Le coût du pétrole provoquera une crise dans l’industrie aérienne
L’industrie aérienne nord-américaine est sur le point de s’effondrer selon certains analystes.
Les
hypothèques et les faillites chez les transporteurs américains, les
prix à la hausse de l’essence et une taxe élevée sur le carburant au
Canada, combinés à une demande des consommateurs pour des billets
d’avion à prix modiques, sont autant de facteurs qui pourraient aboutir
à une crise durant les prochains mois.
«C’est vraiment mauvais
maintenant, c’est insoutenable», a dit Kevin Mitchell, président du
Business Travel Coalition situé en Pennsylvanie. «Ça ne pourrait pas
être pire. Si le pétrole monte de quelques dollars, ce sera encore plus
douloureux, mais ce ne sera pas tellement différent de la douleur que
les transporteurs aériens ressentent actuellement.»
Dans une entrevue avec La Grande Époque,
M. Mitchell a décrit comment les compagnies aériennes aux États-Unis
sont dans une situation financière très précaire en comparaison des
autres compagnies à travers le monde, dont la situation est meilleure.
«Elles
ont hypothéqué tout ce qui ne l’avait pas déjà été. Deux d’entre elles,
Delta et Northwest, sont en cour pour faillite et les autres continuent
de perdre de l’argent.»
Selon M. Mitchell, l’industrie aérienne
américaine a refusé de reconnaître l’évolution du marché il y a cinq
ans. «Ils n’ont pas compris que les consommateurs demandaient des
tarifs aériens abordables au quotidien. Les transporteurs en Europe ont
reconnu cette tendance et ont commencé à agir en 2001 et en 2002 en
devenant compétitifs avec des transporteurs à faibles coûts. Les
transporteurs américains sont restés entêtés pendant tout ce temps,
croyant que les personnes faisant des voyages d’affaires seraient
prêtes à payer 2500 dollars pour des vols d’un océan à l’autre dès que
surgirait un rebondissement de l’économie, mais bien sûr cela ne s’est
jamais produit.»
Les compagnies aériennes canadiennes se portent à peine mieux que leurs voisines du sud.
«Les
transporteurs ont le mérite, peut-être un peu trop tard, d’avoir
effectué un bon travail pour réduire les coûts. Mais ils ne peuvent pas
vendre leur produit au-dessus de son coût de production, et ça, c’est
une question de carburant», a expliqué Fred Gaspar, vice-président des
politiques et stratégies de planification de l’Association des
transports du Canada. «Alors, quand vous additionnez les droits
d’accise, ça ne fait qu’aggraver la situation.»
M. Gaspar a expliqué à La Grande Époque
que ces droits au Canada ont été mis en place au début comme des
surtaxes sur les produits et les services de luxe. Bien que leur
imposition était logique quand le transport aérien était quelque chose
d’exclusif, il croit que ce n’est plus le cas maintenant.
L’année
dernière, le gouvernement fédéral a récolté environ 100 millions de
dollars en droits d’accise sur le carburant. Jusqu’à récemment, les
prix pour les consommateurs n’étaient pas affectés par cela, mais cela
a dû changer. «Les transporteurs ont absorbé beaucoup des coûts et ne
les ont pas transmis aux consommateurs. Tout récemment, Air Canada a
atteint un point critique et a dû augmenter ses frais, réalisant
qu’elle ne pouvait poursuivre plus longtemps ainsi. Maintenant nous
pouvons nous attendre à la hausse continuelle du prix des billets au
fur et à mesure que le prix du pétrole augmentera.»
Chris Tait,
un conseiller en voyage chez Travel Masters Victoria, n’est pas
inquiet. «Je pense que les gens s’habitueront. Ça semble affecter la
vie de tout le monde, incluant l’achat d’essence pour la voiture, donc
je ne crois pas que ce soit lié seulement à l’industrie aérienne.»
Interrogé
si les personnes travaillant dans les agences de voyage sont inquiètes
de perdre leur section «voyages d’affaires», M. Tait a répondu : «Oui,
je crois que les gens sont inquiets.»
Dans l’espoir de trouver de
meilleures aubaines sur les vols, de plus en plus de gens font leur
réservation de billet sur Internet, particulièrement la jeune
génération.
M. Mitchell voit un paradoxe avec les réservations
sur Internet. «Les avions sont pleins, ils n’ont jamais été aussi
pleins, mais le comportement du consommateur a changé si radicalement
que, pour remplir les avions, les transporteurs doivent fixer le prix
très bas.»
«C’est bien du point de vue des consommateurs qui
économisent des millions de dollars. C’est mauvais de notre point de
vue. Quand on reprendra conscience de tout cela, on se rendra compte
qu’on n’a pas une infrastructure aérienne financièrement viable, ce qui
serait extrêmement importante pour nos économies à l’échelle nationale.»
Mais
les tarifs aériens au Canada sont confus et ce n’est pas chaque
consommateur qui épargne de l’argent, spécialement pour Catherine Kelly
qui voyage régulièrement. En septembre dernier, elle a payé plus de 400
dollars pour un vol retour de Vancouver à Kamloops. «J’aurais pu aller
en avion au Royaume-Uni pour le même prix en profitant des aubaines»,
a-t-elle dit.
Ce sont les prix qui motivent le plus les
consommateurs selon M. Gaspar. «De plus en plus, nos clients nous
disent que ce qu’ils veulent est un billet bon marché. Ils veulent un
service sécuritaire, abordable et efficace et ils ne se préoccupent pas
du superflu.»
Toutefois, cette tendance se heurte à des tendances
opposées dans la construction des aéroports. M. Gaspar affirme qu’en
plus du prix du carburant, les frais d’atterrissage dans les aéroports
contribuent aussi à l’augmentation des coûts. «Les infrastructures sont
construites pratiquement comme des hôtels internationaux haut de gamme,
chics, qui servent d’aéroports. Il y a un problème là.»
M.
Mitchell croit que la solution à long terme est de stabiliser le baril
de pétrole à 50 dollars. Ceci est peu probable avec les prix actuels
qui sont sur le point d’atteindre 70 dollars. Il est difficile de dire
comment l’approvisionnement serait affecté s’il survenait une
confrontation entre les États-Unis et l’Iran, en plus des autres
variables imprévisibles au Moyen-Orient.
Matthew Simon a contribué à cet article.