Troubles alimentaires : une question de confiance en soi qui touche aussi les hommes
La semaine du 5 au 11 février 2006 était la semaine nationale des troubles alimentaires au Canada. Au Québec, c’est l’ANEB (Association québécoise d'aide aux personnes souffrant d'anorexie nerveuse et de boulimie) qui est le fer de lance de la sensibilisation, de la prévention et du traitement de ces maladies mentales. Rappelons rapidement de quoi il s’agit, à commencer par le trouble le plus connu, le plus flagrant et le plus immédiatement dangereux pour la vie du patient, à savoir l’anorexie. L’anorexie nerveuse se caractérise par une brusque perte de poids résultant de régimes drastiques, de jeûnes, de vomissements provoqués, d'utilisation de laxatifs et/ou d'exercice physique pratiqué de façon excessive. L'anorexie est également associée à une peur intense de prendre du poids, une distorsion de l'image corporelle et à des irrégularités menstruelles ou à une aménorrhée. |
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La boulimie se caractérise par des épisodes d'orgies alimentaires suivies de comportements compensatoires. Les orgies se font généralement en secret et sont accompagnées d'un sentiment de perte de contrôle. Elles sont suivies de comportements compensatoires, tels les vomissements provoqués, l'abus de diurétiques et de laxatifs, l'exercice physique compulsif et/ou le jeûne; ces comportements constituent une tentative d'éliminer la nourriture ingérée. Bien que la majorité des personnes boulimiques ait un poids qui se rapproche de leur poids normal, les préoccupations excessives par rapport au corps, la peur de prendre du poids et une insatisfaction au niveau de l'image corporelle sont très présentes. La boulimie apparaît fréquemment après l’anorexie, en réaction aux privations subies par l’organisme. L’hyperphagie boulimique n’est pas encore officiellement reconnue par le système officiel de classification des maladies. Comme la boulimie, elle se manifeste par des crises de prises alimentaires excessives, mais n’est pas suivie par des périodes de compensation (vomissements, exercices, laxatifs). Obsession de la nourriture et des régimes ainsi que dépression sont associés à cette pathologie. C’est le trouble alimentaire qui commence le plus tard (vers l’âge de 23 ans en moyenne) et qui touche le plus les hommes (deux hommes pour trois femmes environ). Un autre volet moins reconnu, mais dont nous avons tous des exemples autour de nous – et je suis heureuse qu’on commence à le reconnaître comme une pathologie – est le «complexe d’Adonis» ou «dysmorphie musculaire» qui peut par analogie être nommé le pendant masculin de l’anorexie. Le sujet ne cherche pas à maigrir, mais au contraire à devenir le plus musculeux possible. Dans ce cas, comme dans celui de l’anorexie, la recherche du corps parfait nous amène à devenir des «caricatures» d’homme ou de femme. Dans notre société de consommation, société d’abondance où l’on peut trouver à manger partout et à toute heure, il est plus facile que jamais de prendre du poids. En outre, c’est la société où l’on a le moins besoin de faire de l’exercice : déplacements en voiture, travail au bureau, etc. Nous cherchons alors à compenser : nos sociétés occidentales ont une concentration record d’établissements de sports en salle. C’est la société tout entière qui a un comportement «anorexico-boulimique» et de surconsommation alimentaire/compensation par le sport. Or, alors qu’en des temps plus anciens de disette ou dans certaines régions d’Afrique où la faim sévit on admirait et on admire les femmes aux courbes pleines, les canons de la beauté officiels sont aujourd’hui la minceur, voire la maigreur pour les filles, et les muscles secs pour les garçons. Je précise bien «officiels», car l’idéal féminin de tous les hommes est loin d’être le corps filiforme des mannequins et Arnold Schwarzenneger est loin d’être ce que veulent toutes les femmes. Comme le dit le proverbe : «Tous les goûts sont dans la nature.» Causes de tout ceci? On peut accuser les films, la télévision, la publicité et les vidéoclips qui dictent le corps que chacun doit rêver d’avoir. Je pense que ce n’est là qu’une partie du problème. Le reste se situe en amont : pourquoi y croyons-nous? Pourquoi vouloir tous être faits de la même façon? En effet, cette dictature du corps parfait a pris une telle importance qu’elle s’est implantée au sein même des familles, au-delà de la télévision. Les mères (ou la personne qui s’occupe de l’alimentation à la maison), elles-mêmes soumises à cette pression, la font subir plus ou moins volontairement, bien entendu, à leurs enfants. Cependant, même avec une mère fanatique de régimes, tous les enfants et adolescents ne vont pas tomber dans un trouble alimentaire. Un trouble alimentaire – tel que nous l’entendons ici – n’est pas un problème d’alimentation, mais d’image de soi, rappelle l’ANEB. Il touche souvent ceux et celles qui cherchent à se faire aimer, à se faire accepter, et ce, d’abord et avant tout d’eux-mêmes. De nombreux témoignages nous expliquent qu’on se dit au début qu’avec trois kilos en moins ou dix kilos de muscle en plus, on sera beau. Mais comme le problème n’est pas ce qu’on voit (notre physique), mais qui nous voit (nous-même), on continue de ne pas se trouver à la hauteur peu importe la quantité de poids perdu ou de muscle gagné, et on tombe dans un cercle vicieux où la santé est mise en danger. Les troubles de l’alimentation sont une illusion que l’on se crée pour reprendre le contrôle de sa vie, pour avoir l’impression d’avoir prise sur quelque chose. Cependant, on oublie le rôle joué par la personnalité (et c’est un aspect qui n’est certes pas mis en valeur par les médias de masse), ce qui rend une personne vraiment attirante n’est pas seulement son tour de poitrine ou de biceps. Le rayonnement, le bonheur, la joie de vivre et l’intelligence, dont sont rarement dépourvus ceux qui souffrent de troubles alimentaires, comptent beaucoup. C’est donc une thérapie visant à reconstruire l’image de soi, pas seulement l’image du corps, qui permettra à ceux qui souffrent de s’en sortir. Cette thérapie permettra souvent de faire le point sur l’histoire familiale souvent liée au problème et de mieux comprendre les causes, ou plutôt les ressorts, de la maladie. Conseils pratiques Avant de terminer par quelques ressources et points de repère, voici quelques conseils extraits du site de l’ANEB sur la conduite à adopter face à un proche qui souffre ou pourrait souffrir d’un trouble de l’alimentation : 1. Renseignez-vous le plus possible sur les troubles de l'alimentation, mais ne vous laissez pas envahir par le problème de quelqu'un d'autre. Ce n'est pas à vous de leur «montrer la lumière». 2. Sachez bien que les troubles de l'alimentation n'ont rien à voir avec la nourriture. Les commentaires à cet égard sont non seulement inutiles, mais ils aggravent le problème en encourageant la personne à mettre l'accent sur la question de l'alimentation. 3. Nul ne peut sortir gagnant d'une lutte de pouvoir à propos de la nourriture. Toute tentative visant à réglementer l'alimentation de la personne atteinte risque fort de renforcer son comportement. 4. Évitez les conversations relatives aux commentaires sur l'apparence. À des questions du genre «Trouves-tu que j'ai l'air grosse?», il convient de répondre : «Je n'ai jamais remarqué; je t'aime comme tu es.» 5. Quand vous voulez faire part de vos préoccupations, dites : «Je me suis inquiété en rentrant quand je t'ai vu étendue par terre», au lieu de : «Je pense que tu as un trouble alimentaire et que tu dois chercher de l'aide.» 6. Si vous avez des raisons de croire que sa santé est sérieusement menacée, allez chercher de l'aide. Même si l'être cher vous accuse d'avoir trahi son secret, les règles de la confidentialité n'existent plus lorsqu'il y a danger physique. 7. Renseignez-vous sur les ressources existantes dans votre région comme les groupes d'entraide, les thérapies et les soins médicaux. Laissez la documentation à la vue. Et allez chercher de l'aide pour vous-même. 8. Voir un être cher aux prises avec un trouble de l'alimentation peut susciter en vous colère, impuissance, culpabilité et frustration. Il importe pour vous d'évacuer ces réactions normales en vous rappelant qu'il est inutile de blâmer la personne pour ce qui arrive. 9. Ne jouez pas au thérapeute : ce serait un échec. Une personne qui «surfonctionne» ne fait qu'amener l'autre à «sous-fonctionner». 10. Plus important encore, interrogez-vous sur votre attitude face à des questions de poids et d'apparence. Êtes-vous au régime? Lorsque vous rencontrez quelqu'un pour la première fois, est-ce sa silhouette qui vous frappe? Il serait bon de faire part de vos propres craintes face à la dictature de la minceur. Sources et références : Site Web de l’ANEB; : un site sur tous les troubles alimentaires et certaines autres addictions (comme la pathologie du jeu compulsif); : un site qui donne non seulement des explications sur le comportement, mais aussi des explications scientifiques et physiologiques, sans oublier des conseils concrets pour s’en sortir; La boulimie, s’en sortir repas après repas, par U. SCHMIDT et J. TREASURE aux Estem; Guérir de l’anorexie et la boulimie, par C.-P. PEGGY, chez Plon; Obésité, anorexie nerveuse et féminité refoulée, par MARION WOODMAN aux Éditions de la pleine lune. Aparté – Confiance en soi, la clé de voûte? Je vais donc sortir du cadre médical ou des troubles de l’alimentation proprement dits pour poser la question de la confiance en soi, cette confiance en soi qui fait (ou a fait) défaut à tant d’entre nous et dont le manque nous pousse à tous les excès, à toutes les hésitations. À nous laisser abuser, à nous laisser tromper. À nous faire préférer qu’on nous dicte notre conduite. À suivre les conseils des magazines, à copier les modèles de la télé. À croire ceux qui nous veulent du mal. À faire des choses pour «être cool» et être aimé. Il me semble que c’est ça, le véritable mal du siècle. Et que ses répercussions vont bien au-delà de notre image corporelle, de notre consommation de drogue ou d’antidépresseurs. Elles affectent également notre vie de tous les jours : ce que nous allons accepter des entreprises, de nos employeurs. Elles concernent nos idées : ce que nous allons croire et accepter, des médias, des sectes ou autres. Et bien sûr si nous acceptons tout, comment pouvons-nous essayer de changer l’ordre établi et d’améliorer le monde qui nous entoure? La confiance en soi me semble être le fondement principal de l’être humain, celle de choisir ses idées et de sortir du rang, d’avancer vraiment. La confiance en soi comme clé de la liberté...
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