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Deux musiciens de Dieu (1re partie)

Écrit par Raymond Laberge, Collaboration spéciale
25.05.2007
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En pays latin, César Franck, en pays germanique, Anton Bruckner

Comme des êtres en dehors du temps, au milieu de l’ère de la

mécanisation, de la vitesse et du matérialisme sans scrupule,

apparaissent deux musiciens de nationalités différentes, qui, sans se

connaître, furent frères par l’esprit. Ils appartiennent à une même

communauté spirituelle, celle qui compta jadis dans ses rangs des

maîtres comme Bach et Palestrina. Un biographe ayant donné à Bruckner

le surnom de «musicien de Dieu», je me permets d’appliquer ce terme au

séraphique César Franck, qui le mérite pour le moins autant que son

collègue autrichien.

  • César Franck, organiste du XIXe siècle(攝影: / 大紀元)

   

Musiciens de Dieu, ils le furent par leur tranquille confiance en

l’Éternel, confiance grâce à laquelle ils travaillaient en silence,

infatigablement, sans chercher le succès, sans espoir de faire

sensation dans le monde. Après leur mort, leur talent fut reconnu mais,

à ce jour, les oeuvres de Franck, si admirées en pays latin, ne sont

que fort rarement exécutées en pays germanique, où on ne les comprend

pas de la même façon. Par contre, celles de Bruckner, si goûtées en

Autriche et en Allemagne, voire en Hollande et en Suisse alémanique, ne

sont quasiment jamais entendues en France, en Belgique ou en Italie.

Injustice de la postérité?

Cette semaine, nous survolerons la vie de César Franck.

Un modeste organiste de l’église de Sainte-Clotilde, à Paris: César Franck (1822-1890)

César

Auguste Franck voit le jour, le 10 décembre 1822, à Liège, en Belgique.

Ses parents montent à Paris en 1835. Toute sa carrière se déroulera en

France, à l’exception d’une brève tournée en 1842. Lorsque le jeune

César arrive à Paris, il est chaperonné par un père tyrannique dont le

seul but est de transformer ses deux fils (César, l’aîné, et Joseph, le

cadet) en enfants prodiges. En 1841, le père-imprésario ne voit pas

d’un bon oeil les premiers essais hors des sentiers battus de son fils

César, qui lui valent pourtant l’amitié et l’encouragement du

compositeur hongrois Liszt. La mode est aux fantaisies de concert et

paraphrases sur des airs d’opéras, où doit briller la virtuosité de

l’interprète. Une seconde parenthèse dans la vie de Franck se présente

en 1844 avec Ruth, églogue biblique pour soli, choeur et

orchestre. Sa rencontre récente avec le compositeur Charles Gounod l’a

poussé sur les chemins de la Bible, où il reviendra souvent. L’année

1846 marque la fin de la tutelle paternelle: César avait jusqu’alors

accepté les directives de son père sans que les circonstances ne

l’incitent à les discuter. Mais, cette année-là, il s’éprend d’une de

ses élèves, Félicité Desmousseaux, Le climat change vite, et une

dédicace peu appréciée par le père met le feu aux poudres. César quitte

le domicile paternel. Deux ans plus tard, au milieu des barricades de

la révolution de 1848, il épouse Félicité.

Sa vie devient celle

d’un modeste professeur de musique, dont les ressources ne permettent

pas une vie aisée. Organiste à Notre-Dame-de-Lorette en 1847, puis à

Saint-Jean-Saint-François du Marais en 1857, il est nommé titulaire de

l’orgue de Sainte-Clotilde en 1857 et professeur d’orgue au

Conservatoire de Paris en 1872. Homme bon, trop discret pour rechercher

la notoriété ou le succès, il se contente d’une vie paisible un peu en

marge de la réalité. Les véritables chefs-d’oeuvre ne voient le jour

qu’après 1870, à l’époque où se forme autour de lui une pléiade

d’élèves (Henri Duparc, Vincent d’Indy, Ernest Chausson, Charles

Bordes) qui feront rayonner un enseignement fondé sur la musique,

l’expression et la beauté, plutôt que sur une technique rigoureuse et

froide.

Un romantique

César Franck a été catalogué

comme organiste et musicien d’église, mais une connaissance plus

approfondie de son oeuvre ne doit jamais perdre les années de jeunesse,

passées sous l’autorité d’un père tyrannique. Le jeune César n’avait

pas un caractère à s’affirmer et il ne l’aura jamais. Plus tard, sa

femme et ses élèves choisiront pour lui ou le pousseront à prendre les

décisions importantes. Timide de nature, il y a pourtant en lui une

passion qui ne demande qu’à s’épanouir, mais que sa pudeur entrave.

Avec l’oratorio, il trouve le moyen de s’échapper un peu de lui-même

par un biais qui lui semble naturel, la religion. Ce chrétien sincère

n’hésite pas à consacrer le plus clair de son temps à la composition de

fresques aussi gigantesques que Rédemption (1871-1872) ou Les Béatitudes

(1869-1879), vaste et merveilleux oratorio qu’il ne devait jamais

entendre lui-même. Car, au fond de lui-même, Franck est un romantique

dont la passion ne parvient pas à s’exprimer. Il tâtonne pour trouver

son cadre, et des oeuvres comme Ruth (1846), La Tour de Babel (1865) ou ce même poème symphonique Rédemption ne seront que des étapes vers le libre épanouissement d’un homme étouffé; Les Béatitudes en sont une première manifestation, mais la véritable explosion survient avec le Quinette avec piano en fa

mineur (1878-1879). Le musicien romantique s’est enfin révélé, donnant

libre cours à sa passion et laissant passer un souffle dévastateur.

Franck s’est affranchi au point de composer une oeuvre d’une sensualité

étonnante. L’ombre de son élève, Augusta Holmès, plane sur cette

période de sa vie: est-elle la cause de ce revirement? L’éventualité

d’une liaison a été souvent avancée, mais l’incertitude demeure à ce

sujet.

Dans le sillage du Quintette, Franck donne Le Chasseur maudit (1882), Prélude, choral et fugue pour piano (1884), les Variations symphoniques pour piano et orchestre (1885), Psyché (1886), Prélude, aria et finale pour piano (1887), la Symphonie en ré mineur (1886-1888), le Quatuor et les Trois Chorals pour orgue

(1890). En dix ans, Franck livre le meilleur de lui-même, revenant

d’ailleurs à l’inspiration religieuse pour son ultime oeuvre.

Jean-Sébastien

Bach, à travers son oeuvre immense, chante souvent la mort. Et

toujours, ces chants sont donnés dans les tonalités les plus claires,

accompagnées de l’écho radieux du son des cloches. La musique de César

Franck est liée par le style et l’expression à celle de Bach. Elle est

une ascension vers des sommets mystiques. La dernière qu’il ait écrite,

les Trois Chorals pour orgue, contient des pages, comme celle de la conclusion du deuxième choral en si

mineur, qui appartiennent au ciel. Franck vivait dans les nuages. C’est

ainsi qu’il nous a été ravi, renversé, en 1890, par un omnibus en

pleine circulation de Paris. Jamais il ne s’est relevé des suites de

cet accident. Il a cependant eu le temps de nous dire qu’il avait vu et

entendu des choses sublimes, là-haut, dans les cimes et qu’il aimait

penser que certaines de ses visions étaient exprimées en musique. Sa

musique a donné aux hommes la force de se sentir meilleurs, les a

rendus moins accessibles à la laideur, les a mis en communion avec ce

que la vie peut donner de plus serein, de plus profondément beau.

Suite de l’article la semaine prochaine.

 

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