L’histoire d’un avocat souligne les problèmes légaux en Chine
En 2001, l'avocat chinois Me Zhisheng Gao a été honoré par le ministère de la Justice de la Chine en tant qu'un des dix meilleurs avocats du pays. Me Gao menait une carrière prospère en tant qu'avocat de droit civil jusqu'à ce qu'il commette l'impensable : écrire une lettre aux dirigeants de sa nation exigeant que le gouvernement chinois respecte ses propres lois et répare les cas les plus flagrants de violations indéniables des droits de l'homme dans son pays. Après avoir refusé de se rétracter par lettre, le 4 novembre dernier, son bureau a été fermé. |
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Me Gao, avocat autodidacte de Pékin, a été un des plus francs critiques du système légal chinois. Sa lettre adressée au président et au vice-président de la Chine condamnait, en particulier, la torture des pratiquants de Falun Gong cautionnée par l’État. «Nous ne pouvons accepter de telles violentes atrocités, totalement inhumaines dans notre société du 21e siècle», selon les termes de sa lettre. À peine quelques heures avant la fermeture de son bureau, Me Gao avait lancé un appel de soutien au nom d'un pasteur protestant clandestin, accusé d'avoir imprimé illégalement des bibles. Les bibles dites «légales» en Chine sont celles qui sont censurées par l'État. Les chrétiens qui décident de ne pas pratiquer dans des églises contrôlées par l’État sont forcés de se cloîtrer dans des églises clandestines souvent soumises à de fréquentes persécutions. Les autorités soutiennent que Me Gao a été arrêté et suspendu de l’exercice de ses fonctions durant un an pour ne pas leur avoir mentionné le déménagement de ses locaux. Me Gao aurait essayé d'enregistrer sa nouvelle adresse, mais les autorités n’ont rien voulu savoir. Selon l’analyse d’experts au Canada, l’expérience de Me Gao est l’exemple typique de ce que les autorités chinoises font subir aux avocats de la défense qui "iraient trop loin." «Il semblerait qu’avec sa lettre ouverte au président Hu Jintao, appelant à un arrêt immédiat des persécutions des pratiquants de Falun Gong, il serait allé trop loin, d'après les autorités chinoises», souligne le parlementaire indépendant M. David Kilgour. «Non seulement les autorités chinoises font répression sur les membres de ce groupe paisible, mais ils essaient aussi de faire taire toute voix s’opposant à cette terrible répression.» Un autre avocat chinois, Me Guoting Guo, anciennement célèbre, accuse cette suspension du cabinet de Me Gao comme une «revanche» pour le Parti communiste chinois. «En tant qu'avocat aux droits de l'homme, la défense de Me Gao vis-à-vis des activistes pour la démocratie et des pratiquants de Falun Gong chinois est tout à fait légale, mettant ainsi en valeur la vérité du système légal chinois. C’est ce que craint le PCC.» Me Guo n'est aucunement étranger aux méthodes répressives des autorités chinoises. Me Guo, étant aussi un des avocats maritimes supérieurs de la Chine, a prêté son attention ces dernières années à la défense des dissidents politiques de haute renommée, comme le journaliste M. Shi Tao ainsi qu’aux pratiquants de Falun Gong dont on refuse tout exercice effectif de leurs droits. En juillet 1999, étant donné que la pratique paisible et apolitique du Falun Gong était devenu trop populaire dans cet Etat athéiste, le dirigeant d'alors a déclaré la pratique illégale et a mis des moyens en oeuvre pour l'éradiquer, bien que la Constitution chinoise garantisse aux citoyens la droit de libre croyance religieuse. Des dizaines de milliers d’adhérents de Falun Gong ont été arrêtés et envoyés en prison et dans des camps de travaux forcés; pour la plupart d'entre eux au détriment de toutes procédures légales. Ils sont dépourvus de toute mesure de défense reléguée par les médias sous le contrôle étatique. Les adhérents sont simplement arrêtés pour toute protestation paisible de la persécution. Cette situation existe toujours en dépit des lois qui garantissent la liberté d’expression et le droit de critiquer les politiques du gouvernement. La Constitution chinoise défend également l’emprisonnement et la détention arbitraire de ses citoyens. Agacé par les régulières infractions du gouvernement vis à vis des pratiquants de Falun Gong, Me Guo y a trouvé une mission afin de rendre justice. Comme Me Gao, il avait bien conscience que son geste aurait des répercussions importantes. Une semaine après que le Falun Gong ait été déclaré illégal, le ministère de la Justice chinois a envoyé des directives à chaque cabinet juridique à l’intention des avocats du pays, leur indiquant qu'ils ne pouvaient pas représenter les pratiquants du Falun Gong. «Lorsque de telles consultations relatives au Falun Gong leur sont demandées par un client, les explications des bureaux de mandataire doivent correspondre à la tonalité du gouvernement central», selon la notification. Pour avoir défendu des clients qu’il ne fallait pas, Me Guo a été arrêté, placé sous garde à vue à domicile. Son permis lui a été retiré. Il est venu cette année au Canada lors d’une invitation à une conférence. Il s’est ainsi saisi de l'occasion pour demander le statut de réfugié. Me Guo habite aujourd’hui à Victoria d’où il continue ses actions à l’encontre des lois chinoises. «Mettre fin à la dictature du PCC a toujours fait partie de ma mission personnelle. Je considère cela comme une mission historique. Je suis comme un fossoyeur du PCC.» L'histoire de M. Lizhi He, résident de Toronto, ingénieur honoré de Pékin et pratiquant de Falun Gong, est l’apothéose du triste état du système judiciaire chinois. En juillet 2000, M. He a écrit une lettre à quelques collègues et amis leur expliquant son point de vue sur le Falun Gong en tant que pratique bénéfique pour la société et pour laquelle il avait été injustement persécuté. Les membres du Bureau de sécurité d'État ont intercepté ses lettres. Le 21 juillet, quatre policiers l'ont enlevé de son lieu de travail en l’accusant «d’avoir nuit à l’ordre social et à l'unité politique [de la Chine]». Son épouse a voulu recourir à un avocat pour sa défense, mais la plupart d’entre eux ont eu peur d’accepter cette cause. Elle a finalement trouvé un avocat acceptant d’écrire un plaidoyer de «non culpabilité» en faveur de M. He. En raison de cette bonne action, sa licence lui a été retirée. Le deuxième avocat qui a voulu assurer sa défense a dû aussi faire face à de l’intimidation de la part des autorités; sa famille fut mise sous étroite surveillance et sa voiture a été saccagée. Durant un procès fantoche, la défense de M. He a été interrompue et retirée des rapports de la cour. Quand son avocat s’est scandalisé de l'interception des lettres (la Constitution de la Chine déclare qu'aucun organisme ou individu ne peut, pour toute raison, violer la liberté et l'intimité de la correspondance des citoyens), l'avocat a été également interrompu par le juge. On lui a rappelé que les actions des fonctionnaires de bureau de sécurité étaient considérées comme des secrets d'État confidentiels. Ces secrets d’État ne pouvant être remis en cause devant le tribunal. «Le procès, devenu une simple formalité, s’est terminé en toute hâte, car ma peine avait déjà été décidée par de plus Hautes Autorités», nous rappelle M. He. Il a ainsi été détenu trois ans et demi dans un centre où il a subi des tortures de manière régulière, et contracta la tuberculose. Après sa libération, il a émigré à Toronto. Selon Me Clive Ansley, un avocat de Victoria faisant partie d’une minorité d'étrangers ayant exercé sa profession d’avocat en Chine, le fait que des peines soient décidées par des juges partiaux ou des fonctionnaires hauts placés du parti avant même que la cause ne soit entendue est chose commune, non seulement pour les cas du Falun Gong, mais aussi pour d'autres dissidents politiques ou religieux. Depuis 1984, date à laquelle il a ouvert son premier cabinet juridique étranger à Shanghai, et au cours de ses quatorze années de pratique juridique en Chine, Me Ansley s’est chargé de plus de trois cents causes dans les cours chinoises. «Les procès dans les cours chinoises paraissaient véridiques», affirme Me Ansley. Ils étaient constitués de trois juges, un avocat pour chaque partie et un contre-interrogatoire pour la défense. Toutefois, le verdict n'était jamais décidé par les juges. Au lieu de cela, les décisions en coulisses étaient prises par un panel de membres du Parti communiste qui ne savaient pratiquement rien au sujet des causes. Ces comités de parti décidaient d’au moins vingt-cinq causes par jour, sans même mettre les pieds à la cour. «C'était de la pure fraude conçue pour duper», déclare Me Ansley, décrivant le système légal de la Chine comme un «théâtre fantastique.» «En outre, j’ai également une préoccupation profonde pour les centaines d'avocats de la défense qui doivent faire face à l'intimidation et à l'emprisonnement pour avoir défendu des clients peu populaires à l’égard du gouvernement. Utiliser la torture afin de soutirer des confessions est une chose répandue. La Chine continue également à détenir le record du monde pour les dossiers de peine de mort», soutient Me Ansley. Vers un avenir meilleu Depuis que son histoire a fait la une des journaux ce mois-ci, Me Gao a reçu une pléthore de lettres d’appui et d'appels téléphoniques de la Chine, ainsi que de fonctionnaires élus du Canada et des États-unis. «J’exige que vous cessiez d’attaquer l’avocat aux droits de l'homme, Me Gao Zhisheng», a déclaré M. Rob Anders, MP conservateur de Calgary dans une lettre au gouvernement chinois la semaine dernière. «M. He est un héros patriote pour son people, combattant la corruption et l’avarice, en plus d’aider les pauvres et les démunis. Le persécuter est semblable à combattre la Chine même.» Une personne, ayant lu la lettre de Me Gao adressée aux présidents chinois, lui a offert son aide en lui disant ; «nous lisons vos articles. Dans le passé, nous avions perdu tout espoir en la Chine, mais après avoir lu votre lettre ouverte, nous sentons de l’espoir à nouveau!» Me Gao a déclaré au sujet de l'incident : «pendant que nous parlions, nous pleurions et j'ai pleuré. Pourquoi deux personnes qui ne se connaissent même pas pleurent-elles ensemble? Je pense que c’est parce que nous croyons mutuellement que la force de la justice peut être une inspiration des plus profondes que la justice va prévaloir et demeurera toujours une vérité éternelle». Masha Loftus a collaboré à cet article. |