ENTRETIEN – Yves d’Amécourt est viticulteur en Gironde et membre du parti fondé par David Lisnard en 2021, Nouvelle-Énergie. Il revient pour Epoch Times sur l’une des principales préoccupations, l’inflation normative, mais aussi sur les « écologistes radicaux » qu’il voit comme une menace, non seulement pour les agriculteurs, mais aussi pour la planète. Pour Yves d’Amécourt, il y a derrière ces personnes, un « vieux dogme inspiré du marxisme ».
Epoch Times – L’édition 2024 du Salon de l’agriculture a débuté ce samedi 24 février. La plupart des paysans interrogés dénoncent le phénomène de surtransposition des normes européennes par la France. Comment expliquez-vous ce durcissement des règles, jugées déjà assez strictes, par l’État français ?
Yves d’Amécourt – Ces surtranspositions sont dues à notre système hybride, qui s’appuie sur deux parlements, un européen et un national, qui traitent des mêmes sujets. Cela ne peut pas fonctionner.
En fait, il n’y a aucune raison pour que Paris vote les mêmes choses que Strasbourg. Il y a pourtant des traités qui disent que les décisions de l’Europe sont plus importantes que les décisions françaises, mais l’État français prend des décisions en plus ou à contrario des européennes.
J’ai été maire et président d’une Communauté de communes pendant douze ans, et quand la mairie transfère une compétence à l’intercommunalité, c’est elle qui décide et après, la mairie ne revient pas ajouter sa propre norme.
En Europe, c’est le grand bazar. Par exemple, en Europe, il y a 452 molécules qui sont autorisées dans les produits phytosanitaires, en France, seulement 309. Cela engendre une forme de distorsion avec nos voisins européens. Souvenez-vous du cas du glyphosate. Il a été récemment réhomologué en Europe pour dix ans. Le lendemain, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau indique que des restrictions seraient mises en place en France ! Tout ceci pour faire plaisir à une partie de la majorité présidentielle qui est écologiste. Nous vivons dans un système dans lequel une minorité peut influer sur la majorité puisqu’elle permet aux partis d’être élus et d’obtenir la majorité absolue.
Ainsi, à l’époque, Lionel Jospin et sa « gauche plurielle », pour obtenir les voix des écologistes, avait arrêté le projet Superphénix qui nous permettait d’aller vers la quatrième génération de réacteurs nucléaires. Si ce projet avait abouti, on aurait aujourd’hui entre 3000 et 5000 ans de réserves d’électricité en France en utilisant l’énergie de nos propres déchets nucléaires.
L’histoire s’est répétée avec François Hollande en 2012, qui avait promis la fermeture de Fessenheim et le plafonnement à 50 % de l’énergie nucléaire dans notre mix énergétique pour avoir le soutien d’Europe Ecologie Les Verts.
Enfin, Emmanuel Macron a prolongé cette politique et a arrêté le projet Astrid – qui était le nouveau nom du projet Superphénix qu’avait relancé Nicolas Sarkozy – pour les beaux yeux de Nicolas Hulot…
Ces minorités font basculer les majorités dans un sens ou dans l’autre ; dans le fond elles agissent contre le climat et contre l’écologie, qui est la science de l’habitat. Le fond de leur pensée est hérité d’un vieux dogme inspiré du marxisme qui prône la décroissance, la dénatalité, le réensauvagement et la renaturation. Pour les écologistes, l’homme est un nuisible sur terre.
Tous les partis politiques essayent de récupérer à leur compte le mouvement des agriculteurs. Pourtant, on a l’impression qu’aucun d’entre eux ne propose une vision différente en matière de production de normes à l’exception du parti de David Lisnard, Nouvelle Énergie, dont vous êtes membre…
Nous avons besoin d’un changement majeur. Cette logique de production de normes à tout-va est ancrée dans les habitudes françaises depuis des siècles.
Montaigne disait que la France, à elle seule, a plus de textes et de normes que le monde entier. Les Chinois appellent la France Fa Go, le « pays des lois ». C’est un phénomène culturel.
Aujourd’hui, des normes poussent dans tous les sens et il y a un travail énorme à faire parce que tout le monde en souffre. À Nouvelle Énergie, on préconise la subsidiarité, c’est-à-dire qu’au lieu d’imposer des normes, on fixe des grands objectifs et ensuite, on laisse les acteurs choisir la meilleure solution pour atteindre ces objectifs. Cela développera l’initiative et la créativité.
Une norme doit permettre de répondre à des objectifs identiques avec des solutions communes, mais aujourd’hui, l’État répond à des problèmes différents avec les mêmes solutions !
Un changement de cap implique la mise en œuvre d’une politique plutôt libérale, mais en même temps le libéralisme n’a pas toujours bonne presse en France…
Je préfère parler de liberté plutôt que de libéralisme. La liberté fait partie de la devise de notre République. Il faut redonner de la liberté aux acteurs et cette dernière se juge en fonction du contexte et des sujets. Il ne faut pas normaliser les solutions, mais les principes et les objectifs et ensuite, il faut laisser l’acteur choisir la meilleure solution. C’est comme ça qu’on avance, y compris dans la fonction publique.
Par exemple, à Cannes, puisque vous parliez de David Lisnard, les acteurs de terrain ont une grande liberté dans la prise de décision et dans l’initiative. Ils connaissent les objectifs de chaque service et derrière, ils prennent des initiatives sans avoir besoin de se référer à leur N+1 ou leur N+2. Qu’est ce qui produit la colère des agriculteurs aujourd’hui ? C’est l’imposition des normes dont ils savent pertinemment qu’elles ne servent pas d’objectifs.
C’est ce qu’il se passe avec le plan Ecophyto qui est un système de mesure de l’usage des pesticides qui mélange tous les produits, quelle que soit leur dangerosité pour la santé ou pour l’environnement. Et les écologistes disent que ce qui importe, c’est la baisse de leur usage.
Et d’un autre côté, il y a un grand mensonge qui laisse penser aux gens que l’agriculture biologique n’utilise pas de pesticides. Par exemple, en Gironde, chaque année, la quantité de pesticides utilisés augmente parce qu’il y a de plus en plus de viticulteurs qui se tournent vers l’agriculture biologique.
Or, en agriculture biologique, le pesticide le plus utilisé, c’est la bouillie bordelaise. C’est un mélange qui contient du cuivre, un métal lourd. Plus on en utilise, plus le tonnage de pesticides augmente. Et les mêmes qui veulent légiférer pour imposer l’agriculture biologique à tout le monde se plaignent chaque année au moment du bilan du plan Ecophyto que les objectifs ne sont pas atteints parce que les tonnages de pesticides augmentent. Alors qu’ils augmentent parce qu’il y a plus d’agriculture biologique.
Les agriculteurs demandent un peu de bon sens et de cohérence ; que les pouvoirs publics prennent en compte l’impact des produits phytosanitaires sur la santé et sur l’environnement, qu’on leur donne des notes en fonction de cela et ensuite qu’on essaye de réduire les pesticides les plus dangereux et de généraliser les moins néfastes. C’est d’ailleurs ce qui se passe depuis 50 ans. La France est renommée mondialement pour son agriculture qui est l’une des plus respectueuses de la santé et de l’environnement.
À l’occasion d’une interview avec nos confrères de Boulevard Voltaire début février, vous avez déclaré : « Pour les écologistes radicaux, l’Homme est un nuisible […] ils veulent nous ramener à la préhistoire, comme si l’agriculture était un crime contre la nature ». Considérez-vous les écologistes radicaux comme la principale menace qui pèse sur le monde agricole ?
Non seulement, ils sont une menace pour les agriculteurs, mais aussi pour la planète de manière générale. Ils refusent les solutions scientifiques et de bon sens. Par exemple, l’Europe vient d’accepter sur son sol les NBT (new breeding technologies) qui sont une émanation de ce qu’on appelle les ciseaux à ADN et pour lesquelles une Française a eu le prix Nobel de chimie il y a quelques années.
Cette méthode, permet notamment en viticulture de repérer le gène résistant à des maladies comme le mildiou, qui est habituellement traité par des produits phytosanitaires utilisés. L’enjeu est énorme en matière de réduction de pesticides mais les écologistes s’y opposent et au Parlement européen, ils ont voté contre. Ils disent que ce sont de nouveaux OGM (transgénèse) alors qu’il s’agit de cisgénèse et d’intra-génèse. Le gène résistant au mildiou vient d’une vigne et est implanté dans une vigne.
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