L’agence Xinhua : voix de la plus grande dictature du monde
La prise de pouvoir par le Parti communiste chinois (PCC) en 1949 est
commémorée en Chine le 1er octobre. Le PCC s’est greffé à la nation et
a réussi à créer l’idée, par des années de campagnes politiques
violentes et de remodelage idéologique, que Chine et PCC était une
seule même entité.
Samedi, des milliers de Chinois se sont massés sur la Place Tiananmen, sous le slogan des Jeux Olympiques de Beijing 2008, One Dream, One World,
sous le regard de Mao Zedong dont le portrait supplante toujours le
site historique. La «nouvelle Chine» des cadres du parti communiste –
résolument ultra-capitalistes – demeure politiquement attachée à
l’ombre de Mao. Au sein de la population, largement privée d’une
version alternative de l’histoire, des milliers de pèlerins se rendent
chaque jour au mausolée du «Grand Timonier». La plus récente biographie
de l’homme, Mao : The Unknown Story (Jung Chang et Jon
Halliday, publiée par Jonathan Cape), suggère que ce despote était prêt
à sacrifier la moitié de la population (300 millions à l’époque) pour
accomplir son rêve de domination mondiale. Il est aussi classé loin
devant Hitler et Staline en terme de cruauté, ayant causé plus de 70
millions de morts en temps de paix.
Le 30 septembre, à la veille
du 56e anniversaire de la formation de la République populaire de
Chine, l’organisme de défense de la liberté de presse, Reporters sans
frontières (RSF), a publié un rapport sur l’agence chinoise de
nouvelles Xinhua. Héritière de l’organe de presse Chine rouge, fondé par Mao, Xinhua est fondamentalement liée au Parti communiste depuis 1949.
L’enquête
menée par RSF, pour décortiquer «la plus grande agence de propagande du
monde», a été rendue possible grâce a un ancien de Xinhua, Michel Wu, ainsi qu’à de nombreux employés actuels qui auraient accepté de témoigner sous le couvert de l’anonymat.
Des moyens pour parvenir à ses fins
«Le principe logique de Xinhuanet.com
est de persister à donner la priorité à l’intérêt national, à soutenir
inébranlablement une guidance correcte de l’opinion publique et à
sauvegarder l’authenticité, l’autorité et l’objectivité des reportage.
"Rendre Xinhuanet.com plus influent et plus éminent le plus vite possible" est l’attente ardente du Comité central du parti à l’égard de Xinhuanet.com.» Voilà le concept de Xinhua,
tel qu’énoncé sur son site Internet. Les contradictions inhérentes
démontrées ci-dessus révèlent à la fois la mission première de l’organe
et sa quête de crédibilité.
L’agence est en fait un prolongement
direct du ministère de la Propagande (maintenant ministère de la
Publicité), qui lui-même est connecté aux plus hautes instances de la
hiérarchie communiste. «Le Département de la propagande contrôle Xinhua, définissant l’orientation et les sujets des reportages», est-il écrit dans le rapport de RSF.
L’intérêt du Comité central pour l’expansion de Xinhua s’évalue en données concrètes et se traduit en phénomènes observables.
Xinhua
est en fait, selon les données officielles, la plus grande agence de
presse du monde. Elle emploierait 8400 personnes, comparativement à l’ Agence France-Presse
qui en emploie 2000. Ses bureaux et correspondants sont postés partout
à travers le monde et elle publie, toujours selon le rapport, plus de
1000 dépêches par jour, dont la majorité sur l’actualité
internationale. Plusieurs de ses articles sont repris par Google News et d’autres médias reprennent aussi les informations de Xinhua
comme source crédible. C’est contre cela que Reporters sans frontières
s’insurge, car «sa modernisation n’est que superficielle». «L’objectif
de Xinhua reste le même : maintenir le monopole du PCC sur l’information.»
«Malgré
la privatisation relative du marché des médias chinois, rien ne se dit
et rien ne s’écoute sur les sujets sensibles en Chine sans l’accord
préalable de l’agence gouvernementale», affirme RSF.
Xinhua
sert d’écran de fumée. Cacher les crimes du régime, transmettre les
mensonges des dirigeants sur la «montée pacifique de la Chine» et
séduire les investisseurs étrangers représentent ses mandats
primordiaux.
Contrôle orwellien, style «1984»
Le
rapport de RSF est accablant sur les fonctions de journaliste et
rédacteur au sein de l’agence. Pour assurer une armée d’employés
dociles et cadrant bien dans les limites du système, les employés de Xinhua
sont soigneusement sélectionnés parmi les étudiants les plus brillants
et démontrant obéissance au parti. Ils doivent suivre des «stages
idéologiques», question d’apprêter leurs esprits à définir le monde. Un
étudiant ayant passé par le processus s’est confié à RSF : «même lors
des séminaires de ce genre, on ne cesse de nous répéter la nature
politique de Xinhua ainsi que la place essentielle de la
politique dans le travail quotidien. Rien, par contre, sur la façon
d’écrire un article ou de chercher des informations».
Le rapport indique aussi les multiples fonctions intéressées de Xinhua.
En matière de nouvelles nationales, l’agence traduit des dépêches
provenant des médias étrangers, en y assurant la ligne idéologique. Les
autres articles sont pour la plupart écrits à partir de communiqués
gouvernementaux et l’intérêt principal est la couverture des activités
des dirigeants et fonctionnaires.
Pour les articles concernant
l’international, il s’agit aussi de dépêches traduites et
re-concoctées, toujours de manière à représenter les intérêts du parti.
Reporters sans frontières note que, dernièrement, certains articles
négatifs au sujet du régime étaient parus en anglais, mais l’équivalent
était inexistant pour la population chinoise locale. Des actions, selon
RSF, «seulement destinées à tromper la communauté internationale».
Les
dépêches provenant des autres agences comportant des informations
pouvant nuire aux intérêts nationaux ne sont pas ignorées. Elles sont
envoyées aux échelons supérieurs avec une mention «référence
intérieure». Ainsi, le peuple est privé de savoir, tandis que les
dirigeants ne finissent par s’intéresser qu’à cette info «privilégiée».
Les
informations censurées contiennent ce qui a trait aux violations des
droits humains, à la question de Taiwan, au Tibet, au Falun Gong, etc.
Ces sujets sont aussi l’objet de plusieurs reportages fabriqués de
toutes pièces, attisant la haine des citoyens chinois envers des
ennemis qui n’en sont pas.
Ainsi, selon le rapport, Xinhua
n’est que la voix de la dictature tout en recherchant la crédibilité
d’une agence de presse. Elle édifie mot à mot la politique étrangère
chinoise, appuyant, dans une logique de guerre froide, tous les régimes
qui méprisent l’Occident, comme l’Iran, la Corée du Nord, la Birmanie,
le Zimbabwe, etc.
Elle serait d’ailleurs l’un des «très rares
médias étrangers à posséder un correspondant en Corée du Nord, à
Pyongyang, et en Birmanie, à Rangoon», affirme RSF.
«Les correspondants de Xinhua
reprennent très facilement les communiqués officiels des pays amis de
la Chine populaire. Ainsi, le bureau de l’agence à Rangoon diffuse
systématiquement les communiqués triomphants de la junte militaire,
mais ne fait jamais mention du sort du Prix Nobel de la paix Aung San
Suu Kyi et des milliers d’autres prisonniers politiques birmans.»