L'Afghanistan, un combat sur plusieurs fronts pour le Canada
Après 43 morts et 2,1 milliards de dollars
dépensés, on se demande si les efforts du Canada contre l’insurrection des
Talibans en Afghanistan portent fruit.
Les récents sondages démontrent que la
majorité des Canadiens n’est pas optimiste quant à l’avenir de la mission et
souhaite le retour des troupes. Le ministre de
Défense, Gordon O’connor, y va pour sa part
de déclarations d’encouragement.
«C’est un moment critique dans le sud… Je
crois que nous allons réussir», a-t-il commenté la semaine dernière
«Nous avons déjà cassé le dos de
l’insurrection dans la région de Kandahar, dans le sens qu’ils [les Talibans]
ne sont pas enclins à nous attaquer directement. Ils devront s’en remettre aux
attentats-suicides et aux dispositifs explosifs de circonstance», a-t-il
ajouté.
L’hostilité des Canadiens à la mission en
Afghanistan n’a fait qu’augmenter au cours de la dernière année, tandis que la
plupart du contingent des 2300 soldats avaient pour mission d’assurer la
stabilité dans le sud, autour de Kandahar. Depuis le début de la participation
du Canada, 43 soldats et un diplomate sont morts et la plupart des pertes se
sont produites en 2006
Une étude du Centre canadien de politiques
alternatives, publiée en septembre dernier, a révélé que les militaires
canadiens avaient trois fois plus de risque de mourir au combat en Afghanistan
que les militaires britanniques et 4,5 fois plus que les militaires américains.
Le Canada a joué un rôle important dans les
opérations anti-insurrectionnelles de l’OTAN l’été dernier, où des centaines de
militants ont été tués. Depuis, les combats se sont estompés et certains
pensent que la guerre serait arrivée à un tournant
La reconstruction
Le général britannique qui dirige les
31 000 troupes de l’OTAN en Afghanistan, le lieutenant-général David
Richards, a annoncé récemment qu’il planifiait focaliser davantage sur la
protection et la sécurité, pour que le travail de reconstruction et les
programmes qui profitent aux Afghans puissent être concrétisés plus rapidement
À cet effet, environ 150 militaires du
Royal 22e Régiment de la région de Québec seront déployés et affectés à la
sécurisation des projets de développement. Nouvelles écoles, puits et routes,
de même que vivres et équipement médical sont désespérément nécessaires. À
l’automne 2007, 2000 autres militaires du Royal 22e devraient partir
pour l’Afghanistan.
L’insurrection, qui s’est intensifiée au
cours de l’été, devrait s’apaiser cet hiver. Ceci devrait accorder un repos
bien nécessaire aux troupes dans le sud de l’Afghanistan. Entre-temps, le
lieutenant-général David Richards a demandé 2500 soldats de plus, et des
rapports indiquent que Washington fait pression sur l’Allemagne, l’Espagne,
France et l’Italie pour qu’ils déplacent
leurs troupes dans la région de Kandahar
Durant la présente étape de sa mission pour
soutenir le gouvernement afghan et faciliter la construction de l’Afghanistan
après des décennies de guerre, l’OTAN a déployé cette année des milliers
d’autres troupes. Alors que 37 pays sont impliqués dans
Force internationale d’assistance à la sécurité sous le commandement de
l’OTAN,
le Canada et les Pays-Bas contribuent le plus d’effectifs, malgré les appuis
nationaux respectifs mitigés.
De plus en plus, à l’étranger et au Canada,
on demande à ce que l’OTAN se concentre davantage sur le côté humanitaire de la
mission en Afghanistan et moins sur le combat contre les Talibans. Il y a deux
semaines, l’OTAN a pressé l’Union européenne de faire plus pour aider à la reconstruction
civile de l’Afghanistan, citant un besoin urgent de former des juges et des
policiers et de construire une capacité administrative. Ottawa a annoncé,
dernièrement, un fonds de 5 millions de dollars en aide humanitaire d’urgence,
devant être distribué par le Programme alimentaire mondial
James Ingalls, le codirecteur de
l’organisation Afghan Women’s Mission basée aux États-Unis, se dit préoccupé
que la combinaison du militaire et du travail humanitaire ne mette en danger
l’aide humanitaire civile et ses représentants, les rendant des cibles des
insurgés. Il croit qu’il serait plus économique pour les membres de l’OTAN et
mieux pour les Afghans que les nombreuses agences humanitaires en Afghanistan
distribuent l’aide en étant protégées par des soldats en patrouille.
Au moins quatorze Afghans travaillant avec
des ONG ont été tués cette année. Certains groupes, comme Oxfam, n’emploient
que des Afghans qui sont vêtus comme les habitants locaux afin de ne pas
attirer l’attention
L’implication militaire du Canada en
Afghanistan augmente continuellement depuis les attaques du World Trade Center
en 2001, avec 2300 soldats présents et un engagement jusqu’en 2009. Le Canada a
aussi fait la promesse, en 2002, d’aider à reconstruire l’Afghanistan. Bien qu’un
milliard de dollars sur dix ans ait été promis pour l’aide humanitaire, les ONG
critiquent le fait que 6 milliards de dollars seront dépensés sur l’aspect
militaire de la mission dans la même période.
Les défi
Dans un effort international pour former
une force policière adéquate, le Canada dépense 500 000 $ pour de
l’équipement de base comme des vestes protectrices, des bottes et des lampes de
poche pour environ 2000 policiers de
nationale afghane (PNA).
décrite comme «corrompue et vide» par un récent rapport du Congrès américain,
est en grande partie composée de seigneurs de la guerre qui se sont enrôlés
après la chute des Talibans.
Peter MacKay, le ministre des Affaires
étrangères, a dit que l’absence d’une force policière stable et compétente
contribue à l’insurrection en Afghanistan. Une équipe de policiers municipaux
et de
que des policiers allemands, supervisent et entraînent leurs homologues à
Kandahar. Leurs efforts sont entravés par un manque aigu d’équipement de
police.
En plus d’entraîner la police et l’armée
nationale afghane, d’autres missions canadiennes ont pour but d’aider le
gouvernement à ramasser et à mettre hors d’usage les lance-roquettes,
l’artillerie et les tanks laissés par trois décennies de guerre, et de fournir
du microcrédit à 140 000 personnes, dont 89 % sont des femmes. Les
Canadiens aident aussi à enlever le tiers environ des 10 millions de mines à
travers l’Afghanistan.
Le colonel Mike Capstick, qui est revenu au
Canada récemment après avoir passé un an à travailler avec le gouvernement
afghan, raconte qu’il est ému de voir que des milliers d’Afghans, qui s’étaient
faits une nouvelle vie à l’étranger, ont abandonné le confort et sont revenus
en Afghanistan pour aider à la reconstruction et pour «prendre le contrôle de
l’avenir de leur pays»
Le colonel Capstick estime que lorsque les
gens focalisent seulement sur le nombre de pertes plutôt que de regarder «toute
l’étendue de la contribution canadienne», ils sont enclins à mal comprendre la
situation en Afghanistan. Il dit que 70 % à 75 % du pays a une «stabilité
relative» et il croit qu’avec du temps, beaucoup de temps, il est totalement
possible que l’effort de l’OTAN réussisse.
«Je n’ai aucun doute que l’OTAN… peut
gagner, mais nous devons être très prudents et réfléchir à nos attentes. Les
Occidentaux, et les Nord-Américains en particulier, sont des gens très
impatients, nous voulons des solutions immédiates aux problèmes. Mais il y a un
long chemin à faire.»