La Z-machine : la plus grande découverte depuis l’invention du feu (suite)
Après avoir présenté un résultat expérimental stupéfiant, l’auteur évoque la façon dont cette découverte relance la course aux armements et le problème de la dissémination des armes thermonucléaires en donnant naissance à des engins nouveaux, n’utilisant plus la bombe A comme « détonateur », dont l’explosif est une substance qu’on trouve partout. Non-polluants, miniaturisables, ils n’engendrent pas de radioactivité et sont donc dangereusement utilisables. |
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Etant donné la place allouée, je n’ai pas la possibilité de rappeler le contenu de l’article précédent, paru dans le numéro 81 de La Grande Epoque, qui décrivait le résultat récemment obtenu au laboratoire américain de Sandia sur la « Z-machine ». Ce compresseur électromagnétique a permis de chauffer un plasma de fer à une température dépassant trois milliards de degrés. On ne sait d’ailleurs toujours pas quelle est la cause exacte de cet échauffement dont on peut lire l’évolution dans le temps sur la figure. Cela ne peut être simplement l’énergie cinétique acquise par les ions au cours de l’implosion, convertie en agitation thermique, étant donné que la température continue de s’élever alors que l’état de compression maximale ayant été atteint à t = 110 nanosecondes, le plasma entre en expansion. Ces résultats ont été publiés le 24 février 2006 dans la prestigieuse revue Physical Review Letters. Depuis, c’est le « silence radio complet ». L’explication est simple. Cette manip, qui était au départ destinée à produire une bouffée de rayons X, relève maintenant du secret défense le plus épais. Pourquoi ? Parce qu’en plaçant une fine aiguille d’hydrure de lithium selon l’axe du système et en portant celle-ci à une température d’au moins 500 millions de degrés, se dessine la route qui conduit à « la fusion pure », sans bombe A. Les « bombes à hydrogène » ne fonctionnent pas avec un mélange de deutérium-tritium, de deux isotopes de l’hydrogène, mais avec un explosif solide : l’hydrure de lithium. Sur le net, dans des forums, on désinforme comme on peut en s’abritant prudemment sous des pseudonymes. Cette « fusion pure » représente un danger pour ces projets pharaoniques que sont ITER et Mégajoule. Si la fusion pouvait être obtenue avec des manips 200 fois moins coûteuses, il faudrait tout revoir, tout repenser. Impossible : trop d’intérêts sont en jeu. Alors des « scientifiques préférant garder l’anonymat » nous déclarent sentencieusement, sans justification que « ça ne peut pas marcher » en discourant sur des plasmas totalement nouveaux, hyperdenses (déjà 90 millions d’atmosphères), soumis à un champ magnétique de 4.500 teslas, portés à des températures dont il n’existe aucun équivalent dans le système solaire, sièges de phénomènes de transferts d’énergie totalement inédits. C’est la porte ouverte vers une « fusion inertielle » où des noyaux se trouvent lancés les uns sur les autres, échauffés, confinés de manière fugitive : le plasma entre en expansion aussitôt. Le tout est que les réactions de fusion aient le temps de se produire, ce que ces gens réfutent par simple conviction. Cette voie leur paraît sans avenir. Or, cela revient à nier le fonctionnement des bombes à hydrogène, où tout se joue en quelques dizaines de nanosecondes, lorsque l’explosif de fusion se trouve comprimé, tassé, porté à une température de 500 millions de degrés. Cela revient à nier l’existence des supernovae, qui sont aussi des machines fonctionnant par confinement inertiel. Dans ces usines à créer les atomes de la table de Mendeleiev, par compression, la température à cœur atteint dix milliards de degrés. Dans une « Z-machine », la température croît comme le carré de l’intensité électrique. Les résultats évoqués plus haut ont été obtenus en 2005 avec un générateur développant 18 millions d’ampères. Son successeur, l’engin ZR qui entrera en fonction début 2007, développera 27 millions d’ampères. La température obtenue devrait alors se rapprocher de ces dix milliards de degrés. Il faut être d’une remarquable mauvaise foi pour nier que ces expériences, en nous plaçant face à des conditions physiques que personne n’auraient jusqu’ici cru réalisables nous ouvrent une extraordinaire boîte de Pandore. Ces discours visent aussi à masquer que la Z-machine française, l’engin ECF de Gramat, est à l’abandon depuis quatre ans, personne n’ayant envisagé qu’un engin de ce genre puisse ouvrir une voie nouvelle vers la fusion. Si l’on dispose d’une source de courant électrique sous très haut voltage et très forte intensité, il est donc maintenant envisageable de se passer de la classique « allumette » : la bombe A, à fission, dont la puissance minimale est de 300 tonnes en équivalent TNT. Si l’on parvenait à déclencher des réactions de fusion dans une fine aguille de Li H, d’hydrure de lithium, celle-ci, faisant office de détonateur pourrait alors propager la fusion à une charge de masse illimitée. Mais comment disposer d’un générateur électrique affichant de telles performances, sous un poids et volume suffisamment faibles pour convertir le tout en bombe ? La réponse est à chercher dans des travaux russes du début des années 50, impulsés par Andréi Sakharov. Pour faire connaissance avec la panoplie de ces idées d’au-delà de l’Oural se référer à l'article disponible ici. Il est difficile d’expliquer tout cela dans cet article. Nous essayerons seulement de situer quelques idées-clés. Le maître-mot est l’induction. Lorsqu’on soumet un conducteur électrique à un champ magnétique variable apparaît en son sein un courant induit correspondant à la loi de Lenz. Le corollaire est que si un conducteur électrique se déplace dans un champ magnétique, un champ électromoteur, produit du champ magnétique par la vitesse, se manifeste aussitôt. Sakharov imagina de communiquer à un conducteur une vitesse de dix kilomètres par seconde à l’aide d’un explosif. C’est de la MHD, domaine où celui-ci évoluait en maître incontesté, univers fantastique, peuplé d’astuces, de montages plus étonnants les uns que les autres. Les Russes ont de l’imagination à revendre. Par deux fois ils vont stupéfier les Américains. En 1961, quand Sakharov révèle l’existence de son générateur MK2. Principe : un condensateur se décharge dans une bobine, une self. On obtient au départ un régime de « décharge oscillante » où l’énergie électrique se balade d’un de ces deux éléments à l’autre. Quand le condensateur est déchargé, que la tension à ses bornes s’annule, cette énergie « est passée dans la self » qui à son tour va restituer cette énergie électrique au condensateur dans une sorte de va-et-vient. Donnons une image. Prenez une lame d’acier. Coincez-là dans un étau en la maintenant verticalement. Lestez son extrémité avec une masse M. Tirez sur cet ensemble. Vous réalisez un apport d’énergie de flexion, de nature mécanique. Lâchez cette masse. Vous obtiendrez des oscillations. Quand la lame d’acier est verticale, elle ne contient plus aucune énergie de flexion. Où est-elle passée ? Convertie sous forme d’énergie cinétique, emportée par la masse. Le mouvement se poursuit. La tige fléchit, dans l’autre sens. Puis la masse s’arrête : son énergie cinétique devient nulle. Où est-elle donc passée ? Dans la flexion de la lame. Vous avez donc un système où l’on dispose de deux systèmes de stockage de l’énergie, qui se la renvoient l’un l’autre. Remplacez la lame de ressort par un condensateur et la masse par une self et vous obtenez un circuit oscillant. Variante : suspendez la masse à un fil accroché au plafond. Utilisez la lamelle élastique pour lui communiquer un mouvement en vous arrangeant pour que celle-ci arrive en butée quand elle est en position verticale, ayant communiqué toute son énergie de flexion à la masse. Celle-ci poursuivra alors un mouvement de rotation, toujours pendue à son fil, s’atténuant progressivement du fait du frottement de l’air. Vous obtenez l’image d’un montage « crowbar » où l’on se sert d’un condensateur pour « lancer » un courant électrique dans une self, que l’on court-circuite sur elle-même quand le condensateur est déchargé. Ce courant s’atténuera du fait des pertes par effet Joule (simulé par le frottement de l’air). Un petit bout de savoir au passage, sous forme vulgarisée. Nous n’aurons guère de temps et de place pour aller plus loin. Quand le condensateur a « chargé la self » Sakharov, après l’avoir mise en court-circuit entreprend de réduire la valeur de son inductance L. Pour ce faire, il utilise un tube de cuivre empli d’explosif. Positivement génial. Il le met à feu à une extrémité. Le cuivre, ductile, se dilate, arrive au contact des spires et les court-circuite les unes après les autres, réduisant « l’inductance » de cette bobine. Or, dans un tel montage, le produit de cette inductance par l’intensité électrique est une constante, qu’on appelle « flux magnétique ». En 1953, avec un montage digne d’une simple école technique, pesant 150 kilos, dont 15 kilos d’explosif, Sakharov obtient 100 millions d’ampères. C’est cinq fois ce que délivre le générateur de la Z-machine. Pour une bombe « à fusion pure », cela pourrait faire l’affaire. Mais même avec un explosif rapide, cette décharge reste cent fois trop lente. Pour faire imploser le « liner » sur l’aiguille d’hydrure de lithium, il faut que tout se joue en cent milliardièmes de seconde. On ne peut pas accroître la vitesse de détonation, qui plafonne à dix kilomètres par seconde. En 1989, les Américains découvrent une nouvelle machine, le Disk Explosive Magnetic Generator, inventée par Chernyshev. Comme pour ce générateur MK2, ceux-ci n’en avaient pas suspecté l’existence jusqu’à ce qu’ils l’aient vu de leurs yeux. N’entrons pas dans les détails. Ceux qui en sont curieux les trouveront sur mon site à l’adresse indiquée. Focalisons-nous sur l’idée générale. Avec un explosif, il faut amener à zéro un volume emprisonné dans une surface faite de cuivre. Pour raccourcir le temps, il faut que l’explosif travaille sur une plus courte distance quand il écrase l’objet. Faut-il diminuer ses dimensions ? Cela réduirait d’autant la puissance délivrée. Le Russe a une idée renversante de simplicité. Son « liner » n’a plus une forme cylindrique. Imaginez « un accordéon de révolution ». Le volume intérieur ressemble alors à un empilement de disques communiquant selon l’axe du système. Coulez maintenant de l’explosif autour de tout cela. Quand la mise à feu est opérée, tous les disques sont écrasés en même temps, très vite puisque leur épaisseur est faible. Explosif, liner de cuivre, champ magnétique, conjuguez le tout : vous obtenez un générateur de haute tension et de forte intensité « à la Russe ». Voici ce type de générateur DEMG, installé sur le site Arzamas 16. En 2004, celui-ci délivrait 35 millions d’ampères, avec un poids total de quelques centaines de kilos. Couplez au « liner à fils », ajoutez « l’allumette » , la fine aiguille d’hydrure de lithium faisant office de détonateur, reliée à une charge de Li H quelconque et vous avez un schéma de « bombe à fusion pure ». Pour développer ce concept vous n’aurez nul besoin de vous procurer de l’uranium, de l’enrichir laborieusement, de fabriquer votre première bombe A, comme les Iraniens. Tout cela deviendrait beaucoup plus simple, beaucoup plus rapide et beaucoup moins cher. De plus, ces bombes seraient merveilleusement propres, écologiques, pourrait-on dire. De véritables « bombes vertes » dont l’explosion ne produirait que de l’hélium (voir cet aspect de fusion « a-neutronique dans le précédent dossier). C’est « kill me cleanly » (Tuez-moi proprement). Pas de radioactivité, pas de déchets. La bombe idéale, moins polluante qu’une bombe chimique. Un jour, on s’entretuera avec de l’hélium. L’hydrure de lithium ? On en trouve à 60 dollars le kilo. L’eau de mer en contient 0,17 gramme par mètre cube. Bref, il y en a partout. Que faut-il de plus ? Du cuivre, un explosif de bonne qualité, un peu d’électronique et c’est tout. Réjouissons-nous. L’arme thermonucléaire sera peut-être un jour à la portée de pays comme le Grand Duché du Luxembourg, voire la Principauté de Monaco. Aucune limitation dans le monstrueux : vous mettez autant d’hydrure de lithium que vous le voulez. A l’inverse, l’engin est miniaturisable. Un jour des drones de la taille d’une guêpe, guidées par micro-GPS (qui existe déjà, vous le savez très bien) emporteront à des centaines de kilomètres de distance des micro-bombes, issue des nanotechnologies, d’une puissance équivalant à plusieurs kilos de TNT. Tout cela s’inscrit dans notre futur technologique. Celui-ci serait-il à nos portes ? Pourquoi le a-t-il annoncé le 15 juin 2006 qu’on avait confié aux deux équipes américaines de « web designers » ( concepteurs de bombes ) situées à Los Alamos et à Livermore la tâche de plancher, dans la fièvre, sur « un nouveau type de bombe qu’on n’aura pas besoin d’essayer ». Pourquoi, au même moment le Congrès approuve-t-il le remplacement des 6.000 ogives nucléaires de l’arsenal américain ? Pourquoi la Chambre des Communes anglaise a été peu de temps après saisie d’un projet similaire ? Pourquoi cette petite phrase de Bush, en 2005, dans son discours sur l’Etat de l’Union où il laisse entendre que les Etats-Unis pourront dans un avenir relativement proche s’affranchir du pétrole en tant que source d’énergie ? Pourquoi des bruits circulent-ils, évoquant un spectaculaire raccourcissement des durées des voyages spatiaux, du fait de l’émergence d’un nouveau type de propulsion ? La fusion pure permet d’envisager des moteurs fusées à très forte impulsion spécifique, qui bouleverseraient totalement notre astronautique, ce qui sera l’objet du dossier suivant. Le quatrième volet de ce tour d’horizon traitera de la façon dont cette fusion par confinement inertiel pourrait donner naissance à un générateur MHD d’électricité, équivalent, dans le domaine de la fusion, au moteur à explosion, ITER faisant figure, quant à lui, de « machine à vapeur du 3e millénaire ». Texte et illustrations : Jean-Pierre Petit Vous pouvez visiter le site de l'auteur, ici.
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