Le charbon propre : le rêve énergétique américain
Les États-Unis est le pays consommant le plus d’électricité au monde. Environ 4000 milliards de kWh (kilowatt-heure) annuellement. La Chine suit avec une consommation de 2000 milliards de kWh par année (le Canada est au 6e rang avec 550 milliards de kWh). Ces deux pays ont aussi la particularité de produire une grande partie de leur énergie par le charbon : 50 % pour les États-Unis et 70 % pour la Chine. Or, le charbon est la source de production d’énergie la plus polluante en termes d’émissions atmosphériques, et les deux pays reposent sur des réserves quasi infinies de charbon. |
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En plus, ni les États-Unis ni la Chine n’ont signé le Protocole de Kyoto. Rien pour rassurer les écologistes. La technologie du «charbon propre» saura-t-elle nous épargner ce désastre écologique? Le charbon «sale» Actuellement, la technique utilisée dans les centrales au charbon consiste à brûler du charbon broyé, puis à évacuer les gaz de combustion directement dans l’atmosphère. L’énergie générée durant la combustion permet de transformer l’eau en vapeur. Cette vapeur fait tourner une turbine qui entraîne un alternateur et produit du courant électrique. Ce genre de centrales obtient un rendement global d’environ 35 %, ce qui signifie aussi que seulement le tiers de la pollution émise aura servi à produire de l’électricité. Bien que l’industrie implante déjà certaines technologies afin de réduire les émissions de polluants, les gaz de combustion restent considérablement nocifs. On retrouve notamment du dioxyde de soufre (SO2) qui entraîne les pluies acides, de la suie et de fines particules qui occasionnent des maladies des poumons, des oxydes d’azote (NOx) qui causent le smog, du mercure qui peut provoquer des dommages neurologiques chez les jeunes enfants et évidemment du dioxyde de carbone (CO2), facteur majeur du réchauffement climatique. Le charbon propre Les futures centrales au charbon devraient être beaucoup moins polluantes, si l’on se fie à l’annonce du président Bush en 2003 quant au projet de la FutureGen. Cette centrale expérimentale sera la toute première centrale au charbon à produire de l’électricité et de l’hydrogène et à faire de la séquestration de CO2. Prévue être fonctionnelle en 2012, elle utilisera le procédé nommé Integrated Gasification Combined Cycle (IGCC). Dans le procédé IGCC, le charbon, au lieu d’être brûlé directement, est oxydé afin de produire un gaz synthétique appelé syngas. On extrait ensuite chimiquement le CO2 et l’hydrogène contenus dans le syngas. Le CO2 est acheminé par pipeline à un lieu de stockage et l’hydrogène est stocké dans des piles à hydrogène. Le syngas est alors brûlé dans une turbine à gaz, ce qui produit de l’électricité. Le cycle combiné permet de produire encore plus d’électricité en générant de la vapeur avec les gaz de combustion qu’on envoie à une turbine à vapeur. Le gouvernement américain estime atteindre une efficacité d’environ 50 %, une progression significative par rapport au 35 % des centrales traditionnelles. Pour les autres polluants atmosphériques, il est possible, par exemple, de réduire de 99 % les émissions de SO2 en aspergeant du calcaire et de l’eau sur les gaz de combustion. On obtient ainsi une poudre de gypse (sulfate de calcium) qui peut être vendue à l’industrie de la construction. D’autres procédés semblables sont disponibles pour réduire l’impact environnemental de la combustion du charbon. Quant au stockage du CO2, la compagnie pétrolière norvégienne Norsk Hydro offre une réponse : stocker le CO2 dans une nappe aquifère, à un kilomètre sous le sol. La compagnie canadienne Encana suggère une autre approche qu’elle applique déjà : injecter le CO2 dans un gisement de pétrole. Le CO2 injecté aide à maintenir la pression du puits, ce qui facilite l’extraction du pétrole. On pourrait donc séquestrer le CO2 afin de produire plus de pétrole. Il fallait y penser! Autre alternative, le stockage océanique. En injectant le CO2 directement dans l’océan, deux choses peuvent se produire. À une profondeur de un kilomètre, le CO2 se dissoudrait dans l’eau et augmenterait graduellement l’acidité de l’eau, ce qui pourrait nuire à certains organismes marins. La deuxième option est de former un «lac» de CO2 à trois kilomètres sous l’eau. À ces profondeurs, le CO2 injecté demeurerait à l’état liquide et, plus dense que l’eau, il resterait théoriquement aux abîmes de l’océan. Mais le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, organisme onusien) précise qu’il en est encore à «l’étape de la recherche» dans le cas du stockage océanique. Pour ce qui est des risques de fuites, le GIEC estime que sur une période de cent ans, les réservoirs géologiques pourraient retenir de 90 % à 99 % du CO2 stocké. Puis il ajoute «qu’une concentration élevée de CO2 dans le sous-sol peu profond peut avoir des effets mortels pour les plantes et les animaux du sous-sol et contaminer les eaux souterraines et que l’élévation de la pression attribuable à l’injection de CO2 pourrait provoquer de petits phénomènes sismiques». L’industrie et le gouvernement américains fondent beaucoup d’espoir sur le charbon propre. Le gouvernement canadien aussi. Sachant que le charbon propre l’est autant que le gaz naturel, la question à se poser pourrait être : est-ce «assez» propre?
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