Voyage en Transsibérien
Il est 23 h 55, nous quittons Moscou à bord du Transsibérien, train mythique couvrant trois territoires : la Russie, la Mongolie, la Chine, et traversant sept fuseaux horaires. Notre train, le numéro 20, a parcouru presque 9000 km en 144 heures et 27 minutes avant de rejoindre Beijing. Au 6666e km, à la frontière sino-russe, il est devenu le Transmandchourien. Nous oublions alors les jours qui passent, le confort simple des couchettes, la salle de bain plutôt rudimentaire. Nous vivons à l'heure de Moscou, au rythme lent des paysages parfois monotones. Dans ce train qui roule à une vitesse moyenne de 60 km/h, nous nous laissons porter vers Beijing, faisant halte dans les gares pour nous dégourdir les jambes et nous réapprovisionner en eau, pain, pommes de terre bouillies, pelmeni (sorte de raviolis), poulet grillé, fruits et légumes. Et si quelques Chinois, aux airs affolés, ne nous avaient pas donné l'alerte de remonter, bien souvent, nous serions restées sur le quai. Nous sautions alors dans le train en marche quittant les gares de passage, et avec elles, les babouchka cuisinières. Mais le voyage ne serait rien sans la rencontre avec les autres passagers, les touristes et les résidants, et sans l'aide précieuse des provodnitsa (hôtesses de train). |
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Moment également fort, le passage des frontières. Impressionnées par tant de surveillance, nous avons attendu six heures en gare avant de quitter le territoire russe et presque autant pour entrer en Chine. Contrôle des passeports, inspection des cabines, fouille du train. Système répressif marqué par des années de communisme. Malgré cela, règne à bord une certaine insécurité. La mésaventure de notre première nuit en est un bon exemple. À 4 h 30, malgré que nous ayons pris soin de barrer notre cabine, nous nous sommes réveillées en sursaut, la porte à demi-ouverte, nos affaires au pied de la couchette. Heureusement, l'intrus n'a rien eu le temps de voler. Le lendemain, nos voisins nous racontèrent la même histoire. Les nuits suivantes, nous avons renforcé la sécurité avec ficelle à la poignée et loquet à la porte. Il faut bien que le voyage nous apprenne la débrouillardise! Parcours ferroviaire hors du commun, il nous aura offert des vues inoubliables sur le lac Baïkal, les forêts de taïga aux couleurs automnales, les montagnes de l'Altaï. Avec lui, nous aurons découvert la Russie et côtoyé ses habitants. On dit des Russes qu'ils portent en eux la mélancolie, c'est en tout cas ce que nous ressentons en quittant le pays. Cette aventure nous aura redonné le goût du voyage simple et authentique. Nous rentrons en Chine par la porte de la Mandchourie avec une question qui nous brûle les lèvres : «qu'en est-il d'être jumeaux ou jumelles dans le pays de l'enfant unique?» Nous le saurons en rencontrant les soeurs Zhang dans quelques jours.
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