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Yahoo collabore à l’arrestation d’un journaliste

Écrit par Sherry Yin et Matthew Hildebrand, La Grande Époque
26.09.2005
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Le géant Yahoo continue d’être fortement critiqué pour avoir fourni aux

autorités chinoises de l'information qu’elles ont utilisée pour

condamner un journaliste à dix ans de prison. Yahoo fait maintenant

face à des allégations selon lesquelles sa justification pour avoir agi

ainsi pourrait être légalement nulle.

Le co-fondateur de Yahoo,

Jerry Yang, a dit lors d'une conférence en ligne : «Je n'aime pas le

résultat de ce qui se passe à ce sujet, mais nous devons suivre la

loi», a rapporté le Washington Post le 11 septembre. La

succursale de Hong-Kong a transmis à la police chinoise des détails

concernant un courriel que le journaliste Shi Tao a envoyé. Ce courriel

a servi de pièce à conviction pour l'accuser d'avoir «divulgué des

secrets d'État à l’étranger».

Me Guo Guoting, qui défendait M.

Shi dans le procès en début 2005, remet en question l'explication de

Yang. Me Guo est un avocat parmi une poignée d'avocats en droits

humains en Chine.

«Yahoo [Hong-Kong] n'a aucune obligation d'obéir à la loi de la Chine», dit-il.

Shi Tao était le rédacteur en chef du Contemporary Business Newspaper.

Le 20 avril 2004, il avait utilisé le service courriel de Yahoo pour

envoyer le procès-verbal d’une conférence à un site Internet

pro-démocratique d’outre-mer. Le courriel détaillait les restrictions

imposées sur les médias avant le 15e anniversaire du Massacre de la

Place Tian An Men le 4 juin 1989, selon le Writers in Prison Committee

(Le Comité des Écrivains en Prison) du PEN International. Yahoo

Hong-Kong a fourni l'adresse IP qui était à l'origine du courriel et

que la police chinoise a retracé jusqu'à l'ordinateur de M. Shi.

Plusieurs

groupes de défense des droits ont critiqué la façon dont Yahoo a traité

le cas de M. Shi. «Nous savions déjà que Yahoo collaborait avec

enthousiasme avec le régime chinois en termes de censure et maintenant

nous savons qu'il est aussi un informateur de la police chinoise», a

indiqué Reporters sans frontières.

Me Guo s'était préparé à

défendre Shi Tao dans cette affaire, plaidant non coupable. Une semaine

avant la date de l’audience, les autorités chinoises ont fermé son

entreprise, lui ont retiré sa licence pour pratiquer le droit et l'ont

assigné à domicile pour avoir apparemment publié des essais sur des

sites Internet d’outre-mer. M. Shi a été condamné en avril. Au mois de

mai, avec une certaine influence du gouvernement canadien, Me Guo a pu

visiter le Canada où il est demeuré depuis.

«Le courriel de Shi

Tao n'était pas un secret d'État, selon la définition légale des

secrets d'États en Chine», dit Me Guo. «Le contenu n'avait aucun

rapport avec la sécurité d’État et les intérêts de l'État. En fait, les

agents spéciaux chinois étaient déjà au courant du courriel de M. Shi

depuis le moment précis où il l'avait envoyé. Cependant, ils n'ont pris

aucune action immédiate. Six mois plus tard, ils ont arrêté M. Shi.

D'un côté, cela indique qu'ils suivaient de près M. Shi, et d'un autre

côté, cela signifie que les soi-disant «secrets d'État» dans le

courriel ne sont pas vraiment des secrets d'État.

La juridiction en question

Me

Guo a pratiqué le droit pendant vingt ans en Chine. «En envoyant ce

courriel, M. Shi exerçait sa liberté d’expression et les journalistes

sont payés justement pour ça», dit-il. «Ce n'est pas un comportement

criminel. Yahoo n’est absolument pas obligée de collaborer avec les

autorités chinoises». Il dit que la loi internationale pourrait faire

préséance dans ce cas de toute manière.

«De plus,

l'enregistrement légal de Yahoo Hong-Kong n'est pas en Chine

continentale; il n'a aucune obligation de suivre la loi de la Chine

continentale». Hong-Kong est retourné à la Chine en 1997, mais a

conservé un statut administratif spécial et son propre système légal.

De

quelle loi alors, Jerry Yang faisait-il référence lorsqu’il a dit que

Yahoo devait «suivre la loi»? Une demande auprès du service des

relations publiques de Yahoo s'est avérée infructueuse.

Me Guo

élabore que M. Yang faisait référence à des circonstances comme

lorsqu’un tribunal lance un ordre et que les parties qui y sont liées

sont en obligation de coopérer. «Cependant, M. Shi n'est pas un

criminel et le tribunal ne l'avait même pas jugé. Dans des cas comme

celui-ci, les compagnies ou les individus n'ont aucune obligation de

coopérer», explique-t-il.

Les entreprises occidentales se soumettent

Depuis

quelques années, les entreprises occidentales de haute technologie,

pressées de profiter du marché chinois, se bousculent pour faire des

affaires avec la Chine. Plusieurs, comme Yahoo, se sont attirées de

nombreuses critiques à cause de leur volonté de participer aux efforts

du Parti communiste chinois pour bloquer la circulation de

l'information.

Ethan Gutmann, l'auteur de Losing the New China,

décrit la véritable parade de compagnies qui fournissent de

l'équipement de surveillance et qui aident à la construction du «Great

Firewall of China» (Grand pare-feu de la Chine), telles que Sun

Microsystems, Nokia, Motorola et Cisco.

«J'ai parlé à un

représentant de Cisco et il m'a dit : "Quels que soient les règlements

du gouvernement chinois, ça nous est égal; ce n'est pas de nos

affaires". Cependant, ça regarde Cisco, parce que les trois quarts des

routeurs de la Chine, même aujourd'hui, sont faits par Cisco», a dit M.

Gutmann lors d'un forum de La Grande Époque.

«Nortel

était un grand joueur dans tout cela», dit-il. «Ils étaient

incroyablement actifs dans leurs tentatives de vendre les capacités de

surveillance absolue». Il ajoute : «Un ingénieur haut placé de Nortel

m'a assuré qu'ils avaient développé "un système à efficacité garantie

pour attraper [les internautes]" et qu'ils disaient l’avoir conçu

spécifiquement pour "attraper le Falun Gong".»

Microsoft s'est

attirée des critiques sévères en juin dernier pour avoir censuré des

mots comme «liberté» et «droits de l'homme» dans son service de blogging.

Pour les usagers chinois, le service de nouvelles Google omet de ses

résultats de recherches tous les articles des sources de nouvelles que

les censeurs chinois ont bloqués, dont La Grande Époque.

Plus

de 130 portails majeurs, dont Yahoo, ont «signé une contribution

volontaire de ne pas afficher de l'information qui nuirait à la

sécurité de l'État et qui perturberait la stabilité sociale en Chine»,

selon un rapport de la BBC de septembre 2002.

Un futur incertain

En

Chine, c'est un fait bien connu que les services domestiques de

courriels ne sont pas sécuritaires, alors les dissidents et les

activistes en droits humains font commun usage des services étrangers

pour des communications importantes. Pour certains, comme Shi Tao, leur

confiance a été placée dans de mauvaises mains.

Shi est membre du

Independent Chinese PEN Association, dont l'organisme parent de Londres

– le PEN International – a entamé pour lui une série d'appels pour sa

libération. Zhang Yu, un porte-parole pour le groupe, a dit qu’«après

que Shi Tao eut été mis en prison, il a été assigné aux travaux forcés.

Il a perdu plus de 20 livres. La famille de M. Shi est aussi sous

pression à cause de leurs efforts d’en appeler pour lui».

M. Zhang dit que le PEN International projette bientôt une rencontre avec les cadres de Yahoo.

 

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.