Le chômage des jeunes à Genève

Écrit par Catherine Keller, La Grande Époque
18.05.2006

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Contrairement aux idées reçues, des recherches ont démontré que les

jeunes étaient très motivés. Ils considèrent le travail comme LE moyen

de s’intégrer dans la société, d’obtenir une reconnaissance sociale.

C’est aussi par lui qu’ils pensent pouvoir construire leur identité et

acquérir leur indépendance matérielle. Ce qui a changé, c’est leur

relation avec le travail.

  • Chômage des jeunes à Genève(攝影: / 大紀元)

 

 

La Suisse est peu marquée par le chômage. Avec un taux moyen de 3,6

%, elle est l’un des pays les moins touchés par ce fléau. Mais Genève

sort du lot avec 7,1 % de chômeurs. Cela représente 22 595 demandeurs

d’emploi dont 15 759 ayant droit aux allocations chômage pour une

population globale de 441.989 habitants. (www.geneve.ch/statistique).

Trop

souvent, des idées préconçues pèsent sur le dos des chômeurs,

particulièrement sur les jeunes et les chômeurs de longue durée. D’une

part, il est courant d’entendre dire que les chômeurs ne veulent pas

travailler. C’est encore plus marqué en ce qui concerne les jeunes. Qui

n’a pas entendu dire que les jeunes ne font que ce qui leur plaît, que

tout leur est dû, qu’ils sont « je m’en foutiste » ? Qu’en est-il

vraiment ?

Monsieur Christian Lopez Guirland, directeur de OSEO

Genève (oeuvre suisse d’entraide ouvrière) nous expose ses dernières

recherches : Sur Genève, environ 10 % des demandeurs d’emploi sont des

jeunes de moins de 25 ans. Bien qu’il n’y ait pas de statistique, il

estime que l’on peut ajouter 400 à 500 jeunes non recensés. Environ 40

% de ces jeunes sont sans qualification, soit parce qu’ils n’ont pas

terminé leur formation, soit parce qu’ils n’en ont pas trouvé. Ce

phénomène a certainement toujours existé. Le problème actuel est que

les exigences sont plus élevées, fermant les portes à la majorité des

emplois.

Il y a un autre fait préoccupant, ce qu’il appelle «

la 2e génération précarité », la 1re étant apparue dans les années 90.

Sur 30 jeunes interrogés, la moitié a des parents vivant d’aide

sociale. Il y a donc une reproduction qui pose problème pour l’avenir.

Lors de ses recherches, il a été agréablement surpris de voir que les

jeunes étaient très motivés. Ils considèrent le travail comme LE moyen

de s’intégrer dans la société, d’obtenir une reconnaissance sociale.

C’est aussi par lui qu’ils pensent pouvoir construire leur identité et

acquérir leur indépendance matérielle. Ce qui a changé, c’est leur

relation avec le travail. Face à des emplois à durée déterminée, à la

flexibilité et aux exigences qu’ils doivent assumer, ils deviennent

plus pragmatiques. Ne trouvant souvent pas de reconnaissance pour leur

engagement, ils considèrent le travail comme une fonctionnalité.

Pour

lui, le préjugé négatif des adultes vient de leur méconnaissance de la

réalité actuelle. Une partie de la population vit d’emplois précaires,

particulièrement chez les jeunes. Ils doivent souvent faire leur

expérience à travers ce parcours qu’on peut qualifier d’« éclaté ».

Les

entreprises s’accordent pour dire que les formations en apprentissage

sont plus performantes, que les jeunes sont bien mieux encadrés. Pour

certaines petites entreprises, la surcharge administrative que cela

implique les empêche de prendre des apprentis.

Les conclusions

de son travail sont une série de propositions. Pour le canton :

favoriser la mobilité des jeunes au niveau intercantonal par une aide

financière. Permettre aux jeunes de moins de 26 ans, sans qualification

qui ont à charge une famille, d’accéder à une formation en leur

allouant une bourse. Dès 26 ans, l’assurance chômage prend le relais.

À

partir d’octobre, une organisation de parrainage, Mentora, verra le

jour. Il s’agit de former professionnellement des parrains bénévoles

susceptibles d’encadrer les jeunes adultes dans leur démarche vers un

emploi. Le Mentora est basé sur une expérience québécoise. Monsieur

Lopez Guiland a collaboré avec plusieurs associations à Montréal qui

lui ont permis de mettre au point cette structure.

Vers la fin

de l’année se déroulera également un « semestre de motivation » en

collaboration avec l’office cantonale de l’emploi. Durant une période

de 6 à 12 mois, les jeunes sans emploi pourront participer à des

ateliers pratiques, des groupes de recherche d’emploi et d’autres

activités. Ce coach en construction sera ouvert aux jeunes de 16 à 25

ans.

Monsieur Schwaab du syndicat UNIA secteur jeunesse nous expose son point de vue :

Environ

8 % des jeunes sortant de la scolarité obligatoire ne trouvent pas de

formation professionnelle. La plupart sont dirigés vers des solutions

transitoires telles que les stages ou des écoles post-obligatoires ne

délivrant aucune formation professionnelle. Pire, certains se

retrouvent sans rien. On compterait environ 900 jeunes désoeuvrés sur

Genève. Pour lui, les entreprises pensent à court terme. Elles oublient

que former des jeunes apporte un plus à la société. Si un

investissement de départ est nécessaire, l’apprenti devient rentable

bien avant son diplôme.

D’autre part, Il est important

d’assurer la relève. Former des jeunes, c’est s’assurer d’avoir des

employés qualifiés. Dans les années 80, une entreprise sur trois

formait des apprentis. En 2006, ce n’est plus qu’une entreprise sur

cinq qui assure cette formation si caractéristique à la Suisse. Les

multinationales implantées sur le canton auraient la possibilité de

prendre des apprentis mais elles ne connaissent pas cette filière. Il

est donc important de les informer. Les jeunes veulent travailler,

ouvrons-leur les portes.

Quand Monsieur Schwaab entend les

critiques émises sur les jeunes, il répond : « Ce n’est pas ce que j’ai

constaté. De tout temps, les nouvelles générations ont été critiquées

de la sorte. Concrètement, le niveau requis aujourd’hui est supérieur à

ce que l’on demandait par le passé. Comme les entreprises ont le choix,

elles deviennent exigeantes et demandent beaucoup, notamment par le

biais d’examens payants pour débuter une formation. »

Les conseils qu’il donne aux jeunes sont :

Commencez suffisamment tôt votre recherche de formation.

N’hésitez pas à vous renseigner auprès de l’office d’orientation pour choisir votre métier.

Ne

vous fixez pas sur un seul métier. Bien qu’il soit important de choisir

un emploi qui vous plaise, certaines voies offrent très peu de

débouchés.

Lorsque vous vous présentez, mettez en valeur vos compétences extrascolaires.

Si

vous ne trouvez pas d’emploi, inscrivez-vous au chômage. Plus de la

moitié des jeunes dans cette situation ne le font pas. Ils perdent leur

accès aux prestations et ne sont pas recensés dans les statistiques.