme certifiée par la RSPO augmente dans ces régions, cela pourrait être compromis si l’ approvisionnement n’augmente pas en même temps, explique John Buchanan, directeur de l’ONG Conservation International traitant de l’alimentation durable et des marchés de l’agriculture.

« Simplement assainir une partie de l’industrie pour approvisionner les États-Unis ou l’Europe ne résout pas le problème », indique-t-il. « Je pense que la clé est de vraiment souligner qu’à la fin nous avons besoin de la demande. »

Il ajoute : « J’aimerais voir la demande dépasser l’approvisionnement. Cela pourrait avoir certaines implications sur les prix… et il est possible qu’il y ait plus que les arrêts à court terme que nous avons vu avec IOI et Felda l’année dernière. Mais la chose la plus importante est que la demande continue à grandir, car à la fin nous devrions tous être pro-huile de palme durable. »

Construire un approvisionnement stable

McCoy, le chef des programmes forestiers de la CDP, explique que la meilleure façon d’assurer un approvisionnement futur stable est que les compagnies puissent favoriser la durabilité dans leurs chaînes d’approvisionnement existantes plutôt que de chercher de nouvelles sources déjà certifiées.

Tandis que le rapport de CDP souligne le manque de planification rigoureuse pour la stabilité de l’ approvisionnement à long terme des compagnies, certaines d’entre elles – comme le géant de l’huile de palme en Amérique latine Agropalma – ont des plans solides pour les décennies à venir, rapporte McCoy. Cela inclut de travailler de façon intensive avec les fournisseurs, qui manquent souvent de fond et de  familiarité avec les besoins des marchés internationaux, pour les aider à assainir leurs opérations, estime t-elle.

McCoy a souligné certaines tendances du rapport de la CDP pour illustrer le genre de collaboration manquant généralement : « 37 % sont en relation avec les fournisseurs, 31 % organisent des rencontres de travail et des formations, 17 % font des projets communs, et seulement 9 % offrent un support technique. »

Lorsque ces nombres augmenteront, indique McCoy, un approvisionnement stable d’huile de palme durable augmentera probablement.

Construire un standard solide

Et il y a le problème de la qualité du label vert de la RPSO même. Le standard de la table ronde ne protège que d’anciennes forêts primaires et les tourbières profondes. Mais la tendance grandissante des compagnies est maintenant de passer outre l’interdiction de couper des étendues de forêt ou de tourbière riche en dioxyde de carbone.

« La RAN questionne sérieusement la légitimité de l’huile de palme ‘certifiée durable’ sur le marché.» 

– Emma Lierley de Rainforest Action Network

Emma Lierley de Rainforest Action Network a déclaré : « RAN questionne sérieusement la légitimité de l’huile de palme ‘certifiée durable’ sur le marché. La RSPO n’est pas un standard adéquat, et ne peut pas être pris pour une source d’huile de palme vraiment responsable – l’huile de palme responsable est faite sans déforestation, sans destruction de tourbières et de violations des droits du travail et humains. »

Il s’agit d’une critique souvent émise, à laquelle la RSPO répond généralement qu’elle ne veut pas mettre la barre trop haute pour ne pas décourager les firmes non-certifiées de poursuivre le standard exister. « Ne devrions-nous pas rassembler tout le monde avant de passer à la prochaine étape ? », demande Savi.

La RSPO a lancé RSPO NEXT l’an passé comme une tarification optionnelle sans déforestation pour ses membres. Mais il est possible que créer différents niveaux de certification puissent dévaluer les niveaux plus faibles, explique Savi, rendant plus difficile de trouver un équilibre pour aider tous les acteurs.

Savi reconnaît des cas dans lesquels la RPSO a manqué d’appliquer ses propres standards, portant atteinte aux yeux du public à la valeur de son huile de palme certifiée. « Nous reconnaissons qu’il y a beaucoup de problèmes dans son application. Certaines choses se détournent parfois de la perfection », confie-t-il.

« C’est un processus. Ce que nous devons maintenant faire est de nous concentrer sur son amélioration », conclut Savi.

Version anglaise : Will There Really Be Enough Sustainable Palm Oil for the Whole Market ?

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