Il y a six ans à Zhongnanhai
Le 25 avril 1999, le monde apprenait l’existence d’un immense phénomène
populaire en Chine : le falun gong, une pratique bouddhique ancestrale
qui était devenue en quelques années, d’après les observateurs
internationaux, « la plus grande organisation populaire en Chine, plus grande que le Parti communiste lui-même. »
A
cette date, entre 10 et 15 000 pratiquants de cette méthode créaient un
choc sans précédent au sein du pouvoir chinois. Sans qu’apparemment les
autorités aient été capables de prévoir quoi que ce soit, ils se sont
rassemblés silencieusement et pacifiquement à Pékin, devant le quartier
général du gouvernement : le Zhongnanhai. Ils n’avaient ni banderoles
ni slogans protestataires, et ont demandé au gouvernement chinois de
leur laisser le droit de pratiquer librement leurs exercices
énergétiques. En effet, celui-ci cherchait insidieusement, depuis
plusieurs années, à endiguer la popularité de leur pratique – en usant
même parfois de la violence. Les manifestants voulaient rassurer le
gouvernement sur le fait que leur gigantesque nombre (plus de 80
millions d’après des enquêtes du ministère chinois de la sécurité
publique) ne faisait pas d’eux une menace : ils n’avaient pas
d’objectifs politiques mais simplement le souhait de développer leur
sagesse et d’améliorer leur santé par la pratique du falun gong.
La
manifestation avait surpris, non seulement par son ampleur, mais
surtout par le calme et la discipline de ces gens qui semblaient sortis
de nulle part. Concentrés sur les trottoirs pour ne pas déranger la
circulation, les membres de l’immense cordon humain lisaient,
méditaient, et attendaient qu’un responsable du gouvernement vienne
recueillir leurs doléances. Zhu Rongji, Premier ministre à l’époque,
reçut en personne une délégation.
Deux jours après cette
manifestation, un porte-parole du gouvernement a annoncé que la
pratique du falun gong était légale et autorisée, et que la
manifestation n’ayant violé aucune loi ne ferait pas l’objet d’une
sanction – car en Chine, les manifestations sont très rarement
autorisées. Cette position initiale, que beaucoup avaient vu comme un
encourageant signe d’ouverture, donna en fait le temps aux autorités du
régime communiste d’organiser la plus grande répression des 50
dernières années. Fin juillet 1999, le falun gong a été officiellement
interdit sous prétexte de « perturber l’ordre social ». Depuis,
une répression extrêmement sévère s’est abattue sur les pratiquants et
les sympathisants du falun gong. Plusieurs milliers de personnes ont
été torturées à mort par les agents du régime chinois (dont 1500 à ce
jour ont été identifiées), mais ce sont également des dizaines de
milliers de familles qui ont été brisées.