ZFE et Crit’Air 3 : une bombe sociale à retardement à compter du 1er janvier 2025

Par Germain de Lupiac
1 janvier 2025 18:09 Mis à jour: 3 janvier 2025 05:08

À compter du 1er janvier 2025, les automobilistes détenteurs d’un véhicule répondant au Crit’Air 3, c’est-à-dire les véhicules diesel immatriculés avant 2011 et les voitures à essence d’avant 2006, seront bannis de certaines zones à faibles émissions (ZFE) en France.

Cette interdiction des véhicules Crit’Air 3 sera effective à Paris, Lyon, Montpellier et Grenoble et concerne près de 2 millions de véhicules, dont 1,3 dans la région parisienne. Huit agglomérations françaises vont suivre ces restrictions en 2025, quand trente autres prévoient de créer une ZFE avec des restrictions minimales (interdisant les véhicules sans Crit’Air, Crit’Air 4 et 5) dans leur propre centre ville, multipliant en passant la complexité des zones et leur localisation géographique.

La loi qui a créé les zones à faibles émissions remonte à 2019 et a été renforcée par la Loi Climat de 2021. Le débat sur leur mise en place est devenu explosif début 2023 avec l’application du Crit’Air 4. « On nous disait que ça allait devenir des zones de fortes exclusions, que si on avait aimé les ‘gilets jaunes’, nous allions adorer les ZFE », commentait l’ancien ministre de la Transition écologique Christophe Béchu.

En pleine crise économique, les ZFE risquent de devenir un symbole de l’exclusion des automobilistes les plus modestes, les véhicules moins polluants restant encore rares et chers sur le marché de l’occasion. Plusieurs dispositifs (aides à l’achat de véhicules moins polluants, « leasing social ») ont été mis en place pour faciliter la transition, mais ont été fortement réduits cette année par l’État.

Le gouvernement tente de temporiser en laissant le choix aux agglomérations

Les restrictions de circulation plus strictes avec le Crit’Air 3 ne concernent que Paris, Lyon, Montpellier et Grenoble au 1er janvier 2025, soit les voitures diesel de plus de 14 ans et les voitures à essence de plus de 19 ans. Les 41 autres métropoles pourront choisir d’autoriser la quasi-totalité des véhicules à circuler, à l’exception de ceux immatriculés avant 1997.

Des radars automatiques seront mis à disposition par l’État à partir de l’année 2026 alors qu’ils étaient espérés dès 2025 par les défenseurs du dispositif. Ces radars seront capables de filmer les plaques d’immatriculation pour repérer les voitures interdites de circulation.

Le dispositif des ZFE prévoit des mesures restrictives pour les voitures polluantes là où la qualité de l’air est dégradée. L’idée de ces zones, déjà répandues en Europe, est de pousser les automobilistes à acheter des véhicules moins polluants, hybrides ou électriques, alors que le marché est inaccessible pour les plus modestes. Cela doit les pousser aussi à utiliser les transports en commun et les modes de transports dits « doux » comme le vélo.

Le Grand Paris met en avant « la pédagogie » pour 2025

De nombreuses dérogations sont prévues localement en région parisienne pour désamorcer l’éventualité d’une contestation début 2025, comme pour les véhicules affichant une carte mobilité inclusion, ceux bénéficiant d’une carte grise « collection » (ouverte aux véhicules de plus de trente ans), ou ceux servant à certains professionnels (marchés, déménagements).

Vingt-deux catégories socio-professionnelles seront concernées par ces exceptions, soit 59.000 professionnels, selon une étude de l’atelier parisien d’urbanisme (Apur) de 2023. Les véhicules d’associations d’intérêt général, tout comme les véhicules prioritaires (pompiers, police, SAMU, etc.), ne sont pas concernés non plus par l’interdiction.

Les véhicules les plus polluants, interdits de circuler dans la ZFE du Grand Paris, pourront déroger aux restrictions 24 jours par an et seront dispensés de contrôle pendant un an, a annoncé en décembre la métropole. Pendant une “période pédagogique” d’une année (du 1er janvier 2025 au 31 décembre 2025) aucune sanction ne sera appliquée, selon le site de la Métropole du Grand Paris.

La ZFE comprend une large partie du Grand Paris : 77 communes sur les 131 de la métropole, à l’intérieur du périmètre formé par l’autoroute A86, du lundi au vendredi de 8 h 00 à 20 h 00.

Lyon, Montpellier et Grenoble suivent la marche sur le Crit’Air 3

Les métropoles de Lyon, Montpellier et Grenoble vont également limiter à partir du 1er janvier 2025 la circulation des véhicules dotés d’une vignette Crit’Air 3.

Mais les amendes (68 euros forfaitaires) ne sont pas pour tout de suite : l’ensemble des véhicules Crit’Air 3 seront exemptés de contrôle pendant six mois à Grenoble.

Les métropoles de Paris et Lyon ont été contraintes de restreindre la circulation des voitures classées Crit’Air 3 à cause de la mauvaise qualité de leur air. Les métropoles de Montpellier et Grenoble ont décidé de leur côté de le mettre en place dès le 1er janvier, sans y être contraintes.

Les métropoles de Marseille, Strasbourg et Rouen, qui devaient poursuivre la mise en place de leurs ZFE vers le Crit’Air 3 en 2025, en ont été exemptées, en raison de l’amélioration de leur qualité de l’air.

Les restrictions de circulation vont s’étendre à toutes les grandes agglomérations

Depuis le 1er janvier 2024, huit autres grandes agglomérations françaises (Aix-Marseille-Provence, Nice, Toulouse, Strasbourg, Reims, Rouen, Saint-Étienne, Clermont-Ferrand) ont déjà imposé des interdictions aux voitures non classées (voitures immatriculées avant 1997, sauf voitures de collection) et véhicules utilitaires légers non classés (immatriculés avant le 30 septembre 1997).

La plupart ont également mis en place des horaires de circulation ou des interdictions totales pour les voitures classées Crit’Air 4 et 5 (voitures diesel immatriculées avant 2006).

Trente agglomérations doivent encore mettre en place des restrictions minimales (véhicules sans Crit’Air, Crit’Air 4 et 5) avant le 1er janvier 2025, dont Lille, Bordeaux, Dijon ou Rennes. Ces agglomérations sont libres de prendre des mesures plus restrictives.

Cela ne va pas assez loin pour certains

Patrick Ollier, le président de la Métropole du Grand Paris (MGP), s’est dit « extrêmement déçu » que les contrôles automatisés, que l’État est chargé de mettre en place, n’interviennent qu’en 2026.

En l’absence de contrôle, la ZFE risque de n’être que « virtuelle », a regretté auprès de l’AFP Sylvain Raifaud, coprésident du groupe écologiste, social et citoyen de la MGP. « C’est de la pensée magique », a commenté Emmanuel Grégoire, président du groupe socialiste, écologiste et républicain à la métropole.

Les conseillers métropolitains ont aussi fustigé la décision récente du gouvernement de supprimer les aides à la conversion que la métropole venait jusque-là compléter – une mesure jugée « antisociale » par le conseiller écologiste David Belliard. Ces aides tomberont de « 22.000 euros pour l’achat d’un véhicule neuf à 10.000 euros », a déploré Patrick Ollier.

« Les pauvres bannis des centres-villes »

Pour le député RN Matthias Renault sur X, les pauvres seront bannis des centres-villes. Il dénonce une mesure liberticide et bureaucratique.

Pour l’association 40 millions d’automobilistes, le périmètre des ZFE est flou et pourrait être spécifié à l’aide d’un panneau d’entrée de zone sans savoir à quel endroit et sans mettre d’itinéraire bis, par exemple sur une autoroute, sans aucune possibilité de faire demi-tour et sans parking relais. C’est “l’art de mettre volontairement les citoyens en infraction” commente l’association qui publie une contre-enquête : ZFE : la bombe à retardement sociale – Qui pourra encore rouler demain ?.

« Les ZFE sont une véritable bombe sociale. Il faut un moratoire, les déplacer, les décaler dans le temps et revenir en arrière », dénonçait déjà Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, lors d’une interview à L’Opinion en 2023.

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