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L’agence Xinhua : voix de la plus grande dictature du monde

Écrit par Noé Chartier, La Grande Époque
02.10.2005
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La prise de pouvoir par le Parti communiste chinois (PCC) en 1949 est

commémorée en Chine le 1er octobre. Le PCC s’est greffé à la nation et

a réussi à créer l’idée, par des années de campagnes politiques

violentes et de remodelage idéologique, que Chine et PCC était une

seule même entité.

Samedi, des milliers de Chinois se sont massés sur la Place Tiananmen, sous le slogan des Jeux Olympiques de Beijing 2008, One Dream, One World,

sous le regard de Mao Zedong dont le portrait supplante toujours le

site historique. La «nouvelle Chine» des cadres du parti communiste –

résolument ultra-capitalistes – demeure politiquement attachée à

l’ombre de Mao. Au sein de la population, largement privée d’une

version alternative de l’histoire, des milliers de pèlerins se rendent

chaque jour au mausolée du «Grand Timonier». La plus récente biographie

de l’homme, Mao : The Unknown Story (Jung Chang et Jon

Halliday, publiée par Jonathan Cape), suggère que ce despote était prêt

à sacrifier la moitié de la population (300 millions à l’époque) pour

accomplir son rêve de domination mondiale. Il est aussi classé loin

devant Hitler et Staline en terme de cruauté, ayant causé plus de 70

millions de morts en temps de paix.

Le 30 septembre, à la veille

du 56e anniversaire de la formation de la République populaire de

Chine, l’organisme de défense de la liberté de presse, Reporters sans

frontières (RSF), a publié un rapport sur l’agence chinoise de

nouvelles Xinhua. Héritière de l’organe de presse Chine rouge, fondé par Mao, Xinhua est fondamentalement liée au Parti communiste depuis 1949.

L’enquête

menée par RSF, pour décortiquer «la plus grande agence de propagande du

monde», a été rendue possible grâce a un ancien de Xinhua, Michel Wu, ainsi qu’à de nombreux employés actuels qui auraient accepté de témoigner sous le couvert de l’anonymat.

Des moyens pour parvenir à ses fins

«Le principe logique de Xinhuanet.com

est de persister à donner la priorité à l’intérêt national, à soutenir

inébranlablement une guidance correcte de l’opinion publique et à

sauvegarder l’authenticité, l’autorité et l’objectivité des reportage.

"Rendre Xinhuanet.com plus influent et plus éminent le plus vite possible" est l’attente ardente du Comité central du parti à l’égard de Xinhuanet.com.» Voilà le concept de Xinhua,

tel qu’énoncé sur son site Internet. Les contradictions inhérentes

démontrées ci-dessus révèlent à la fois la mission première de l’organe

et sa quête de crédibilité.

L’agence est en fait un prolongement

direct du ministère de la Propagande (maintenant ministère de la

Publicité), qui lui-même est connecté aux plus hautes instances de la

hiérarchie communiste. «Le Département de la propagande contrôle Xinhua, définissant l’orientation et les sujets des reportages», est-il écrit dans le rapport de RSF.

L’intérêt du Comité central pour l’expansion de Xinhua s’évalue en données concrètes et se traduit en phénomènes observables.

Xinhua

est en fait, selon les données officielles, la plus grande agence de

presse du monde. Elle emploierait 8400 personnes, comparativement à l’ Agence France-Presse

qui en emploie 2000. Ses bureaux et correspondants sont postés partout

à travers le monde et elle publie, toujours selon le rapport, plus de

1000 dépêches par jour, dont la majorité sur l’actualité

internationale. Plusieurs de ses articles sont repris par Google News et d’autres médias reprennent aussi les informations de Xinhua

comme source crédible. C’est contre cela que Reporters sans frontières

s’insurge, car «sa modernisation n’est que superficielle». «L’objectif

de Xinhua reste le même : maintenir le monopole du PCC sur l’information.»

«Malgré

la privatisation relative du marché des médias chinois, rien ne se dit

et rien ne s’écoute sur les sujets sensibles en Chine sans l’accord

préalable de l’agence gouvernementale», affirme RSF.

Xinhua

sert d’écran de fumée. Cacher les crimes du régime, transmettre les

mensonges des dirigeants sur la «montée pacifique de la Chine» et

séduire les investisseurs étrangers représentent ses mandats

primordiaux.

Contrôle orwellien, style «1984»

Le

rapport de RSF est accablant sur les fonctions de journaliste et

rédacteur au sein de l’agence. Pour assurer une armée d’employés

dociles et cadrant bien dans les limites du système, les employés de Xinhua

sont soigneusement sélectionnés parmi les étudiants les plus brillants

et démontrant obéissance au parti. Ils doivent suivre des «stages

idéologiques», question d’apprêter leurs esprits à définir le monde. Un

étudiant ayant passé par le processus s’est confié à RSF : «même lors

des séminaires de ce genre, on ne cesse de nous répéter la nature

politique de Xinhua ainsi que la place essentielle de la

politique dans le travail quotidien. Rien, par contre, sur la façon

d’écrire un article ou de chercher des informations».

Le rapport indique aussi les multiples fonctions intéressées de Xinhua.

En matière de nouvelles nationales, l’agence traduit des dépêches

provenant des médias étrangers, en y assurant la ligne idéologique. Les

autres articles sont pour la plupart écrits à partir de communiqués

gouvernementaux et l’intérêt principal est la couverture des activités

des dirigeants et fonctionnaires.

Pour les articles concernant

l’international, il s’agit aussi de dépêches traduites et

re-concoctées, toujours de manière à représenter les intérêts du parti.

Reporters sans frontières note que, dernièrement, certains articles

négatifs au sujet du régime étaient parus en anglais, mais l’équivalent

était inexistant pour la population chinoise locale. Des actions, selon

RSF, «seulement destinées à tromper la communauté internationale».

Les

dépêches provenant des autres agences comportant des informations

pouvant nuire aux intérêts nationaux ne sont pas ignorées. Elles sont

envoyées aux échelons supérieurs avec une mention «référence

intérieure». Ainsi, le peuple est privé de savoir, tandis que les

dirigeants ne finissent par s’intéresser qu’à cette info «privilégiée».

Les

informations censurées contiennent ce qui a trait aux violations des

droits humains, à la question de Taiwan, au Tibet, au Falun Gong, etc.

Ces sujets sont aussi l’objet de plusieurs reportages fabriqués de

toutes pièces, attisant la haine des citoyens chinois envers des

ennemis qui n’en sont pas.

Ainsi, selon le rapport, Xinhua

n’est que la voix de la dictature tout en recherchant la crédibilité

d’une agence de presse. Elle édifie mot à mot la politique étrangère

chinoise, appuyant, dans une logique de guerre froide, tous les régimes

qui méprisent l’Occident, comme l’Iran, la Corée du Nord, la Birmanie,

le Zimbabwe, etc.

Elle serait d’ailleurs l’un des «très rares

médias étrangers à posséder un correspondant en Corée du Nord, à

Pyongyang, et en Birmanie, à Rangoon», affirme RSF.

«Les correspondants de Xinhua

reprennent très facilement les communiqués officiels des pays amis de

la Chine populaire. Ainsi, le bureau de l’agence à Rangoon diffuse

systématiquement les communiqués triomphants de la junte militaire,

mais ne fait jamais mention du sort du Prix Nobel de la paix Aung San

Suu Kyi et des milliers d’autres prisonniers politiques birmans.»

Le rapport de Reporters sans frontières est disponible ici

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.