L’art de vivre et l’art d’acheter

Écrit par Catherine Keller, La Grande Époque
29.01.2006

 

 

 

 

 

 

Beaucoup de gens se préoccupent de notre société et craignent pour

l’avenir. Alexandre Dumas a écrit « l’argent est la seule puissance

qu’on ne discute jamais ». Cet adage n’a pas pris une ride et se

conjugue parfaitement au présent. Avant la chute du mur de Berlin, le

communisme faisait encore rêver et sa force avait un poids dans

l’économie de nos démocraties. En vingt ans, les valeurs morales se

sont totalement modifiées. Les révélations de toutes sortes ont fait

tomber le voile de nos illusions et nous nous retrouvons méfiants, ne

sachant plus en qui croire ni à quoi nous rattacher. Nous nous sommes

repliés sur nous-mêmes, cherchant à nous en sortir du mieux possible.

  • Consommateurs au supermarché(STF: DANIEL MIHAILESCU / ImageForum)

 

Pourtant, nos coeurs ne sauraient se satisfaire de cette situation,

la preuve en est de la formidable générosité suscitée par le tsunami.

L’homme ne peut pas vivre sans amour, sans solidarité ni partage. Ce

besoin essentiel nous porte à chercher des solutions pour améliorer

notre environnement. Nos sociétés ont basé leur progrès sur cette

économie de marché qui libère les instincts cupides au-delà de toute

raison. Pourtant, petit à petit, cette situation nous est défavorable

et si nous continuons sur ce chemin, les pays riches ne seront bientôt

plus que des miroirs aux alouettes.

La politique de gauche nous

a montré son inefficacité, probablement parce qu’elle est basée sur une

utopie et ne tient pas compte du caractère ambigu de l’être humain, qui

même lorsqu’il est rempli de bons sentiments, agira égoïstement dès que

sa conscience se sera un temps soit peu relâchée. La droite n’ayant

plus d’adversaire s’est engagée dans le libéralisme sans aucune

retenue. L’air du temps est au changement innovant. Mais que faire ?

Imposer ?

L’histoire nous apprend que toute dictature est à

long terme vouée à l’échec. La violence détruit et laisse un vide

qu’elle ne peut pas combler. Alors, peut-être que si l’on donnait à

l’être humain la possibilité de choisir son avenir, il saurait faire le

bon choix. En prenant conscience des conséquences de nos actions sur

l’environnement, nous pourrons ressentir la part de responsabilité qui

nous incombe, et le changement alors se fera tout naturellement dans la

société parce que chacun aura à coeur le bien-être de l’autre et saura

comment bien se comporter en toute circonstance. Ce sera une révolution

douce, un réveil des consciences. Pas de sang mais de la bienveillance

envers son prochain.

Les révolutions violentes naissent souvent

de l’incapacité des hommes à comprendre les raisons de leur propre

malheur. Ceci les pousse à rejeter la responsabilité sur d’autres.

Alors guidés par le sentiment d’injustice, ils cherchent à se venger

plutôt qu’à rectifier la compréhension ou le comportement qui les ont

conduits à cette impasse. Seul un espoir en une cause noble sur la base

d’un intérêt cosmique peut éviter l’égoïsme qui sépare les hommes et

les pousse à s’affronter.

Ne laissons pas l’argent diriger

notre société, mais sachons l’utiliser à bon escient. Demandons des

comptes à nos fournisseurs en développant un label qualité basé sur une

éthique respectueuse des employés (respect des normes de sécurité, des

contrats collectifs, bénéfices raisonnables) et envers la nature

(écologie) avec des normes chiffrées. Nous avons des associations de

consommateurs qui peuvent aider à développer ce concept, encore faut-il

qu’elles soient sollicitées…

N’oublions pas que pour acheter à petits prix, il faut produire à petit prix, qui est prêt à le faire ?