À la suite d’une injonction prononcée par un tribunal de Hong Kong le 8 mai, YouTube a bloqué l’accès à la chanson « Gloire à Hong Kong » en fonction de la situation géographique de l’utilisateur. Au total, 32 liens vidéo vers la chanson n’apparaîtront plus sur la page de recherche de Google de Hong Kong.
Un porte-parole de YouTube, qui fait partie du groupe Alphabet basé à Mountain View en Californie, a déclaré que le géoblocage des vidéos prendrait effet immédiatement pour les internautes de Hong Kong.
Le 15 mai, Epoch Times a tenté d’accéder à l’une des vidéos de YouTube depuis Hong Kong, pour découvrir que le lecteur affichait : « Conformément à la loi, ce contenu ne peut être diffusé dans votre pays/zone ».
Toutefois, le géant des plateformes vidéo a critiqué la décision du tribunal, estimant qu’elle jetait le doute sur les prétendues intentions des autorités de Hong Kong en faveur d’une économie numérique. La plateforme a déclaré partager les inquiétudes des groupes de défense des droits de l’homme, qui craignent que l’interdiction de contenus n’étouffe la liberté d’expression en ligne.
« Nous sommes déçus par la décision de la Cour, mais nous nous conformons à son ordonnance de retrait », a déclaré YouTube dans un communiqué. « Nous continuerons d’étudier les recours possibles, pour promouvoir l’accès à l’information. »
L’hymne national de Hong Kong
« Gloire à Hong Kong » est un hymne de protestation largement chanté lors du mouvement contre l’extradition en 2019. Les manifestants s’opposaient à la loi dite de sécurité nationale qui permet d’extrader certains prisonniers, généralement politiques, vers la Chine continentale. En raison de sa popularité, la chanson a vite été considérée comme « l’hymne national » de Hong Kong et a été utilisée lors de plusieurs compétitions internationales en remplacement de l’hymne national chinois.
Par exemple, lors d’un match de rugby en Corée du Sud en 2022, un stagiaire aurait téléchargé l’hymne national de Hong Kong sur Internet, croyant à tort qu’il s’agissait de l’hymne national chinois.
Les autorités de Hong Kong accusent la chanson de subversion, arguant que ses paroles contiennent des slogans considérés par le tribunal comme relevant de la « sédition » et que la chanson, mentionnée à plusieurs reprises comme l’hymne national de Hong Kong, « insulte » le véritable hymne national (la Marche des volontaires). Il est reproché à cette chanson d’avoir causé de « graves préjudices » à la Chine et à Hong Kong.
Une enquête menée par les autorités a révélé que la diffusion erronée de cette chanson par les organisateurs provenait d’une recherche Google : « Hong Kong National Anthem » sur Google aboutit au résultat « Gloire à Hong Kong ».
En novembre 2022, Epoch Times a fait une recherche sur Google pour « Hong Kong national anthem » en chinois, anglais et coréen, les premiers résultats obtenus étaient tous « Gloire à Hong Kong ».
Les autorités de Hong Kong ont négocié à plusieurs reprises avec Google pour demander que la « Marche des volontaires » soit placée en tête de liste. Google a répondu que les résultats de recherche étaient formés par des algorithmes et ne pouvaient être modifiés manuellement, et a donc rejeté la demande.
En juin 2023, le ministère de la Justice de Hong Kong a annoncé son intention d’interdire 32 liens vidéo vers la chanson, dont les clips vidéo, les morceaux de musique pure, les versions orchestrales, les versions en langue des signes, les versions dans d’autres langues, etc.
En juillet 2023, la Haute Cour a rejeté la proposition relative à l’interdiction de la chanson, invoquant la possibilité d’un « effet paralysant » sur la liberté d’expression.
En août 2023, le ministère de la Justice a fait appel du rejet.
Le 8 mai, la Cour d’appel final de Hong Kong a accepté le recours du ministère de la Justice en faveur de l’interdiction de la chanson, annulant ainsi le jugement du tribunal de première instance.
Les juges de la Cour d’appel Jeremy Poon, Carlye Chu et Anthea Pang ont écrit que le compositeur de la chanson de protestation avait l’intention de l’utiliser comme une arme.
« Entre les mains de ceux qui ont l’intention d’inciter à la sécession et à la sédition, la chanson peut être utilisée pour éveiller des sentiments anti-establishment », ont écrit les juges.
La liberté d’expression est essentielle pour le centre financier
Yan Baogang, ancien directeur de i-CABLE Finance Info Channel, pense que la décision du tribunal de Hong Kong dissuadera les entreprises et les professionnels internationaux d’opérer à Hong Kong, puisque la ville est déjà l’un des rares endroits au monde où ChatGPT est interdit.
« Il est évident que le gouvernement de la RAS (région administrative spéciale) ne veut pas porter un coup dur à la confiance des investisseurs étrangers après l’adoption de l’article 23, et le maintien de la position de Hong Kong comme centre financier reste un objectif important pour Pékin », a-t-il écrit dans un article publié dans Epoch Times.
Par conséquent, selon Paul Lam (secrétaire à la justice), le gouvernement est simplement « impatient » de voir la réponse de Google à l’injonction, et ne souhaite pas appliquer l’injonction du tribunal à l’encontre de Google.
« Toutefois, si les États-Unis interdisent TikTok, Pékin pourrait prendre d’autres contre-mesures. Les autorités de Hong Kong seront alors contraintes de prendre des mesures à l’encontre des plateformes de médias sociaux. Je crains que même YouTube et Gmail ne soient retirés des rayons d’ici là. »
M. Yan estime que le plus triste dans cette affaire est que le gouvernement de la RAS a complètement perdu son pouvoir de « négociation », c’est-à-dire la possibilité de maintenir son autonomie.
« En d’autres termes, les fonctionnaires du gouvernement de la RAS ne prennent plus la peine de préserver leur autonomie et se contentent de faire tout ce que l’autorité centrale leur demande de faire », a-t-il écrit.
« La liberté d’information et d’expression est une condition fondamentale pour un centre financier, car c’est le seul moyen pour les investisseurs de s’assurer que leurs capitaux et leurs droits de propriété soient protégés. »
« Aujourd’hui, Hong Kong pourrait bien éroder encore davantage ce dernier bastion de liberté en invoquant la sécurité nationale. La société entière finira par ne plus entendre de voix dissidentes et pluralistes, mais seulement une ‘unanimité’ écrasante. Je crains que le fait qu’un ‘blocage Internet’ soit mis en place importe peu dans ces conditions. »
Reuters a contribué à la rédaction de cet article.
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