Renault – Nissan – General Motors
Après la réussite de l’alliance entre Renault et Nissan, l’idée d’un
rapprochement avec le constructeur automobile américain General Motors
(GM) fait son chemin. Cette idée a été lancée par l’investisseur
milliardeur américain Kirk Kerkorian, le premier actionnaire individuel
de General Motors avec 9,9 % du capital. Le conseil d’administration de
General Motors a accepté d’ouvrir des discussions avec le groupe
franco-japonais Renault-Nissan. Les dirigeants des deux groupes Carlos
Ghosn (le PDG de Renault-Nissan), et Rick Wagoner (le PDG de General
Motors) vont mener des négociations exploratoires sur la faisabilité
d’une alliance à trois.
Comme le précise le PDG de Renault et Nissan, Carlos Ghosn, dans son interview au journal Le Monde daté du 13 juillet, « il
s’agit d’une énorme opportunité…mais la seule question qui vaille est
de savoir si une alliance avec GM peut accélérer, renforcer, amplifier
le succès des plans en cours chez Renault et Nissan… Encore fautil
qu’on travaille avec GM pour voir ce que ça peut apporter, à quelle
condition et avec quelle organisation ». Ces quelques phrases
rappellent déjà le style Ghosn, qui est un savant mélange de
pragmatisme, d’approche globale, d’intégration des cultures locales, de
recherche de synergies, de souplesse, d’adaptation au marché, et de
dialogue simple et direct. En effet, dans la poursuite de cette
affaire, et par delà les aspects financiers, on risque fort de mal
comprendre les décisions prises si l’on ne fait pas un retour sur ce
personnage hors du commun.
Carlos Ghosn est un des rares patrons
réellement multiculturels et c’est là un atout majeur pour diriger un
ensemble à vocation mondiale : né au Brésil, il passe son enfance au
Liban et fait ses études supérieures en France.
Fort des cinq
langues qu’il parle couramment – arabe, français, anglais, portugais et
espagnol – il redresse Michelin au Brésil, et est ensuite nommé PDG de
Michelin États-Unis où il y organise l’absorption d’Uniroyal Goodrich :
« Je ne considère pas Carlos Ghosn comme un PDG français », dit James C. Morton, un ex-Michelin North America. « Il pense global, et se trouve à l’aise au sein du business américain. »
Passé ensuite chez Renault, il est envoyé au Japon pour y redresser
Nissan avec le succès que l’on sait, en profite pour apprendre le
japonais, et dirige maintenant les deux entités Renault et Nissan. Le
monde est d’autant plus son terrain de jeu qu’il le parcourt sans cesse
en avion, et communique essentiellement par e-mail avec ses
collaborateurs.
L’homme incarne également un nouveau style de
management, basé sur une écoute attentive des employés de tout échelon.
Il tient à expliquer personnellement sa démarche à ses collaborateurs,
en essayant de les motiver non pas par la récompense, mais en les
impliquant et en les incitant à atteindre des objectifs bien précis.
Enfin, il met en place une politique de performance basée sur la
qualité et l’innovation et œuvre pour la transparence par le biais de
la communication : « La réalité de notre marque est la perception que nos clients en ont ».
Fort de ce dialogue retrouvé avec le personnel, il sait alors prendre
des décisions réputées « impossibles » mais nécessaires pour redresser
rapidement Nissan, comme de fermer 3 usines et licencier 21.000
personnes au Japon, abolir l’emploi à vie et l’avancement à
l’ancienneté, etc. Comme il le dit luimême dans une interview au Point,
« la première chose indispensable pour obtenir la motivation
consiste à dire où l’on va. Le patron décrit la destination, donne une
vision. Il l’explique en permanence et à tous, pas seulement aux cadres
mais à tout le personnel. Les 130 000 « Renault » doivent savoir où va
l’entreprise... à un an, deux ans, cinq ans, dix ans. La deuxième
étape, c’est la stratégie. Voilà le but, maintenant, il faut dire
comment on y va. On identifie avec précision plusieurs étapes. La
stratégie doit être claire, comprise et convaincante. Il ne faut pas
une vision riquiqui, sinon ça ne marchera pas ».
Mais, ajoute-t-il aussitôt, « la
parole est primordiale : Tout ce que j’ai dit, je l’ai fait. Il y a une
seule et grande force dans l’entreprise, c’est la motivation du
personnel. Si vous avez une société dans laquelle les salariés sont
motivés, il n’y a pas d’obstacle. Le management doit s’évertuer à être
au centre du jeu. Il ne doit pas être ennuyeux. Le management doit
captiver l’audience, il doit inventer une histoire pour l’entreprise,
il faut que l’ensemble des personnels soient accroché par l’aventure,
qu’ils aient envie de passer au chapitre suivant. C’est pour ça que
vous allez tous les jours au boulot. Et si vous entraînez ainsi 130.000
personnes, c’est une puissance incroyable ! ». Il ne suffit cependant pas de parler, « il faut s’engager.
Moi,
je m’engage personnellement dans l’entreprise. Quitte à mettre mon
poste en jeu ! Pour le Nissan Revival Plan, on jouait notre
crédibilité. Alors, j’ai dit : si les objectifs ne sont pas atteints,
je démissionne avec le comité exécutif. »
L’avenir seul nous
dira si les deux PDG parviendront à se comprendre, et si les études de
faisabilité seront positives. Il ne fait cependant aucun doute que si
la décision d’étendre l’alliance vers GM est prise, le style de
management de Carlos Ghosn sera l’élément clé de sa réussite future.